La guerre, la nationalité et l’expulsion de citoyens français contestataires
Hollande et Valls : déchoir de leur nationalité française des citoyens français depuis plusieurs générations, notamment ceux de culture ou de religion, musulmane, qui se rebellent en mots ou en actes contre le système social actuel, marqué par une ségrégation contre les descendants d’indigènes. Le but : les expulser vers des États-vassaux africains.
Monsieur Valls est un citoyen français naturalisé ; c’est un double national espagnol, puis français. Il promeut la déchéance de nationalité pour les Français, né en France (pas comme lui- et pour les Français par naturalisation (comme lui), condamnés pour terrorisme.
Son accord personnel – alors que lui et ses enfants sont concernés - avec la modification constitutionnelle qui validerait le projet présidentiel serait le garant que cela est « tout à fait normal » et « sans aucun danger pour les bons citoyens ».
Il a aussi affirmé à plusieurs reprises que cela avait une portée symbolique dans la mesure où une telle stipulation constitutionnelle n’est pas de nature à décourager un kamikaze.
Enfin, bien sûr, il reconnaît le caractère exceptionnel de ce projet en insistant sur la guerre à laquelle la France serait confrontée : la guerre contre le terrorisme.
- Mais, sommes-nous vraiment en guerre ?
- Non, bien sûr. Les aînés se souviennent bien de la Seconde guerre mondiale.
La guerre ce n’est pas cela : actuellement nous continuons à vivre tranquillement notre vie habituelle au contraire de ce qui se passait en France de 1939-45. Plus près de nous, les habitants des anciens départements d’Algérie se souviennent : 750 000 militaires et troupes assimilées, les couvre-feux, des batailles rangées, y compris dans ces centres-villes.
Au XIXème siècle, il y avait les anarchistes. En Métropole pendant la guerre en Algérie, il y avait de-ci de-là quelques attentats des nationalistes algériens ou des extrémistes de l’OAS. Aujourd’hui, il y a quelques attentats et c’est très triste pour les victimes – des innocents ! – avec lesquelles et avec les familles desquelles nous compatissons, mais ce n’est pas la guerre au sens de la guerre de 39-45 en France ni la guerre d’Algérie dans les trois départements concernés.
En 2001, suite à l’attaque des Tours Jumelles à New York (plus de 3000 morts), le gouvernement américain a fait valoir auprès de ses alliés de l’OTAN la clause de solidarité en cas d’agression militaire. Beaucoup ont contesté cette approche parce que cela ne correspondait pas vraiment à un acte de guerre : c’était un geste isolé, mené par un petit nombre de personnes et non répétitif. Mais tous ont finalement accepté la demande américaine, eu égard au poids des USA dans l’OTAN et aussi au nombre de victimes.
Après les attaques de janvier 2016, Paris a approché l’OTAN avec la même demande : elle a été poliment refusée. Ces attentats ne constituent pas une guerre. Le gouvernement français a dû se passer de l’aide de l’OTAN.
Par comparaison, l’Italie en avait connu de plus graves et de plus fréquents dans les années 70 et personne n’avait évoqué à l’époque un état de guerre.
Donc l’emploi du terme « guerre » par le gouvernement est purement allégorique. C’est de la littérature pure et simple. C’est une métaphore. La situation que nous connaissons n’appelle pas le déploiement des troupes dans les villes : c’est de la gesticulation pour donner une image visuelle à ce qui est une métaphore littéraire. On ne combat pas les attentats terroristes avec l’armée dans les rues : c’est du cinéma pour impressionner le badaud.
Le terrorisme peut avoir deux origines.
Une origine externe, animée par un ou des États étrangers qui ont un différend avec la France et qui veulent nous faire du tort. Ils envoient alors en France des agents secrets qui font des « coups » avec ou sans le concours de Français qu’ils achètent ou qu’ils manipulent avec du chantage ou de la drogue, etc. Les opérateurs sur le terrain sont soit des résidents étrangers, soit des touristes, soit des étrangers en situation irrégulière (agents clandestins), soit des Français tombés sous la coupe de leur officier traitant étranger. Les fils des complots mènent soit à des ambassades (immunité diplomatique) soit directement vers les services spéciaux dans les capitales étrangères.
Le terrorisme d’origine externe se résout par la recherche d’une solution mutuellement acceptable pour les gouvernements qu’un différend oppose. S’il n’y a pas de solution amiable, le différend finira par se muer en une crise ouverte qui se terminera par la chute d’un des deux gouvernements ou par une guerre, une vraie guerre. Elle commencera par une guerre des services secrets et se terminera par une guerre avec les militaires.
Quand on a affaire au terrorisme externe, on peut trouver des agents étrangers (souvent des officiers de l’armée étrangère) demander et obtenir la nationalité française pour commettre des actes contre le pays à la demande de leur patrie. S’ils sont découverts, il est normal de les déchoir de la nationalité parce qu’obtenue par dol. Cela personne ne le contestera. Et cela existe dans tous les pays du monde : une citoyenneté obtenue par fraude n’est pas valable.
C’est pourquoi un système d’enquête approfondie est requis avant d’octroyer la citoyenneté à un demandeur étranger. Mais cette enquête doit être sérieuse parce qu’une fois donnée, on ne la reprend pas si on respecte sa propre nationalité : ce n’est pas un jouet, cela touche à l’identité de la personne et à un symbole qui doit garder sa valeur d’intouchabilité. Si par la suite le nouveau citoyen ou un citoyen autochtone commettent des crimes les plus abjects, il y a des lois pour les punir de la même façon et aussi sévèrement que nécessaire : on ne peut pas faire une réduction de la sanction pour un criminel parce qu’il est de « race française » ou toute autre raison similaire qui cacherait sa vraie nature.
Par contre si un national se met au service de l’étranger pour de l’argent ou par chantage ou par vice de la pensée, on ne doit pas le déchoir de sa nationalité ; on doit le punir très sévèrement, aussi sévèrement que le prévoit la loi.
Donc, le terrorisme d’origine étrangère n’est pas la guerre. Il s'y apparente, mais ce n'est pas la guerre.
Aujourd’hui, la France n’est pas impliquée dans ce genre de conflit, sauf peut-être avec le quasi-État « Daech ». Dans le passé, elle en a eu avec la République Islamique d’Iran quand le gouvernement français a voulu faire tomber le régime révolutionnaire qui a chassé le Chah et quand il a refusé d’honorer ses dettes financières envers l’Iran. Un compromis a été trouvé et les attentats ont cessé à Paris et à Téhéran.
Aujourd’hui, la France n’est pas impliquée dans ce genre de conflit avec un État membre de l’ONU. Nous verrons une autre fois, les conséquences de l’implication de la France dans des conflits lointains, à travers les opérations extérieures de son armée et à travers ses soutiens financiers et en armement de rébellions dans des pays tiers du Moyen-Orient, en vue d’en changer le gouvernement. Tout le monde se souvient des discours martiaux de Hollande et surtout de Fabius et tout le monde voit les piteux résultats.
L’origine interne du terrorisme est issue d’un mécontentement profond et durable de la majorité ou d’une minorité importante de la population du pays, à cause d’inégalités institutionnelles choquantes et durables, d’une très mauvaise gestion économique qui enlève toute perspective d’avenir à une partie importante de la population. Le désespoir s’installe, les idéologies de la rébellion fleurissent et prospèrent. Des organisations insurrectionnelles plus ou moins efficaces se développent. Des troubles commencent dans le pays.
Le pays a connu des troubles de ce type dans les années trente où on a vu fleurir des ouvrages portant sur la théorie du coup d’État et fleurir des organisations séditieuses, milices, groupes anarchistes, ligues, etc.
Pendant la guerre en Algérie, on a vu en métropole (qui n’était pas en état de guerre) des groupes de pro-Algérie Française et de pro-FLN s’affronter à coup de bastonnades, tortures, assassinats.
C’étaient des troubles internes de la société française. Les différents gouvernements français ont à l’époque voulu y voir la main de l’URSS, de l’Inde, de la Yougoslavie, de l’Égypte… c’était de la propagande.
En réalité, un conflit interne, issu d’une politique durable d’inégalité, d’humiliation, d’exploitation se résout en apportant une réponse à ces plaies, en rétablissant la justice sociale, économique, culturelle et en installant de nouveau dans le pays une confiance dans le régime politique en place.
En 1936, en métropole, le pouvoir politique a accepté des changements sociaux importants : la démocratie a été sauvée et le pays a connu un début de développement remarquable. Il en fut de même en 1968.
Mais après 1945, le pouvoir politique a été rigide face aux réclamations de la population des colonies : aucune égalité, aucun transfert de connaissances, aucune autonomie locale associant les autochtones, aucun développement économique à l’image de la métropole. Cette rigidité, cet entêtement dans l’esprit de supériorité a débouché sur des guerres de libération : « puisque vous ne voulez pas de nous comme vos égaux et vos partenaires, alors on s’en va faire notre avenir sans vous ». Au lieu de créer une fédération ou une confédération de territoires égaux au sein d’une division du travail et de niveaux de vie équivalents, l’État français a préféré l’amputation : de 300 millions d’administrés, la France est tombée à 50 millions, sans parler de la surface de l’empire « où le soleil ne se couchait jamais », réduite à celle de sa métropole et à quelques îles lointaines.
Dans les colonies, l’État français a utilisé toutes les techniques de guerre contre les indépendantistes. Toutes les techniques anciennes et toutes les techniques apprises des Nazis. En recourant à des effectifs militaires et policiers pléthoriques, il a tenté de noyer les opposants dans la puissance de la force brute, dans le sang.
Ça n’a pas marché : la force militaire ne peut jamais et nulle part dans le monde assurer durablement la domination d’une population opprimée.
Un conflit interne, s’il en est arrivé à une expression par des explosions sporadiques se résout uniquement par des réformes sociales, éducatives, culturelles, économiques et politiques en profondeur.
La réponse ponctuelle peut être policière, mais surtout par le biais de la police en civil. Cependant, il faut savoir qu’une réponse ponctuelle ne peut pas apporter une solution durable.
La vraie réponse est celle des réformes nécessaires visant l’égalité, la justice, l’économie. Il n’y en a pas d’autre.
Or la France actuelle est marquée par la présence durable sur son sol de millions de personnes soumises de fait à un régime d’exclusion économique, éducative, culturelle, politique. Ce n’est pas moi, mais Valls lui-même qui a parlé d’apartheid. Cela ne date pas d’aujourd’hui, mais des années 60. Un grand ami de la France, Monsieur Boutros Boutros Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU, ancien secrétaire général de la Francophonie, un Chrétien copte égyptien qui a résidé de longues années en France a écrit que l’État français avait installé dans ses banlieues des territoires administrés sur le modèle colonial.
Cette situation intolérable des banlieues a assez duré, maintenant comme disaient les pieds-noirs : « ça se tord ou ça casse ».
Ces enfants sont nos enfants, nous ne les avons pas éduqués convenablement, nous ne les avons pas logés dignement, nous ne leur offrons aucun avenir acceptable. Ou bien nous nous reprenons vivement ou bien nous laissons couler et nous allons vers de graves évènements. De plus en plus graves.
La déchéance de nationalité a pour finalité des expulsions vers des pays du Tiers-Monde et elle ne donnera rien : il n’est pas dit que ces pays accepteront les personnes expulsées et rien n’empêchera ces désespérés de revenir en tant que clandestins et de faire exploser leur rage à l’intérieur du pays.
Sarkozy est plus clair sur cette question : il faut étendre la déchéance de la nationalité à certains délits et ne pas la limiter à des crimes. En fait, la frontière entre les deux est mobile ; elle peut être fixée aux crimes aujourd’hui et demain descendre jusqu’aux délits d’opinion que l’on nommera pour l’occasion « apologie du terrorisme ».
Oui, c’est clair : quand Valls, un double national, promeut la déchéance de la nationalité française, il ne pense pas à la valeur symbolique de la nationalité française qu’il dégrade, il ne pense pas que cela s’appliquera un jour à ses propres enfants s’ils vont commettre des crimes contre l’humanité en Palestine, il ne pense pas à sanctionner égalitairement tous les criminels quelle que soit leur origine.
Il pense que la déchéance de la nationalité sera nécessaire pour l’utiliser pour des délits d’opinion (apologie du terrorisme élargie à tout délit de dissidence de la part des Français inférieurs) afin d’expulser ces Français, nés Français dans des banlieues françaises, mais d’origine arabe et/ou africaine et/ou musulmane. Peu lui chaut de créer une nationalité française marquée d’ignominie, avilie parce que devenue une citoyenneté à étages, une citoyenneté à fondement racial… du moment que le système inégalitaire et bloqué qui est celui que nous connaissons sera ainsi sauvé.
À la lumière de ce rappel historique, il est clair que la situation actuelle de la France n’est pas une situation de guerre. Le discours officiel à ce sujet est pure démagogie. L’état d’exception dérogatoire des garanties légales pour les droits de l’homme est une conséquence de cette démagogie et il n’aura aucun résultat sur la durée : les terroristes frapperont encore même si l’état d’urgence est maintenu indéfiniment. Cela n’a pas fait cesser les troubles dans le Vietnam ni en Algérie ni en Irlande du nord. La seule solution réside dans des réformes sociales démocratiques et radicales en profondeur.
Le recours à ce terme, le déploiement des moyens militaires visibles, les infractions aux droits fondamentaux des gens pour des résultats judiciaires minuscules est un usage démagogique pour effrayer le poulailler et pour justifier le refus de s’engager dans des réformes sociales profondes à même de ramener la paix civile.
A-t-on le droit de tromper aussi grossièrement le peuple français en vue de préparer la réélection d’un candidat à la Présidence de la République ? L’opinion internationale a trouvé le procédé de George Bush junior ignoble. On a même parlé de crimes de guerre : il a jouté aux victimes des attentats de New York, ceux de l’Afghanistan, ceux de l’Irak – des centaines de milliers de civils. Pour quel résultat visible aujourd’hui ?
Voilà le chemin que suivent Hollande et Valls : déchoir de leur nationalité française des citoyens français (éventuellement depuis plusieurs générations) qui se rebellent en mots ou en actes contre le système social actuel, marqué par une ségrégation institutionnelle contre les descendants d’indigènes, notamment de culture ou de religion musulmane… en vue de les expulser vers des États-vassaux africains qui voudront bien les accueillir.
Ce faisant, ils acceptent de transformer la nature profonde de l’État français qui disposera d’une citoyenneté française non plus universaliste et humaniste comme actuellement, mais d’une citoyenneté à étages, d’essence raciste.
Abdellah OUAHHABI, ancien réalisateur et producteur TV française.
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