La guerre : pourquoi ? Et contre qui ?

La France est en guerre est cela ne date pas d'hier. Le massacre de Charlie Hebdo le lui a rappelé. Comment ? La guerre ! Chez nous ? Le téléspectateur a beau être stupéfait, l'humaniste bouche bée, le libertaire scandalisé, il rit encore... Pour surtout, ne pas penser.

Irak, Libye, Afghanistan, autant de guerres dont le funeste bilan ne nous émeut pas plus que cela. Nécessaire qu'on nous dit ! Humanitaire ! Peut-être...Mais la mort est la, traversant la Méditerranée en même temps que notre poste télévisé.
Après le déluge émotionnel, qui pour dire que notre guerre propre n'est peut-être pas moins sale que leur guerre sainte ? Qui pour voir l'enfant monstrueux de l'irresponsabilité américaine ? Qui pour récuser notre légitimité sur ces terres étrangères ?
Le spectacle l'avait prise en otage, la guerre, aujourd'hui elle nous explose en pleine face. Tous les écrans de fumée ne pourront cacher la vérité de ce revers. Tous les "Je suis Charlie" du monde ne suffiront pas à stopper l'irrésistible retour du réel.

La réalité c'est aussi une partie de ces masses ghettoisés et déracinés qui n'ont trouvés dans la France que frustration et ressentiment. Jeunes hommes ayant troqué leur inutilité sociale, la double misère du chômage et de la surpression hormonale contre un paradis barbare de pacotille, une communauté messianique grand-guignolesque. Ce sont nos fantômes passant d'un nihilisme l'autre. Ce sont vos enfants. Charlie est aussi le père des frères Kouachi. Combien de Frankenstein en gestation ? Des milliers d'autres le crâne assez vide pour se le bourrer d'explosif. Minorité d'une minorité certes qu'il faudra à défaut de toujours pouvoir comprendre, nommer et juger. La thérapie sociale est une douce espérance qui n'est pas toujours satisfaisante.

Il n'est pas question de relativiser la barbarie des fondamentalistes. Le corpus même de l'islam doit pouvoir souffrir de la critique, comme n'importe quelle idéologie. Cependant soyons clair : le petit héroïsme par procuration des grands indignés suffira pour vaincre au sein de nos frontières. L'écrasante majorité des Français ne rêvant pas d'un empire islamiste d'obédience néo médiévale ( Dieu Merci ! ) l'hypothèse de son exportation en notre sein est donc plus qu'improbable. Plus proche de nous est la menace d'un capitalisme autoritaire tout droit sorti des think tank américains, avec son lot de lois liberticides. De l'état psychopolitique des masses dépendra son ascension.

La séquence 2005 - 2015 avaient commencé par les émeutes des banlieues, elle se termine par un acte de guerre. Dix années d'impensée, d'inaction intérieure et de guerres extérieures... Le choc des non-civilisations peut continuer. Xénophilie aveuglante et xénophobie beuglarde n'y changeront rien. La société décomplexée du libéralisme triomphant trop obnubilé par sa merveilleuse image n'a pas voulu voir le désespoir grandissant à l'ombre des cités...aujourd'hui elle récolte les fruits de son hypocrisie.

 La satire et l'ironie ne pourront être les seules réponses à ce "ready-made" politico-religieux tragique, terrible conséquence d'une défaillance collective...C'est une guerre culturelle qu'il faudra mener contre un capitalisme destructeur des structures civilisationnelles, lui seul étant capable à terme de se mettre suffisamment sous tension pour provoquer à l'être ou au non-être. Il est le combustible initial d'un brasier d'injustices sur lequel le fondamentalisme prospère. La réunion de l'élite politique mondiale à Paris ainsi que l'inscription " Je suis Charlie " sur le frontispice de la bourse newyorkaise nous rappelle à ces questions élémentaires : La guerre pourquoi ? Et contre qui ?