La journée d’asservissement à la propagande démocratique !

En effet, depuis 2002 , chaque jeune âgé de 16 ans doit se faire recenser en mairie : ceci lui permet d’être cordialement « invité » à passer une journée à l’armée, quand il a 17 ans !

Pour rappel, M. Chirac avait, dès le 22 février 1996, exprimé son souhait de professionnaliser les armées françaises. Après un débat national lancé par Alain Juppé, puis repris par Jospin et son ministre de la défense Alain Richard, le projet de loi est adopté par l’Assemblée nationale le 21 octobre 1997. La loi 97-1019 est promulguée par le chef de l’État le 28 octobre 1997. Le Service national, sous son ancienne forme, a connu beaucoup de réfractaires, dès l’an 2000. Le collectif « SansNous » a été créé dans le but d’anticiper la fin du service national, et il réussit à l’ avancer d’un an !

Après ce bref rappel des faits, vous allez avoir la chance de pénétrer à l’intérieur de cette JAPD ! Agé moi-même de 17 ans, j’ai eu la « chance » de participer à cette journée offerte par l’armée (le voyage, le repas sont pris en charge par les 10 % du budget de l’État alloués à la défense, et heureusement !), je vais donc vous raconter ma journée d’appel à la propagande démocratique !

Ayant tout juste posé mon vélo, j’entre d’un pas récalcitrant dans l’enceinte militaire ! Je suis accueilli par un militaire en uniforme, qui a pour mission le contrôle des identités, ce qu’il effectue avec beaucoup de conviction ! Dès mon arrivée, j’ai le sentiment de me trouver en URSS à l’époque de Staline, ou dans la Cité interdite de Pékin. Décoré par des engins militaires, le lieu ne m’inspire pas vraiment confiance !

Nous sommes ensuite appelés à rentrer dans le bâtiment qui est réservé à la JAPD. Le lieu est agrémenté de plusieurs affiches de l’armée incitant à l’engagement... Après le petit déjeuner offert, nous sommes invités à rentrer dans une salle pour subir la torture de la propagande militaire, mais ça, nous ne le savons pas encore !

Nous faisons alors la connaissance de nos deux « animateurs »  : un gendarme et un officier militaire ! Après nous avoir raconté leur parcours, ils commencent à nous passer des DVD sur le thème de la citoyenneté. Nous y voyons des jeunes qui définissent la citoyenneté, et nos interlocuteurs se chargent alors de nous rappeler les droits et les devoirs de tout bon citoyen qui se respecte ! Et pour enfoncer le clou, des vidéos, pour changer, nous montrent des pays où les droits sont bafoués. L’armée cherche ainsi à nous culpabiliser, à nous caser dans le moule du citoyen qui ne proteste jamais, qui ne participe pas au débat ! Ainsi, nos deux animateurs enchaînent sur le fait que « En France, on a le droit de manifester, et pour ça, on est les champions du monde ! » et l’autre renchérit : « Oui, on a le droit de manifester, mais pas trop quand même ! » Ils essaient, donc, en nous montrant que la France est un des plus beaux pays du monde, voire le plus beau, de nous rendre soumis à l’ État... Des citoyens passifs, mais obéissants !

Après les tests d’ illettrisme, la deuxième partie de la matinée est occupée par la diffusion de DVD sur l’intérêt de l’armée en France ! Et bien sûr, nos présentateurs sont là pour nous montrer tous les bienfaits qu’elle nous apporte (personnellement, je n’en vois toujours pas l’intérêt, à part celui de détruire des vies !) Nous pouvions donc compter sur nos animateurs pour nous présenter l’armée comme bienfaitrice de l’humanité, qui sauve des vies grâce à des armes... Cherchez l’erreur !

La défense est ensuite présentée comme une entreprise créatrice d’emplois, réalisant de bons profits, stimulant la croissance française : rien que ça ! On peut donc en conclure que l’armée sauve la France de la faillite : un grand merci !

Nous demandant ensuite quelles sont les menaces qui pèsent sur la France, beaucoup répondent le terrorisme, et là, on sent tout de suite que nos interlocuteurs sont à leur aise, avec un tel sujet. Ils en ont ainsi profité pour nous inciter à une paranoïa chronique face aux risques terroristes : surveiller tous les sacs, observer chaque personne suspecte... Comme cela, étant prévenus de cette menace, nous accepterons en douceur la vidéosurveillance de Sarkozy : projet de loi synonyme de libertés bafouées !

L’après-midi est réservé au recrutement de réservistes ou de jeunes soldats. C’est donc encore une fois par une vidéo que nous sont présentés les intérêts et les avantages de s’engager dans l’armée. Des témoignages de soldats sont montrés. Pour eux, il n’y a que des avantages. Parfois, un petit défaut ressort... mais il est tout de suite atténué : une bonne période de propagande, digne d’un des États les plus totalitaires ! Et pour couronner le tout, un intervenant, spécialement prévu pour l’occasion, nous incite fortement à nous engager dans l’armée, vidéos à l’ appui, une fois de plus !

Après cette intervention, nous retrouvons sur nos tables des feuilles de recrutement, sur lesquelles on doit répondre si on veut ou pas s’engager dans l’armée. Mais, même si on répond non, tout n’est pas perdu, nous ne sommes pas si irrécupérables que ça, puisque désormais, étant fichés à l’armée, nous pouvons toujours revenir sur notre choix !

La journée se termine heureusement bien, par les premiers secours délivrés par la Croix rouge, et par la remise des diplômes de JAPD, indispensables pour passer tout concours national !

La JAPD est donc une journée de propagande de la défense, qui rassemble un public plutôt réceptif à ses demandes (la preuve en est le nombre de oui pour rentrer dans l’armée autour de moi !). L’ armée se plaît donc, en cette journée, à se banaliser, et à s’envoyer des fleurs (jusqu’ à mentir) en se croyant forte, utile et indispensable pour les Français. Si cela lui fait plaisir, tant mieux ! En tout cas, moi j’ me suis fais chier !