La leçon d’Abiker à Taddéï : Tous victimes et fiers de l’être !
« J’ai toujours adoré me plaindre, me lamenter. Longtemps, je l’ai fait en amateur, pour un rien, devant un public confidentiel. Et puis un jour, frappé par le destin, j’ai décidé de faire victime de compétition. Pas simple ! La concurrence est rude. Il faut savoir gémir sans lasser, communiquer tout en restant naturel, attendrir sans écoeurer. Heureusement, les gens sont gentils, ils vous aident à réussir. L’époque aussi est propice. Elle assure le soutien psychologique, fournit les kleenex et prend les photos. »
David Abiker

Sacré David. Toujours le mot pour rire.
Il y a trois ans jour pour jour, ce journaliste-écrivain, s’est fendu d’un pamphlet sur la victimisation à outrance, dans son livre : "le Mur des lamentations : tous victimes et fiers de l’être"
Tous ses très nombreux lecteurs furent unanimes : Dé-so-pi-lant ! Car c’est l’humour qui est le fil conducteur de ce portrait sans compromis de nos pleurnicheries. Toutes nos petites et grandes tracasseries quotidiennes sont les proies de la plume incisive et acerbe du sieur Abiker, chez qui tout le monde reconnaît, dans ce livre, un côté gai luron briseur de tabous. Une ragoûtante dérive scribale contre la victimisation institutionnalisée, que l’époque, propice à toutes les lamentations, continue de nourrir de ses mièvreries.
On ne peut que se reconnaître dans cette description pourtant peu élogieuse de notre réflexe victimaire. Presque tout y passe : depuis les jérémiades de l’enfant roi à nos râleries dans la file d’attente à la poste en passant par le cancer récemment diagnostiqué qui donne enfin un sens à la vie, que ce perspicace observateur de notre société a imaginé vide et triste à mourir, avant le drame dont son anti-héros est la victime dégoulinante de tristesse et d’égoïsme, voulant fédérer la terre entière autour de son seul malheur.
Mais ce clown au grand coeur se défend d’avoir voulu faire un livre pour se moquer des cancéreux et autres geignards qui se plaignent dans l’espoir être chouchoutés. Loin de lui l’idée de toucher la sensibilité particulière de ces gens qui font de leur souffrance, une vindicte "chiantissime" et quasi quotidienne. Non, monsieur Abiker est de bonne foi quand il dit qu’il veut simplement rester léger sur des sujets graves pour rationaliser la discussion, inciter à la réflexion. C’est en toute intelligence et avec délicatesse qu’il nous propose d’aborder un sujet aussi sensible, mais sans tourner autour du pot, pour opposer deux visions possibles d’un même évènement, victimaire ou détachée, tout ça avec humour, dérision et sur l’air du politiquement incorrect...Un régal !
Il est vrai que David est un journaliste des temps modernes qui a une sainte horreur de la langue de bois, et qui préfère au consensus généralement mou, le vrai débat, sur tous les thèmes sans exception. N’est-ce pas lui qui critiquait la médiocrité de la télé de jadis où on réunissait des gens autour de thèmes sur lesquels tout le monde était d’accord ?
"J’ai refait de la vieille télé(...). Je peux vous dire que c’est pas vraiment la même chose. La vieille télé c’était sur TV5, une émission dont j’ai oublié le nom. Une table ronde et des chaises autour. Le sujet ? Les droits des femmes. Vous imaginez une émission sur le droit des femmes ? Vous imaginez parfaitement. Un plateau sur lequel tout le monde est d’accord – comment ne pas être d’accord ? Un plateau avec une présidente de Ni putes ni soumises, d’accord avec une ancienne ministre malienne, elle-même d’accord avec une avocate féministe elle-même d’accord avec une autre femme toujours d’accord. Il fallait un homme qui soit d’accord avec le fait que l’excision c’est mal, que les violences faites aux femmes c’est mal, bref, il fallait l’accord parfait "
Mais oui, c’est bien le même David pas encore inquisiteur, qui exultait de joie, de pouvoir enfin refaire de la vraie télé, de l’après TV5, avec de la vie et de la contradiction !
"La télé d’après la télé, c’est juste le retour d’Arrêt sur images à la télé(...) cette émission qui parle de télé, se fait virer de la télé, renaît sur le web pour, un an plus tard, revenir sur la télé du câble, chez Free. La télé d’après la télé ressemble au web. On se frite, on décrypte, on regarde des vidéos du net, on se fait lyncher sur un forum bref, ça vit. On y est d’accord sur une seule chose, la nécessité urgente de ne pas être d’accord et de le dire."
Ca dépend qui pleurniche, monsieur Abiker. La nécessité et l’urgence d’être un contradicteur est toute relative quand on est pas d’accord sur la version officielle du 11 septembre. Même murmurés, même tus, les doutes sont insupportables et douloureux...Question de sensibilité sans doute
Cela n’empêche pas Monsieur Abiker de rester dans le registre de l’humour lorsqu’il traite de la douleur, toute aussi subjective, des autres pour faire un best-seller au titre racoleur. Ca a marché et ça c’est bien pour lui. Ce succès littéral est possible, parce-que même si l’écrivain ne pourra jamais prouver qu’il n’a pas affecté la sensibilité d’autrui, même s’il ne pourra jamais convaincre tout le monde que son observation de la construction psychologique de la victime autour de son malheur est traitée avec le décalage qui sied parfaitement au cynisme de l’humour noir, sa conclusion si magnifique, démontre une telle sagesse que, encore victime, on se rallie déjà à son point de vue diligent mais franc.
Un discours qui prône si bien le débat contradictoire serein ou plus animé, comme résistance à la pensée uniforme des plateaux-télés garnis d’accords parfaits, ne peut que rallier à la cause de celui qui l’a prononcé.
Pourtant, aujourd’hui, lorsque un des seuls journalistes Français dignes de ce nom qui ne s’est pas encore fait virer ou qui n’étouffe pas sous les procès orduriers ou la dépression, répond à des questions, confraternellement et avec une sérénité qui lui est coutumière, le journaliste Abiker le suspecte, indirectement, comme Morandini l’a fait avant lui pour Kassovitz, le neo-révisionniste du moment, de douter du scénario des attentats du 11 septembre et donc selon sa logique affligée et celle plutôt affligeante du buzzer Morandini, d’avoir, en quelque sorte, manqué de compassion...Comme si le fait de se poser des questions sur des événements tragiques, revenait à dénigrer le sort des malheureuses victimes, comme si ces individus interrogés niaient purement et simplement la tragédie, en l’occurrence l’effondrement de 2 tours et demi, pleine d’innocents qui appelaient au secours, sous les yeux du monde entier impuissant et horrifié..
C’est aussi,un peu, comme si on accusait tous les gens comme lui, capables de rire du drame des autres par amour de la contradiction, de la subversion ou du bon mot, de minimiser voire de nier leur malheur dans un but mercantile ou politique, plutôt que sociologique ou humoristique. Une confusion qui reviendrait à ramener le style ironique de son livre, au rang du plus parfait stéréotype de ce que pourrait être le mépris ou l’atteinte à la dignité humaine. Or, il n’en n’est rien, semble-t-il, car le journaliste s’en est défendu sans véhémence, l’argument a suffit à clore le débat et aucune interdiction de diffusion n’a frappé son livre.
Personne ne peut donc douter aujourd’hui, de sa bonne foi, et puis tout le monde sait parfaitement que, ce qui différencie un vrai journaliste comme Abiker ou Taddéï par exemple, des simples amateurs comme moi qui se fritent sur le web ou des Morandini qui fustigent les pipoles faurissonnisés, c’est le détachement et le recul dont ils font preuve avec l’événement qu’ils relatent...
Sources :
Son émission
Parlons Net !
Son Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/David_Abiker
Son blog
http://davidabiker.typepad.fr/
Un blog ami
http://blogs.lexpress.fr/nouvelleformule/2008/11/mon-ami-abiker-1-richard-desco.php
31 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON