La leçon de Berlusconi pour la France de 2007
Berlusconi n’a pas été battu comme les Français le rêvaient. L’Italie du Nord, l’une des régions les plus riches d’Europe, a voté Berlusconi. Pourquoi nous autres Français nous trompons-nous si souvent sur les autres ? Sommes-nous aveugles sur les autres et sur nous-mêmes ? Comme notre avenir va se jouer en 2007, que faut-il pour réussir ?
L’analyse du vote serré des législatives italiennes remportées par Prodi a montré que le Nord de l’Italie a voté pour Berlusconi, et le Sud pour Prodi. A l’exception de la Ligurie (Gênes, dans le Nord) et de la Sicile. Or les sondages donnaient 5% d’écart favorable à Prodi, écart qui se limita à 0,5%.
Donc, l’une des régions les plus travailleuses et les plus riches d’Europe a voté Berlusconi. Peut-être un peu pour les promesses de baisses d’impôt, peut-être par crainte de la coalition Prodi, trop fragile, peut-être aussi parce que Berlusconi n’est pas jugé si catastrophique que cela de ce côté-là des Alpes. A retenir de ces élections, les unions de droite comme de gauche, qui ont su présenter des programmes différents et cohérents.
Si la France avait voté, elle aurait voté Prodi (et ce lundi matin encore, Berlusconi se faisait injurier sur les ondes de France Inter par un invité antimondialiste). D’ailleurs si la France avait voté aux Etats-Unis il y a 2 ½ ans, elle aurait voté Kerry.
Ceci montre que la France est dans un dangereux décalage avec le monde environnant :
- La France n’est ni réaliste, ni pragmatique. Elle exprime tout haut ses rêves, elle est romantique. Elle transfère son « modèle » sur les autres pays et se trompe sur toute la ligne, avec un don particulier pour faire la morale aux autres.
- Nos voisins (UK, Allemagne, Italie, Espagne...) - les peuples voisins - sont pragmatiques, réalistes, et notamment volontaires et courageux. Ni romantiques, ni intellectuels, comme nous revendiquons de l’être. Et nous aimerions condamner Blair s’il n’était pas travailliste, et à l’inverse nous faisons croire que Michèle Bachelet est socialiste lorsqu’elle est sociale-démocrate, qu’elle a battu la droite lorsqu’elle ne fait que reconduire un parti en place.
- Le bilan économique de Berlusconi n’est pas le cadavre annoncé. D’ailleurs, celui de Prodi s’annonce déjà bon, car les bases sont meilleures. Souvenons-nous que si Prodi a été un bon président du Conseil italien, il fut un piètre (et le mot est faible) président de la Commission européenne... Et c’est peut-être aussi pour cela que le Nord a moins voté pour lui.
- Intellectualisme français, dis-je, qui nous mine. Exemple : France Soir. Qu’un repreneur veuille faire de France Soir un journal populaire, c’est son choix économique. Les commentaires intellectuels le condamnant pour son refus de traiter de politique sont typiquement français. Métro et 20 Minutes n’auraient jamais pu être créés en France. Souvenons-nous comment les cartes de cinéma payées à l’année ont été caractérisées : elles favorisaient le grand capital du cinéma au détriment du cinéma d’auteur... alors que cela a peut-être sauvé le cinéma français et son cinéma d’auteur (Avoir et être, Les choristes, La marche de l’empereur...).
- Cet aveuglement intellectuel, qui est une distance avec le quotidien, nous joue des tours. L’anniversaire du 21 avril 2002 est surtout celui de la division de la gauche et non pas celui de l’arrivée de Le Pen au second tour. Or la gauche reste divisée, entre celle pour qui le mot libéral n’est pas une injure, et celle pour qui le mot équitable est le nouveau paradigme céleste.
- Aveugle, la France l’est face à la prochaine crise que le CPE a annoncée : en voulant résoudre le chômage des jeunes en difficultés, le gouvernement a fait l’impasse sur les futurs retraités en difficultés car, soyons-en tous conscients, les retraites vont baisser mécaniquement, ne serait-ce que par manque de travail pour les plus de 50 ans.
- Aveugles, nous le sommes aussi, si nous n’admettons pas que les salaires baissent en France : dans le tertiaire, pas dans le secondaire, par les emplois aidés, par les diplômés qui entrent de plus en plus tard sur le marché du travail (la politique des stages est une honte, comme celles des médecins étrangers exploités comme des esclaves).
- Aveugle et sourde, la France l’est encore ce matin, au 48e congrès de la CGT, lorsque le principal thème est la réforme des cotisations, et non le monde que nous voulons, ou le monde possible pour demain, bref, la lutte, et non la construction.
Cette très petite défaite de Berlusconi - ou cette très petite victoire de Prodi - en décalage total avec les attentes des Français, me fait émettre trois vœux pour 2007 :
- que la campagne électorale nous parle de prospective, de France à 10 ans, à 20 ans... d’idéal
- que les partis républicains [1] se présentent unis pour tout simplement se faire face au second tour
- que la moyenne d’âge du prochain gouvernement soit inférieure à 45 ans
[1] J’appelle « partis républicains » les partis reconnaissant les valeurs de la France et celles de l’Europe.
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