La légion d’honneur de Jean-Michel Beau : le journal « Le Monde » trompe sciemment ses lecteurs !
En 1993, dans un article intitulé « Information et déontologie », le directeur du Monde d’alors, J. Lesourne, affirmait avec Bruno Frappat qu’ « informer, c’est choisir de faire savoir ». Et ils proposaient à leurs lecteurs un contrat selon lequel « ils (auraient) la quasi certitude que toute information publiée, (dans leur journal, serait) exacte ».
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH292/mensonge2-6aa68.jpg)
On est aujourd’hui loin du compte, si l’on en juge par le petit article que Le Monde a, par exemple, consacré, en page 16, le 22 mai 2009, sous la signature d’Olivier Schmitt, à la légion d’honneur décernée au Lieutenant-colonel honoraire de gendarmerie, Jean-Michel Beau : Le Monde informe ses lecteurs, certes, mais, en choisissant « de ne pas faire savoir », il les trompe sciemment !
L’article partial du Monde
« L’ex-lieutenant colonel de la gendarmerie, est-il écrit, un des deux condamnés dans l’affaire des Irlandais de Vincennes et l’une des victimes des écoutes de l’Élysée, lors du premier mandat de François Mitterrand, vient d’être nommé chevalier de la légion d’honneur par décret du Président de la République, Nicolas Sarkozy.
Il avait été condamné en 1991 à 12 mois de prison avec sursis pour subornation de témoins dans l’arrestation des Irlandais de Vincennes. »
Une mise hors-contexte soignée ayant pour but ou effet de nuire
Le leurre utilisé par le journaliste du Monde est ici la mise hors-contexte. C’est un leurre redoutable pour deux raisons : la première est qu’il permet de donner à une information par un mot, une phrase, une image ou une posture le sens que souhaite l’émetteur, fût-il contraire à la réalité ; la seconde est que ce leurre ne peut être déjoué que par le récepteur qui connaît précisément le contexte qu’a gommé volontairement l’émetteur. Autant dire que nul, quelle que soit l’étendue de ses connaissances, ne peut se targuer d’être à l’abri de ce leurre.
1- Celui qui n’a de « l’affaire des Irlandais de Vincennes » qu’une connaissance approximative, apprend ainsi par Le Monde que Jean-Michel Beau, alors commandant de gendarmerie, a été condamné à cette occasion. Assortie du rappel du délit et de la peine, la répétition du mot « condamné », dans cet article de quelques lignes, permet de bien ancrer une image négative de l’intéressé dans l’esprit du lecteur.
2- Celui-ci est ainsi amené à déduire que le seul vrai coupable dans cette affaire a été Jean-michel Beau puisqu’il est en plus désigné comme l’ « un des deux condamnés ». C’est précisément ce que la cellule de l’Élysée a voulu faire croire pendant 24 ans, jusqu’à ce que Christian Prouteau, son ancien chef, craque le 5 décembre 2006 et avoue à la présidente de la cour d’appel qui l’interrogeait, dans le procès sur « les écoutes de l’Élysée », qu’il savait que son second, Paul Barril, avait apporté les armes dans l’appartement des Irlandais de Vincennes : « Paul a chargé la mule ! » a-t-il reconnu dans son langage imagé. Seulement le journaliste du Monde omet ce contexte pour faire de Jean-Michel Beau le principal coupable dans l’affaire.
3- En outre, la seule juxtaposition de cet état de service déshonorant et l’attribution de la légion d’honneur tend à insinuer par sous-entendu une contradiction d’où découlent implicitement l’incompréhension et la désapprobation de la décision prise par le Président de la République : décore-t-on de la plus haute distinction républicaine quelqu’un qui a été reconnu coupable d’avoir failli dans l’exercice de ses fonctions ?
Telle est l’information que les lecteurs du journal Le Monde ont reçue de leur journal longtemps présenté comme le journal de référence et qui, en janvier 2002, publiait sa conception de l’information dans une brochure intitulée, « Le Style du Monde », dans la plus pure tradition de la mythologie journalistique cruellement démentie dans ce cas de figure.
Le contexte : un officier trompé et injustement accusé qui assume ses responsabilités
Or, que devient cette présentation du rôle joué par le Commandant Beau quand on la replace dans le contexte que Le Monde a soigneusement écarté ? Une pure calomnie !
1- Jean-Michel Beau a effectivement été condamné pour subornation de témoins en 1991, tandis que le chef de la cellule antiterroriste de l’Élysée, M. Prouteau, lui aussi condamné en première instance, a été relaxé par la cour d’appel qui a rendu son arrêt deux mois après le premier jugement. Dans les annales judiciaires, cette précipitation d’une cour d’appel est un record !
2- Mais qu’est-ce que cache le journaliste du Monde ? Il omet de dire tout simplement que la subornation de témoins qui a valu à Jean-Michel Beau cette condamnation de 12 mois de prison avec sursis, couverte par l’amnistie, est, en fait, un acte d’héroïsme qui lui fait honneur, ce que reconnaît aujourd’hui la décoration qui lui est attribuée.
L’arrestation des Irlandais de Vincennes s’est faite dans des conditions irrégulières que nul ne conteste aujourd’hui : la perquisition, effectuée par l’équipe de la cellule de l’Élysée, a commencé en l’absence des prévenus et d’un officier de police judiciaire. Mais, informé par Christian Prouteau et son second Paul Barril de l’extrême dangerosité des personnes arrêtées, Jean-Michel Beau a de deux maux choisi le moindre. Il a préféré couvrir ces irrégularités jugées vénielles plutôt que de prendre le risque d’une libération de ces prévenus pour vice de forme. La version officielle d’une arrestation régulière a ensuite été dictée par l’Élysée et Jean-Michel Beau non seulement l’a adoptée mais il a demandé à ses subordonnés de s’y tenir. Voilà la fameuse subornation reprochée qui s’éclaire d’un jour bien différent.
La conduite héroïque de Jean-Michel Beau face à des pouvoirs républicains dévoyés
3- Mais quand en 1985, il a acquis la preuve que les irrégularités vénielles qu’il avait couvertes, ont permis, en fait, aux hommes de l’Élysée d’apporter dans l’appartement des Irlandais de Vincennes, les armes et l’explosif découverts pour mieux les confondre, Jean-Michel Beau a décidé de rendre publique l’information et a pris l’entière responsabilité de la version officielle de l’arrestation pourtant diffusée par l’Élysée, en demandant que ses subordonnés ne soient pas inquiétés puisqu’ils avaient obéi à ses ordres ! Jean-Michel Beau a donné là un bel exemple d’officier qui assume toutes ses responsabilités, après avoir été trompé honteusement par ses frères d’armes exerçant auprès du Président de la République.
4- Paradoxalement et scandaleusement, il sera, avec un autre officier de gendarmerie qui l’a secondé, la seule personne traînée en justice dans « l’affaire des Irlandais de Vincennes ». Les auteurs du montage frauduleux, membres de la cellule antiterroriste de l’Élysée, eux, ne seront pas poursuivis ! L’appareil judiciaire aux ordres de la présidence de la République déploiera toutes les astuces dont il a le secret, pour leur éviter l’infamie du tribunal : saucissonnage de l’affaire en plusieurs informations qui s’enliseront, et lenteur par omission d’actes de procédure pour jouer la prescription qui finira par tomber.
5- Quant à « l’affaire des écoutes téléphoniques de l’Élysée », Jean-Michel Beau en sera une des victimes parce que la cellule de l’Élysée avait besoin de connaître les informations dont il disposait pour contrer en justice sa défense ! Ce sera peine perdue cette fois. Car, à la différence de « l’affaire des Irlandais de Vincennes », celle des « écoutes téléphoniques de l’Élysée a vu … après 15 ans de procédure ( ! ) la condamnation définitive de ses auteurs le 30 septembre 2008 par la cour de cassation (1).
On reste donc stupéfait qu’un journal comme Le Monde prenne le risque de perdre son crédit en pratiquant une mise hors-contexte aussi grossière dont l’effet, sinon le but, est de nuire à un officier de gendarmerie dont le Président de la République a décidé d’honorer l’héroïsme. Le lieutenant-colonel honoraire Jean-Michel Beau a mis 26 ans pour que les responsabilités soient clairement établies et que soient étalées aux yeux de tous les atteintes aux libertés fondamentales commises par des hommes sans honneur sous la présidence de Francois Mitterrand, qui, en plus, l’ont fait passer pour le responsable de leur forfaiture pendant 24 ans ! Le journal Le Monde mérite bien une médaille de la honte puisqu’il est capable de jouer de l’ignorance de ses lecteurs pour les tromper par le leurre de la mise-hors-contexte. (2) (3) Paul Villach
(1) Rappel :Les sept coupables sont les suivants : MM.
- Gilles Ménage, ancien directeur adjoint du cabinet de François Mitterrand,
- Christian Prouteau, chef de la « cellule de l’Elysée »,
- Pierre Charroy, ex-commandant du groupement interministériel de contrôle,
- Pierre-Yves Gilleron, ancien commissaire de la DST,
- Louis Schweitzer, ex-directeur de cabinet de Laurent Fabius à l’Hôtel Matignon,
- le général Jean-Louis Esquivier,
- l’ex-capitaine Paul Barril, membre de « la cellule de l’Élysée ».
(2) Pour mesurer plus précisément l’ampleur de la mise hors-contexte opérée par le journal Le Monde, voici un rappel des articles consacrés à Jean-Michel Beau sur AGORAVOX
- Paul Villach , « Une dignité cher payée : « L’affaire des Irlandais de Vincennes - 1982-2007 - ou l’honneur d’un gendarme » un livre signé Jean-Michel Beau paru aux Édition Fayard, Agoravox, 18 mars 2008 :
- Paul Villach , « Les écoutes de l’Élysée » : la Cour d’appel de Paris à l’écoute... d’une nouvelle civilisation », Agoravox, 19 mars 2007.
- Paul Villach, « Est-ce à l’État de payer en cas de "faute personnelle" commise par un fonctionnaire ? » , Agoravox, 7 juillet 2008.
- Paul Villach, « Écoutes téléphoniques de l’Élysée : des fonctionnaires enfin personnellement responsables ? », Agoravox, 3 septembre 2008.
- Paul Villach, « Les écoutes téléphoniques de l’Élysée : « une faute personnelle » de fonctionnaires dévoyés, confirme définitivement la Cour de cassation », Agoravox, 1er octobre 2008
(3) Lors de la parution du livre de Jean-Michel Beau en mars 2008, le Monde s’était déjà distingué par un compte-rendu sordide :
Paul Villach, « Psychiatriser l’opposant : « Le Monde » à l’école de « La Pravda » ? », AGORAVOX, 21 mars 2008.
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