On ne sait si c'est l'étendue du Pacifique qui l'avait provoqué, mais le Japon était bien au seuil de la guerre le pays roi des sous-marins, bien davantage encore que l'Allemagne, possédant la flotte la plus diversifiée du monde, allant du plus petit (midgets subs) au plus plus imposant (les sous-marins cargos), en passant par les plus rapides et les plus modernes, sans oublier l'arme ultime qu'il n'aura heureusement pas le temps de mettre en action : le sous-marin porte-avions, ou plutôt porte bombardier étant donné la taille de l'engin. Une invention japonaise (sur le Surcouf français, c'était un avion d'observation). Bombarder quoi ? Mais New-York, pardi ! Ah, attaquer New-York ! Si les japonais rêvent alors de le faire, via leur propagande, les allemands aussi avaient été tentés d'y arriver : de deux façons. De façon aérienne, avec le périple étonnant d'un quadrimoteur du FAGr5, le JU-390, qui sera vu en janvier 1944 en train de photographier Manhattan avant de rentrer en Allemagne, et par la voie de ses U-Boots, l'amiral Donitz, subjugué par l'attaque de Pearl Harbour ayant constaté que le sous-marin était pour l'Allemagne le meilleur moyen d'y arriver, les avions allemands étant à leur limite de motorisation pour une telle expédition. Mais le harcèlement des convois de cargos, ce n'était pas attaquer New-York, ce pourquoi exclusivement avait été conçu un avion remarquable et son transporteur, donc, un... sous-marin. Japonais.
Deux sous marins fondamentaux sont réapparus en même temps et par hasard dans l’actualité le 12 novembre 2009 ; avec l’annonce de la redécouverte de ces deux engins, l’I-14 et l’I-201 au large d’Oahu, à savoir d’Hawaï par des plongeurs et leur bathyscaphe, le Pisces, de l’Hawaii Undersea Research Laboratory, à 800 mètres de profondeur. Jusqu’ici on ne savait qu’une chose : c’était bien la Navy US qui les avait fait couler après guerre, sans en révéler l’endroit, resté "top secret" depuis. Trop tard, on vient de les redécouvrir pour s’apercevoir qu’une fois encore, comme pour les U-Boot, les japonais avaient une belle avance avec ces deux engins. Commençons si vous le voulez bien par le plus petit : l’I-201, sous-marin d’attaque construit en... 1938, de très loin en avance sur ses contemporains. C’est le petit Pisces aussi qui retrouvera le dernier minsub de Pearl Harbor. le 28 août 2002. L’engin était toujours muni de ses deux torpilles et avait bien été atteint par le Ward, juste avant le déclenchement de l’attaque dévastrice !
L’I-201 était donc sorti avant la guerre. Or ces caractéristiques démontraient que les japonais étaient passés maîtres dans l’art de fabriquer des sous-marins, ce qu'on a vu, en l’occurrence des sous-marins d’attaque en ce qui le concerne. L'i-201 était en effet le sous-marin le plus rapide en plongée : il faisait du 35 km/h sous l’eau ! Il reprenait les idées de l’I-71 expérimental qui lui avait atteint 39 km/h, dès 1938 également : à voir ces formes extérieures on comprenait pourquoi : il ressemblait à un sous-marin des années cinquante, voire soixante, avec son kiosque profilé et son hydrodynamique parfaite. Les japonais avaient déjà compris qu’il falliait gommer toutes les aspérités extérieures pour gagner en km/h sous la surface : fini le canon proéminent sur le pont, et le pont à lamelles de bois. Le prototype I-71 avait plus de vingt ans d’avance ! Là où le meilleur des U-Boots faisait 18 nœuds en plongée, il en faisait déjà 21, sept années auparavant !
Question armement de ces sous-marins, en torpilles, le Japon n'était pas en reste : "les sous-marins japonais employaient les meilleures torpilles disponibles au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le "Type 95" de torpilles utilisait l'oxygène pur pour brûler le kérosène, au lieu de l'air comprimé l'air et de l'alcool utilisé dans d'autres pays. Cette arme leur a étendu d'environ trois fois le rayon d'action de leurs homologues alliés (9000 à 12 000 m !), et a également réduit leur sillage, ce qui les rendait plus difficile à remarquer et à éviter. Le Type 95 avait aussi de loin la plus grande ogive de tout sous-marin lance-torpilles, passant de 405 kg, est passé à 550 kg à la fin de la guerre. Toutes les torpilles japonaises au cours de la guerre utilisaient le Type 97 d'explosif, un mélange de 60% TNT et de 40% d'hexanitrodiphénylamine (fabriqué à partir du chlorobenzène, une découverte de 1919 par des chimistes... américains). Plus important encore, le Type 95 utilisait un déclencheur à simple contact, et a donc été beaucoup plus fiable que son homologue américaine, la Mark 14, jusqu'à ce que celle-ci soit améliorée à la fin de 1943. Le Japon avait également élaboré et utilisé une torpille électrique, le Type 92. Cette arme avait des performances modestes par rapport au type 95, mais n'émettait aucun gaz d'échappement et, par conséquent, ne laissait aucun sillage pour révéler sa présence. Des torpilles similaires électriques ont été utilisées après par plusieurs nations".
Mais il n'y a pas que les torpilles comme armement. Si en canons de bord les japonais étaient moins bien équipés que les U-Boot, Les japonais on été ceux qui ont le plus modifié les missions initiales du sous marin. En y mettant souvent des avions d'observation, notamment, comme ici sur les modèles de
type A1, ou
A2 avec leur... grue pour monter l'appareil en pièces détachées à partir de son coffre de transport sur le pont. Ou le modèle A2, toujours avec déjà leur fabuleux Aichi
M6A1Seiran. Mais aussi avec les transporteurs de mini sous-marins comme le
Type C1, celui des attaques de Pearl Harbor, ou les fameux "cargos", comme le
type D1, ou
D2 ou les plus
petits, ( de la série "
Sen Yu Sho"
) destinés à ravitailler les mini-subs. Et puis arrive à la fin de la guerre le sommet de l'art sous-marin japonais : la classe 400, le Type
Sen Toku . Le monstre, "l'arme ultime" comme on a pu l'écrire. Jusque 6 550 tonnes de déplacement, 122 mètres de long.... et à bord deux avions ! Et quels avions ! On en est plus au petit biplan d'observation allant bombarder la côte Ouest avec des bombes incendiaires de 45 klg là ! New-York n'a qu'à bien se tenir !
Les japonais n'avaient pas pour autant abandonné l'idée d'aller bombarder la côte Ouest à partir du Japon : on a retrouvé dans leurs cartons un prototype de bombardier intercontinental, le
Nakajima G10N1 Fugaku, un
hexamoteur connu chez la firme comme " Project Z", au départ à base de six Nakajima Ha-505 à
36 cylindres (soit 216 bougies à bord !). développant 4 100 ch. Avec 680 km/h. de vitesse prévue et 19 000 km de rayon d'action, c'est un concurrent plus que sérieux : il peut faire l'aller retour de bombardement sans peine. Il aurait fait 160 tonnes ! Le moteur abandonné, ce sont des Nakajima NK11 de 2500 ch seulement qui furent sélectionnés, pour un projet devenu G10N1 Fugaku (ou Mont Fuji). Un engin
plus proche du projet du Republic XF-12 Rainbow, construit entièrement en Dural 75ST (et aux moteurs m
onstrueux), que du B-29. Les japonais, c'est peu connu, avaient tâté dans l'entre deux guerres avec les bombardiers géants façon Maxime Gorki ou Ju-G38 avec leu
r Ki-20. Le XF-12 ne volera qu'en décembre 1945 et aurait pu devenir
un bel avion de ligne.
L'idée d'aller bombarder New-York avec des avions hantait visiblement les japonais... comme les américains, qui détruiront toute trace de l'incroyable navire porteur de la menace. C'était une idée de Yamamoto, qui aura vécu une grande partie de sa vie avec le sentiment ambivalent d'apprécier les USA et de vouloir les vaincre à tout prix. Des affiches de propagande concrétisaient ce vieux rêve en montrant New-York survolé par une vague de bombardiers Betty. Les spécifications requises pour l'avion seul étaient déjà assez incroyables. Un porte-avions étant hors de question, il fallait un bombardier—hydravion capable de se replier très rapidement pour entrer dans une sorte de hangar profilé situé sous le kiosque d'un sous-marin, qui le lancerait par catapulte et le rangerait à bord une fois sa mission accomplie avec une grue. L'avion devait pouvoir faire 1500 km d'autonomie et voler au moins à plus de 300 nœuds (556 km/h), ce qui, pour un hydravion, le classerait dans la catégorie reine de ceux de course... façon avion italien, le fameux
et magnifique Macchi Castoldi MC 72. Un engin au
moteur... impressionnant : un monstre de 2450 ch, avec, le pilote Francesco Agello ; à Denzano, en 1933, avait atteint une moyenne de 709 km/h lors des 4 passages réglementaires du record de vitesse. Mais les japonais ne disposent pas de moteurs de ce type, et décident de se tourner vers le Daimler-Benz DB 601, un
modèle V-12 inversé bien connu (à refroidissement liquide, c'est celui des BF-109, 110 et 210 et du "Tony" Ki-60) qu'ils copieront intégralement sous le nom d'Aichi AE1P Atsuta 30.
L'avion existait déjà ou presque : c'était le
D4Y1-C "Judy", un bombardier en piqué rapide infuencé par le
Heinkel 118 qu'avaient acheté les japonais malgré sa défaite dans le concours qui l'avait opposé au Stuka. L'avion volait depuis décembre 1940, et surclassait tous ses rivaux américains (ici sa
version reconnaissance D4Y1 Suisei (Comet), ici un
D4Y2). Fort de l'expérience acquise par Yokosuka, c'est
Aichi (Kokuki KK) et l'ingénieur Toshio Ozaki qui ont repris les grandes lignes de l'avion et son moteur pour en faire un hydravion. L'appareil nommé M6A1 Seiran ("Brume de montagne") est capable aux premiers essais en novembre 1943 de faire 450 km/ avec ses flotteurs, qui sont largables en vol pour atteindre 560 km/h sans... Abandonné à la fin de la guerre, ramené aux Etats-Unis lors du Lusty japanais, le seul exemplaire restant demeurera
longtemps dehors avant d'être
restauré en
2000 a
u musée qui l'accueille aujourd'hui.
Le bombardier intercontinental bloqué par le développement de ses moteurs, l'hypothèse d'aller attaquer la capitale américaine ou sa plus grande ville avec un seul avion devient une idée improbable... sauf si cet avion est capable d'emporter une super-bombe. On songe nécessairement à une bombe....atomique. Pour retomber aussitôt sur un autre problème : sa taille, obligatoirement minimale. Le Seitan peut emporter au maximum une tonne. Or, la première bombe atomique de cette taille ne verra pas le jour avant 1952, avec la
Mark VII "Thor" de 771 kilos. Mais au Picatinny Arsenal, les américains avaient développé une T-1/TX-1 qui délivrait à peine un kilotonne mais qui était destiné à devenir une tête d'obus. L'engin sera testé dès 1949, ce qui signifie qu'il avait bien été développé pendant la seconde guerre mondiale... d'où venait-il exactement, c'est un autre problème ! Car, le plus étonnant de l'histoire, c'est que le canon qui servira a tester cette bombe
n'était pas américain... mais allemand ! C'était un Krupp K5 de 283 mm de 1934, ramené par bateau d'Italie, à Anzio, où il avait bombardé la plage lors de l'arrivée des américains !
L'engin avait testé des tirs sur l'Angleterre a travers le Channel !
"Lorsque les Alliés avancent, ils sont arrêtés par d'énergiques contre-attaques allemandes d'unités blindées et de troupes fraîches provenant du nord de l'Italie. Ils font aussi connaissance avec l'artillerie lourde allemande sur rails. Ils s'agissait des deux pièces qui devaient aller en Tunisie. Elles avaient été mises à l'abri dans les environs de Milan et venaient d'arriver au sud de Rome à la fin de janvier 1944. Une position de tir idéale est trouvée pour les K 5, à la sortie d'un tunnel sur la ligne Rome-Naples, peu avant l'embranchement de Nettuno". Pas moyen de localiser l'origine des tirs !
"Entre- temps, leur tir était devenu une affaire d'habitude pour les combattants anglais et américains, qui baptisèrent " Anzio Annie" leur visiteur familier, ignorant sans doute qu'il s'agissait en réalité de deux soeurs. Ces pièces firent beaucoup de mal aux Alliés et demeurèrent en action jusqu'au jour où les Polonais forcèrent la ligne Gustav, en prenant d'assaut le mont Cassin. Mais au lieu de remonter par la route côtière directement sur Nettuno-Anzio, les Alliés progressèrent rapidement par la route intérieure, pour couper la voie de repli des troupes ennemies fixées devant la tête de pont ainsi que des canons sur rails qui leur avaient fait la vie si dure. Les K 5 furent capturés presque intacts". Il avait donc été découvert lors de la marche alliés sur Rome le 7 juin 1944, à deux exemplaires, ensuite envoyés à l'U.S.Aberdeen Proving Ground, d' Aberdeen, dans le Maryland . On peut en voir un autre à
Audinghen en France (celui qui avait tiré à travers le détroit !). C'est bien le même resté célèbre en photo,
sur ce célèbre cliché. En 1954, le missile
MB-1 "Ding Dong" des Scorpions ou des F-89 ont à bord une tête W-25 de la même taille qui deviendra le Genie Air-2 en 1957 en ne faisait plus que... 98 kilos ! Tout repose donc sur les recherches atomiques allemandes ou japonaises, peut-être bien plus avancées qu'on a pu le penser. Le japon avait commencé la guerre avec 63 sous-marins, et en a ajouté 111 pendant tout le conflit, soit 174, pour en perdre 128 au total.
sur la découverte de lI-400 et de l'I-201 cet épisode du National Geographic :
La page de référence sur les sous-marins japonais :
Sur le minisub, regarder les vidéos prises par le Pisces.