La ligne politique hollandaise, une déviation permanente
« Une ligne politique a été choisie. Il faut la défendre jusqu’au bout », confirme un proche du président Hollande.
Mais quelle ligne politique ? Prenons le cas des retraites et analysons la ligne politique choisie.
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Acte I : en 2010, lors de la réforme des retraites, le futur possible candidat aux primaires socialiste déclarait : « Sarkozy a choisi la réforme la plus injuste », en décidant de reculer l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans, les catégories les plus modestes vont supporter 40% de l'effort demandé, si la gauche revient au pouvoir, elle reviendra sur tous les paramètres de cette réforme. »
Les propositions du PS sur les retraites sont tout aussi tranchées, le projet socialiste pour l’élection présidentielle de 2012 prévoyait de revenir sur la réforme de 2010 et de mettre en œuvre une nouvelle réforme avant l’été 2013, avec les positions suivantes : un rétablissement de l’âge d’ouverture des droits à 60 ans, avec ou sans décote, et de l’âge d’annulation de la décote à 65 ans pour permettre une « retraite à la carte », ensuite une augmentation de la durée d’assurance sous conditions et non pas automatique comme le prévoit la loi actuelle en fonction de l’espérance de vie, enfin une prise en compte de la pénibilité et de l’espérance de vie liée aux parcours professionnels.
Acte II : Durant la campagne des primaires socialistes le futur candidat socialiste calle toutes les propositions de son projet politique sur les retraites au projet du PS à deux nuances près.
La première déviation est l’augmentation de la durée d’assurance, que notre futur candidat socialiste souhaite automatique lorsque l’espérance de vie augmente, contrairement au projet du PS qui prévoit des conditions, c’est la première déviation de la ligne politique.
La seconde est la proposition d’une négociation avec le patronat et les syndicats, qui aura lieu en 2013 et concernera la pénibilité, l’élargissement de l’assiette du financement, et la situation des femmes, qui ont été fortement pénalisées par la réforme de 2010 de par l’augmentation de l’âge de la retraite.
Et sur ce point, le futur candidat socialiste diverge aussi de son propre projet, car il ne parle plus du retour de la décote à 65 ans, c’est une seconde déviation de la ligne politique.
De plus, lors d’un débat durant la primaire, il déclare « De toute manière, ce que j’ai pris comme engagement : en 2012, ce sera donc pour ceux qui ont travaillé tôt la possibilité de partir, et en 2013, une réforme générale des retraites ». En d’autres termes, on ne parle plus beaucoup du rétablissement de l’âge d’ouverture des droits à 60 ans, un droit à la carte pour tous, mais bien pour ceux qui ont travaillé tôt.
Un de ses proches, Pascal Terrasse, le monsieur retraite de son projet, déclare d’ailleurs à l’époque : « Ce que les gens ont compris, ce que dit le parti socialiste et ce que l’on fera si nous sommes élus sont trois choses différentes » En pleine campagne pour les primaires socialistes, cela avait fait grand bruit.
Acte III, une fois investi candidat du PS, il précise sa position :
« Je prends cet engagement : ceux qui ont commencé leur vie professionnelle à 18 ans, qui ont fait 41 années de cotisations, 42 ans, pourront partir à 60 ans. Ceux qui n’ont pas leur durée de cotisation, ne le pourront pas »
Il n’est donc plus question de rétablir l’âge légal de la retraite à 60 ans. Les salariés n’ayant pas atteint la durée requise n’auront pas le choix de partir avec une décote, et les salariés qui auraient pu partir à 61 ans à taux plein ne le pourront pas, c’est une troisième déviation de la ligne politique.
Cette proposition, en décalage avec celle du PS et celle du futur candidat socialiste crée un certain malaise et alimente les critiques, et des personnes l’accusent de mentir.
Il est de nouveau contraint à clarifier sa position et réaffirme : « Pour les personnes qui ont commencé à travailler à 18 ans qui ont leur durée de cotisation, elles pourront partir à 60 ans. Sera ouverte une négociation avec les partenaires sociaux sur la durée légale, sur la décote, sur la pénibilité parce que c’est le grand sujet. Ma démarche, ma méthode est claire »
Le candidat socialiste brouille donc à nouveau les cartes, car dans le même moment, Marisol Touraine, chargée du pôle social dans son équipe de campagne, précise quelques jours plus tard la position du candidat socialiste : « s’il est élu, son gouvernement prendra un décret pour que ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans, qui ont la durée de cotisation requise – 41 ans en 2012, puis 41,5 ans ensuite – puissent partir à 60 ans ».
Exit donc, le rétablissement de l’âge d’ouverture des droits à 60 ans, l’annulation de la décote à 65 ans, et l’augmentation de la durée de cotisation sous conditions.
Acte IV, une fois élu président, il fait voter le dispositif carrière longue mais qui exclue les femmes ayant des carrières heurtées, les chômeurs en fin de droit, et finalement le nombre de bénéficiaire est limité du fait de l’application du nombre de trimestres nécessaires conforme à la réforme de 2010, idem pour le récent décret de l’allocation transitoire de solidarité, une forme de saupoudrage social pour alimenter la communication présidentielle, nouvelle déviation de la ligne politique.
Puis vient l’annonce de la réforme, et Marisol Touraine de déclarer : « L'allongement de l'espérance de vie doit être pris en considération, à partir du temps où nous vivons plus longtemps, la durée de cotisation doit être examinée ». Nouvelle déviation, non seulement l’augmentation de la durée sera automatique mais en plus on prévoit de l’allonger de suite, nouvelle déviation de la ligne politique.
De plus, on évoque une baisse des pensions de fait, puisqu’ils seraient plus indexées sur l’inflation et un avancement de l’âge de la retraite à 62 ans non plus en 2017 mais en 2015, carton plein, double déviation de la ligne politique.
Et ainsi la ligne politique est enfin choisi et il faut la défendre jusqu’au bout : rassurer Bruxelles et les marchés financiers, "Les comptes publics de la nation sont observés", rappelle-t-on à Matignon. « Et les réformes des retraites sont particulièrement scrutées par les partenaires européens et les agences de notation. »
Et voilà, alors pour tous ceux qui n’ont pas tout compris, on résume :
En 2010 : « Sarkozy a choisi la réforme la plus injuste », en décidant de reculer l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans, les catégories les plus modestes vont supporter 40% de l'effort demandé, si la gauche revient au pouvoir, elle reviendra sur tous les paramètres de cette réforme. »
En 2013 : « des choix courageux seront être faits dans l’année pour assurer l’avenir de nos régimes de retraites, et je le ferai ».
Comme dirait quelqu’un, la ligne politique choisie c’est maintenant… en fonction du moment et des circonstances.
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