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La Loi Debré et les enseignants du Privé

Loi Debré, enseignement catholique et Maîtres du Privé

S’il y a bien une loi qui s’est préoccupée de l’enseignement privé et pas du tout des enseignants, c’est bien la loi Debré.

Le mot enseignant n’intervient qu’à son article 3 et à son article 4 :

 Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat.

Art. 3.

Les établissements d'enseignement privés peuvent demander à être intégrés dans l'enseignement public.

Les maîtres en fonctions lorsque la demande est agréée sont, soit titularisés et reclassés dans les cadres de l'enseignement public, soit maintenus en qualité de contractuels.

Art. 4.

Les établissements d'enseignement privés du premier degré, du deuxième degré et technique peuvent, s'ils répondent à un besoin scolaire reconnu, demander à passer avec l'État un contrat d'association à l'enseignement public.

Le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat.

Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.

Les établissements organisent librement toutes les activités extérieures au secteur sous contrat.

Art. 5.

Les établissements d'enseignement privés du premier degré peuvent passer avec l'État un contrat simple suivant lequel les maîtres agréés reçoivent de l'État leur rémunération déterminée, notamment, en fonction de leurs diplômes et selon un barème fixé par décret.

Ce régime est applicable à des établissements privés du second degré ou de l'enseignement technique, après avis du Comité national de conciliation.

Le contrat simple porte sur une partie ou sur la totalité des classes des établissements. Il entraîne le contrôle pédagogique et le contrôle financier de l'État.

Peuvent bénéficier d'un contrat simple les établissements justifiant des seules conditions suivantes : durée de fonctionnement, qualification des maîtres, nombre d'élèves, salubrité des locaux scolaires. Ces conditions seront précisées par décret.

Les communes peuvent participer dans les conditions qui sont déterminées par décret aux dépenses des établissements privés qui bénéficient d'un contrat simple.

Il n'est pas porté atteinte aux droits que les départements et les autres personnes publiques tiennent de la législation en vigueur.

De fait, les enseignants du Privé sont dès le début des contractuels, ce qui veut tout dire et rien dire.

Contractuels, car ayant signé un contrat d’enseignement avec le Rectorat ou l’inspection d’Académie.

Intuitivement, tout le monde pourrait comprendre que notre employeur est donc l’état.

Mais, ce n’est pas aussi simple, car nous travaillons dans un établissement privé (non public), nous travaillons sous les ordres d’un directeur de droit privé.

Il faudra attendre les premiers conflits entre des enseignants et des établissements catholiques pour savoir quel était l’ordre compétent ?

L’ordre judiciaire ou l’ordre administratif  ?

Assez rapidement, il appert que ce sera l’ordre judiciaire qui est compétent sur la base du raisonnement juridique suivant :

« En effet, même si l’enseignant contractuel est rémunéré par l’Etat, même si l’enseignement donné par l’enseignants est vérifié et contrôlé par l’état et les IPR, il demeure que l’enseignant est sous le lien de subordination du chef d’établissement privé, travaille dans un établissement privé ».

En 1987 un arrêt de la cour de cassation décide une bonne fois pour toutes que l’ordre compétant est l’ordre judiciaire, même en Moselle.

Par contre, à chaque fois que des problèmes surgiront pour un enseignant du Privé sur des domaines touchant à l’enseignement, ce sera l’ordre administratif qui sera compétent.

Il y a souvent des zones d’ombre.

Par exemple, si un chef d’établissement modifie les horaires d’un enseignant en diminuant son horaire à moins de neuf heures, le contrat avec l’état ne peut continuer légalement.

Il aura fallu se battre longtemps pour que l’ordre judiciaire reconnaisse qu’il s’agissait d’un licenciement déguisé.

Il faudra se battre pour obtenir le droit d’être

  • délégué syndical (Cour de cassation chambre sociale 14 février 1973 pourvoi n°72-60126 « Externat Ste Marie - DS contractuel » ),
  •  une indemnité de départ à la retraite,
  •  le paiement des heures de délégation (Cour d'appel de Lyon arrêt du 9 janvier 1995 n° 9307126 « Michel Meury Ecole Libre de Provence », cet appel ayant lieu après 3 cassations dont une assemblée plénière) ,
  • le vote aux prud’homales,
  • le paiement de l’établissement privé de 0,2% sur la masse des salaires enseignants (Cour de cassation chambre sociale 2 mars 1999 pourvoi n°97-20095 « Arrêt Garac ») .

Tout cela prendra une bonne quarantaine d’années et même en 1995, encore des CPH sont totalement ignorants de cette jurisprudence pourtant bien établie par la cour de cassation et les cours d'appel de toute la France..

Cette année là ( 1994), je fus nommé délégué syndical CGT, et bien sûr, le directeur de mon lycée et l’organisme de gestion ont contesté ma nomination. Malheureusement pour eux, une autre collègue et amie, Marie Antoinette Bouille fut également nommée déléguée syndicale dans mon établissement, alors qu’elle était fonctionnaire.

Notre établissement fut débouté devant le Tribunal d’instance de Perpignan, compétent pour la nomination des délégués syndicaux, et l’établissement scolaire fit un pourvoi en cassation contre Marie-Antoinette et contre moi.

La cour de cassation estima que les nominations étaient conformes au droit, et c’est ainsi que les Fonctionnaires enseignant dans des établissements privés purent devenir Délégués syndicaux.

En France, il y a à peu près un millier de fonctionnaires qui enseignent dans le privé , contre 140000 contractuels agents publics.

Toute la jurisprudence créée pour les contractuels fut bien sûr valable également pour les fonctionnaires, la plus grande résistance vint sur la possibilité des fonctionnaires d’être électeur et éligible au comité d’entreprise (résistance logique pour des fonctionnaires qui ne peuvent être licenciés).

Autrement dit, on peut dire qu’au début des années 2000, les enseignants, qu’ils soient contractuels ou fonctionnaires avaient 2 contrats :

  • Un contrat de droit public avec l’état qui rémunère, nomme, suit les enseignants pendant leur carrière (changement d’échelon)
  • Un contrat de droit privé avec l’établissement catholique dû au lien de subordination entre le chef d’établissement, personne morale de droit privé et l’enseignant qui travaille dans un établissement de droit privé.

Ce combat juridique avait pris 50 ans, et l'enseignement catholique, commençait à prendre conscience que la Loi Debré avait ouvert des portes vers plus de privé pour les enseignants.

L'idéal étant pour l'enseignement privé de ne pas être employeur, afin d'éviter de payer des charges (IDR, heures de délégation, indemnités de licenciements en cas de pertes de contrats), il y eut des discussions entre l'enseignement catholique et l'état pour faire évoluer le statut des Maîtres du Privé.

 

Quelques jurisprudences :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007008711&fastReqId=1805668006&fastPos=39

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007022802&fastReqId=2115309305&fastPos=38

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007103704&fastReqId=879253437&fastPos=37

L'arrêt concernnat mon ami Meuchel Meury :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007031497&fastReqId=673581671&fastPos=32

Un arrêt me concernant en 1998, publié au bulletin.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007039982&fastReqId=586415804&fastPos=26

Un autre de Laurent :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007624188&fastReqId=1672888862&fastPos=23


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1 réactions à cet article    


  • La mouche du coche La mouche du coche 21 janvier 2013 16:59

    .. Gné ? smiley

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