La Loi Travail Macron 2 - Une machine à remonter le temps ! Volet N° 3
Le métier d'Inspecteur du Travail est menacé.
Quelles sont ses domaines d'intervention ?
Avant la loi travail :
Il est chargé de veiller à la bonne application du droit du travail dans l'Entreprise, concernant la sécurité et la santé du travailleur sur son lieu de travail. Car l'employeur a des obligations qu'il doit impérativement respecter, en mettant en place des actions de prévention en cas de risques professionnels importants, en assurant les moyens matériels et techniques de la sécurité de son personnel. Cela concerne tous les salariés, de l'intérimaire au CDI, en passant par les stagiaires, apprentis, etc... du manœuvre au cadre.
En contrepartie, le travailleur doit se conformer aux règles de sécurité mises en place par l'employeur.
Cela touche aux nombreux risques auxquels les salariés sont soumis sur leur lieu de travail – risques de chute – décibels très élevés – températures extrême – risques de troubles musculo-squelettiques – risques d’absorption de particules ou poussières toxiques – (on pense immédiatement à l'amiante – mais il existe d'autres matières ou substances chimiques dont la dangerosité est connue et répertoriée – le stress, le travail de nuit, travail du dimanche, etc...
L'employeur est tenu de mettre en place un protocole d'évaluation du risque et par conséquent d'intégrer au fonctionnement de l'entreprise la prévention et la protection des salariés – partout où l'accidentologie ou le risque pour la santé ou l'intégrité physique du salarié est menacé. Il existe en France plus d'un millier de sites à haute dangerosité.
L'employeur doit remplir – c'est obligatoire – un document unique d'évaluation des risques professionnels – le DUERP – Ce document doit être régulièrement actualisé au moins une fois par an. Il est consultable par les salariés, les représentants du personnel – les syndicats – et l'inspecteur du travail. Ce document est accompagné d'une annexe dans laquelle sont notés les facteurs de pénibilité (travail de nuit, nuisances sonores, etc...) - et surtout le nombre dans l'entreprise des salariés exposés à ces facteurs, au-delà des seuils prévus.
En cas d'obstacle, soit à la consultation des documents obligatoires ou à une visite des conditions de travail, l'Inspecteur du travail peut saisir le juge qui déterminera du degré de responsabilité pénale ou non de l'Employeur.
Mais en 2009, un premier coup de sécateur est donné dans la fonction d'Inspecteur du Travail, pour entraver sa liberté de contrôle et d'action.
En effet, la RGPP ( Révision Générale des Politiques Publiques), pilotée par l'UE, prévoit de fusionner toutes les branches de l'Inspection du Travail – elles sont au nombre de quatre – en un seul corps d'inspection généraliste.
C'est ainsi que les Inspecteurs du Travail sont intégrés au sein d'Unités territoriales, les DIRECCTE – Direction Régionale de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'Emploi.
Ce sont de nouvelles directions à la tête desquelles des hauts-fonctionnaires du Ministère de l’Économie et du Travail, réputés être très proches de l'Entreprise.
Dans ce nouveau cadre qui transforme totalement l'ancien cadre existant, l'Inspecteur du Travail qui bénéficiait autrefois d'une indépendance certaine, et d'une efficacité reconnue et redoutée – voit tout d'un coup son rôle amenuisé, plus contraignant encore, car la Dirrecte vient le remplacer carrément, voire le court-circuiter.
Pour quelles raisons ?
Car elle subordonne au sein de cette nouvelle construction la place de l'Inspecteur du Travail. Nous avons là, un bel exemple de « juge et partie » qu'est la Dirrecte, une construction pour laquelle, comme le souligne Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, lui-même, dans son blog en décortiquant les nouvelles attributions de l'Inspecteur du Travail, : « Il est facile de voir le sourire du MEDEF derrière cette prétendue avancée ».
L'inspecteur du travail, petit Robinson sur son île cerné, se voit dé-possédé de son rôle de contrôle et de sanction auprès des entreprises frauduleuses, défaillantes, puisque ce rôle est désormais réservé à la DIRRECTE.
C'est le Décret Sapin en Mars 2014 qui va marquer un pas supplémentaire dans le démantèlement de ce vieux métier et de sa liberté d'action, de son indépendance vis à vis de l'Entreprise.
Là, où il avait les coudées franches, là où il pouvait venir contrôler sans s'annoncer dans les entreprises s'il y avait respect ou non du Code du Travail et des règles de sécurité pour les salariés, ces nouvelles dispositions entravent considérablement ses prérogatives professionnelles.
Enfin, après le Décret Sapin, c'est la loi Macron 2 qui marque le pas décisif de la mutation de ce métier indispensable dans le cadre du Code du Travail.
Mais puisque le Code du Travail est considéré par le Gouvernement comme un empêcheur de tourner en rond et le refonde complètement avec la loi Travail, l'inspecteur du travail, maillon essentiel entre le salarié, l'Entreprise et le juge des prud’hommes ou juge pénal, en cas de non conformité au Code du travail par l'employeur, est considéré comme personna non grata par la loi Macron 2 et le neutralise.
La loi travail le noie dans une nouvelle organisation mille-feuilles et d'unités de contrôle. Il n'est plus qu'un simple « pion » tout comme les contrôleurs du travail.
La loi Macron et la DIRECCTE, vont peser sur plusieurs aspects du monde de l'Entreprise et du Code du Travail.
Ce sera la reconnaissance d'un « établissement distinct » (art L. 2134-31 – L 2322-5 – L 2327-7) qui aurait pouvoir « d'autorité judiciaire ». Il aura pour fonction l'organisation des élections des délégués du personnel ou de comités d'établissement, ce qui permettra à l'employeur de peser sur le choix des délégués. Jusqu'en 2008, l'inspecteur du travail se trouvait sous l'autorité administrative du Directeur Départemental du travail. Désormais le pouvoir du Directeur Départemental du travail passe directement entre les mains de la Direccte – qui décide du nombre de délégués du personnel, de la composition, du nombre de sièges à pourvoir, de la répartition, etc...
Si la loi Macron 2 transforme complètement le métier d'inspecteur du travail, elle transforme également le rôle de délégué du personnel en celui de « délégué patronal » !
A quoi assistons-nous ? En réalité à un transfert massif de tous les « pouvoirs » entre les mains du patronat.
1/ l'inspecteur du travail par le truchement de la Direccte
2/ les délégués les élections et les comités d'Entreprises
3/ Le Code du travail lui-même, relooké entièrement par le MEDEF, ce qui ne manque pas de sel.
C'est un transfert décisionnel sans précédent.
Qu'y-a-t-il à craindre de la part de ces changements induits par la loi travail ?
« Le changement pour les sanctions consiste, sous prétexte d'une meilleure efficacité, à passer des amendes pénales aux amendes administratives ». G. Filoche
La plainte administrative supplantant la plainte pénale, à quoi échappe l'employeur peu scrupuleux ? Aux condamnations pénales avec ou sans dommages et intérêts.
Or, un plainte administrative ne peut constituer pour une entreprise prise en faute pour non respect du droit, une sanction suffisamment dissuasive. En révisant les modes de sanction en matière de droit du travail, le pouvoir de sanction passe des mains de l'inspecteur du travail dans celles du DIRECCTE.
A suivre...
Sources : Le Blog de Gérard Filoche, extraits. (Avec son aimable autorisation).
Sources : service public.fr
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