La magie des Effets Spéciaux et le cauchemar de la compétitivité
Si vous en avez pas entendu parler dans les médias mais que ces derniers temps, sur le réseaux sociaux, vous pouvez admirer des avatars transformés en carrés vert fluo, c'est tout à fait normal.
Le secteur des effets spéciaux vit une crise majeure, ou au pays de Friedman, beaucoup commençent à montrer des dents et à réclamer des droits sociaux, façe à une situation insoutenable.
Historique du mal qui ronge les magiciens d'Hollywood.
Vous avez entendu le discours en entier des gagnants de l'Oscar des Meilleurs Effets Spéciaux cette année ?
Non ? Ca tombe bien, personne n'a pu l'entendre.
Bill Westenhofer, Guillaume Rocheron, Erik-Jan de Boer, et Donald R. Elliott sont montés sur scène et ont été coupés dans leur discours, avant d'être gentiment mis à la porte.
Mais de quoi parlait ce discours ?
Revenons quelques jours auparavant.
Nos chers gagnants de cet Oscar bossent dans une boite appelée "Rhythm and Hues".
Le nom ne vous dit probablement rien, mais peut être connaissez vous mieux la petite souris de "Stuart Little", les ours polaires d' "A la croisée des mondes" ou les pouvoirs mutants des "X-Men".
Autant d'inventions qui viennent directement des ordinateurs de cette boite Californienne.
R&H fait partie des boites les plus innovantes dans ce domaine : elles ont crées de progrès que l'on retrouve partout, dont la reproduction d'animaux dans leur pilosité et des vetements numériques.
L'année dernière fut une année de succès créatifs flamboyants pour eux. Le dernier Tarantino passe entre leurs mains, et avec Life of Pi, ils rédémontrent leur talent, en créant un Tigre plus vrai que nature (Life of Pi pour lequel ils gagnent l'Oscar).
Life of Pi fera 580 millions de dollars sur un budget de 120 millions, Django Unchained, 380 sur un budget de 100.
Autant dire que les profits sont gigantesques à ce stade la pour les studios.
Et c'est à ce moment la, que Rhythm and Hues annonçe leur banqueroute.
Les Américains découvrent alors que les boites de VFX aussi réputées et connues soient elles, vivent dans une situation de précarité surprenante.
A l'occasion de ce discours "tronqué", les employés de boites d'effets spéciaux commençent à témoigner et a apporter leur soutien à l'entreprise oscarisée.
Sur ce site, un témoignage donne une vision assez exhaustive de la situation.
Je vous en fait un petit résumé traduit.
Si "PixelMagic" énonce un problème de "tax breaks" (à comprendre "allegements d'impots") rendant certains pays plus attractifs que d'autres et donnant lieu à une compétition injuste, ces "tax breaks" ne profitent qu'aux Studios de Production.
Ces Studios appelés souvent "The Big Six" (Fox, Universal, Warner, Sony, Paramount, Disney) mettent une grande pression sur ces boites de VFX pour qu'elles soient plus "compétitives".
A savoir obtenir leur travail encore moins cher, tout en leur donnant plus à faire.
"The Big Six" obtiennent très souvent des "VFX companies" d'ouvrir des locaux à l'étranger, en particulier dans des pays offrant des "tax breaks". Même "ILM" la plus célèbre d'entre elles, qu'avait fondée George Lucas pour Star Wars, du déménager à Singapour.
Celles qui ne répondent pas à ces exigeances sont mises au pilori et disparaissent.
Les Studios non seulement demandent à payer leurs effets spéciaux moins cher, mais le demandent aussi en moins de temps. Auparavant le temps de production des truquages numériques sur un film variait aux alentours d'un an.
Aujourd'hui, la pression est faite pour que les délais atteignent 6 mois.
Sans avoir la possiblité d'engager plus du monde pour les respecter.
Alors les employés sont obligés de travailler 12h par jour, quand ce n'est pas 16.
Le tout, 7 jours sur 7, pendant des périodes allant de 3 à 6 mois.
Cette situation est d'autant plus garantie qu'une forme de chantage est installée de façon à ce que ceux qui protestent contre ces conditions de travail soient "blacklistés".
Que ca soit un employé, ou une société entière.
Les Studios peuvent se le permettre : si quelqu'un n'en peut plus, 100 jeunes désireux de travailler dans cette branche seront prêts à le remplacer.
Idem pour les branches Indiennes ou Chinoises qui sont les plus "compétitives" dans le domaine.
Cela n'empêche pas pour autant qu'ils connaissent la précarité eux aussi.
L'entreprise "Prime Focus", basée en Inde, s'était portée volontaire à racheter Rhythm & Hues.
Le deal a vite tourné court, quand la société s'est rendu compte qu'elle n'avait pas les fonds pour le faire.
Alors comment faire pour sauver les "magiciens" de l'audiovisuel.
L'idée qui revient le plus souvent et qui commençe à faire son chemin est... de créer un syndicat.
Dans toutes les autres branches de la production cinématographique au cinéma, les conditions de travail ne sont pas aussi desastreuse, du fait qu'elles sont protégées par des "unions" arrivant à obtenir un veritable poids sur la table des décisions.
Le but n'est pas de devenir surpayé.
Le but est d'être tout simplement payé juste à la hauteur du travail que l'on délivre.
Quand un employé bosse 16h par jour, les heures supplémentaires ne sont pas payées.
Au cas ou vous pourriez vous poser la question, les effets spéciaux sont un travail laborieux, qui demande beaucoup d'efforts.
Beaucoup de gens à travers le monde le font par passion, et acceptent des conditions sociales au delà du médiocre, dans l'espoir qu'elles puissent s'améliorer un jour.
On ne cesse de parler de la compétitivité partout, comme redemptrice de l'économie.
C'est précisément elle, qui est en train de tuer l'industrie du rève.
http://www.deadline.com/2013/02/oscar-nominated-vfx-rhythm-and-hues-filing-bankruptcy/
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