La main du Diable...
La soirée du mercredi 19 novembre 2009 aura au moins rassuré les amateurs de sport français sur un point : la France est toujours championne olympique de hand-ball...
Pour préparer le but égalisateur de William Gallas, pas moins de deux « assists » furent nécessaires, deux beaux gestes de la main : le premier de Sébastien Squilacci pour tenter de rabattre le ballon, le deuxième de Thierry Henry pour un contrôle de balle « dans un fauteuil » qui permit ensuite de redresser le ballon pour délivrer la passe décisive à son ancien partenaire d’Arsenal.
Si le fantôme de Diego Maradona s’est à nouveau matérialisé de manière cauchemardesque, il ne s’agit pas ici d’une nouvelle « main de Dieu » comme l’a titré maladroitement le quotidien « l’Equipe », démontrant avec force toute l’ineptie du journalisme sportif du 21ème siècle, mais plutôt de ce que je qualifierai de « main du Diable »...
Si un peuple personnifie l’amour du sport et de ses valeurs ancestrales, si des supporters méritent autant de respect par le fair-play dont ils font preuve aux quatre coins du monde, si des joueurs sont capables d’encaisser une aussi cruelle désillusion sans se départir de cet esprit du sport si abstrait en apparence et si palpable dans leur comportement, ce sont bien ces fiers rejetons de la République du Trèfle...
Il était donc dit qu’ayant dans leur histoire essaimé leurs enfants dans tous les océans et continents du monde, nos amis irlandais ne verraient pas cette fois le cap de Bonne Espérance, un nom qui doit désormais résonner étrangement à leurs oreilles...
Peut être qu’avec une autre sélection la pilule serait moins dure à avaler, avec une autre équipe ayant abusé elle aussi des petits arrangements avec l’éthique qui caractérisent le sport de haut niveau, mais pas avec ces maillots verts, cette terre d’Eire, l’un des derniers refuges du sport romantique et authentique.
Mon propos n’est pas ici d’accabler Thierry Henry ni les joueurs de l’équipe de France, tant l’éducation du footballeur moderne tend à encourager la réussite à tout prix et à privilégier la fin sur les moyens.
Il n’est pas non plus de crucifier un arbitre qui est humain donc faillible, et qui se trouvait alors dans une situation de fragilité vis-à-vis des Bleus, suite à un penalty non sifflé et à un but de Sydney Govou annulé pour un hors jeu de quelques centimètres, à juste raison, mais à vitesse réelle et à la place du directeur du jeu, dans ce stade de France si bouillant et avec un tel enjeu à la clé, le doute ou la retenue ont prévalu et ces incidents de match ont conduit à l’erreur fatale sur le but de Gallas...
Mais il est des hommes dont le rôle est de faire respecter une certaine idée du sport et de démonter qu’il est possible de s’élever au dessus des passions humaines pour indiquer où se trouve le beau, où se trouve le juste...
Tout d’abord le sélectionneur national, Raymond Domenech, si critiqué, et qui a sauvé sa tête par une indignité qui le suivra éternellement... Il n’était plus à une ineptie près me direz-vous, certes, mais en exprimant des regrets, en reconnaissant la tricherie honteuse qui, en le maintenant en vie plonge tout un peuple dans la désolation, et bien cet homme serait sorti grandi de son chemin de croix, par un geste, un seul, une demande de rejouer le match, car un éducateur ne peut accepter un tel camouflet, il aurait gommé 2 ans de polémiques et reconquis le coeur et le respect de son peuple...
La fédération, ensuite et surtout, dont je rappellerai qu’elle est chargée, de par la loi, d’accomplir une mission d’intérêt général, cette instance devrait, au nom de la France et de tout ce que cette Nation a apporté au monde du sport, solliciter la FIFA pour organiser un match d’appui, en actant que l’Eire s’est imposée au retour comme les Bleus à l’aller et qu’il convient de se départager sur terrain neutre.
Et si la FIFA, toute à ses calculs de boutiquier et à sa rigidité janséniste, se retranchait derrière un règlement inattaquable dans la lettre mais injustifiable dans l’esprit, il conviendrait alors aux deux fédérations irlandaise et française de convenir d’un lieu (Genève, Monaco ?) pour s’affronter à la loyale et envoyer le vainqueur en Afrique du Sud...
Il fut un temps où lorsque un être humain s’estimait victime d’une terrible injustice il en appelait au "jugement de Dieu" et affrontait en combat singulier son contradicteur, la mort donnant raison au parti du juste.
Puisse notre fédération nationale s’inspirer de ce code de l’honneur en donnant une chance à cette équipe irlandaise si valeureuse, qui mérite plus que toute autre, de mourir debout, les armes à la main.
Quel est le risque pour nos couleurs ? Sur la valeur footballistique pure, la France gagnera ce match 8 fois sur 10, ainsi la polémique serait close et le sport en sortirait grandi...
Notre pays qui se cherche aujourd’hui même un destin à inventer trouverait là un exemple fabuleux de réhabilitation aux yeux du monde et il ne serait pas dit que la patrie de Pierre De Coubertin et de Jules Rimet n’est plus capable de tracer une voie nouvelle dans laquelle la société sportive toute entière pourrait s’engouffrer.
C’est au monde sportif lui même de montrer l’exemple, le sport n’a que faire des opinions politiques des gouvernements qui tentent de justifier l’injustifiable pour les uns ou de relancer le débat par la voie étatique pour les autres...
Organisons un match d’appui et si la France gagne la FIFA n’aura rien à modifier, si elle perd mais que l’Eire ne soit pas reconnue vainqueur quand même, et bien que notre sélection déclare forfait et voyons qui sera repêché, et si d’autres équipes le sont qu’elles déclarent forfaits à leur tour jusqu’à ce qu’arrive la place de l’Irlande, et alors là le sport sera sauvé pour des décennies !
Car nous ne parlons pas de n’importe quelle compétition, il s’agit de la première coupe du monde organisée en Afrique, dans le pays de Nelson Mandela , dont beaucoup de nos dirigeants et encadrants des Bleus se réclament sans voir que hier soir ils ont déshonoré ce symbole...
Et notre sélection métissée qui est justement la résultante de cette liberté et de cette richesse de l’humanité n’a pas le droit de bafouer l’idée de justice et de dignité que représente la compétition à venir...Thierry Henry, capitaine exemplaire et athlète de couleur fier de ses racines, ne peut pas qualifier son équipe par cette main du Diable, sans comprendre qu’une tâche indélébile ternira sa carrière à jamais. "One team, one country" pouvait également s’appliquer à l’armada du trèfle, a-t-on le droit de la briser par une telle tricherie ?
Et même si nous n’allons pas à la coupe du monde, où est le drame ? Nous avons déjà été sacrés champions du monde chez nous en 1998 et rien ne pourra égaler cette première fois, quelle valeur aurait une étoile supplémentaire au regard du prestige que procurerait à la France la demande de remettre sa qualification en jeu sur le rectangle vert ?
Dès demain nous pouvons déjà remporter la prochaine coupe du monde, il suffit de se désigner volontaire pour rejouer le match et dans les coeurs et les esprits le vainqueur sera immortalisé.
J’ai toujours écrit des textes en appelant à un sport propre, digne des leçons que mon vieux maître m’avait enseigné, et ce sont autant de coups d’épées dans l’eau, mais parfois il est bon que nos voix s’élèvent et fassent entendre une opinion dissidente, malheureusement minoritaire, alors que le monde du sport devrait être le premier à la revendiquer...
Comme lors du parcours de la flamme olympique à Paris avant les Jeux de Pékin, je proclame aujourd’hui ce plaidoyer pour un monde meilleur, et si nos instances s’égarent ou vendent leur âme aux marchands du temple, il est de notre modeste devoir de témoigner que notre dignité doit nous conduire à agir différemment.
Face à la main du Diable, je demande le jugement de Dieu...
60 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON