La main du milliardaire Henry, ce lapsus d’une pornographie footballistique
Et de deux ! Après le coup de tête public de Zidane contre un joueur italien en finale de la Coupe du Monde de Football à Berlin, en 2006, voici la main d’Henry ! Non pas un rebond malencontreux du ballon contre elle, mais un contrôle calculé et précis, paume ouverte, afin d’ orienter le ballon vers le pied et faire une passe à son coéquipier qui marque de la tête et qualifie l’équipe de France pour la phase finale de la Coupe du Monde en Afrique du Sud !

Le football professionnel est aujourd’hui parfaitement représenté par ces deux actes symboliques commis par deux de ses figures les plus emblématiques : d’un côté la violence ouverte de Zidane contre l’adversaire, de l’autre, la fraude d’Henry. Tout est bon pour ce que ce milieu corrompu appelle « gagner ». Ce n’est pas nouveau ? On le sait. Violence et fraude sont l’ordinaire de cette industrie du spectacle dont on s’étonne qu’il puisse encore draîner des foules. Faut-il qu’elles soient dévorées d’ennui ! Inutile d’égrener les exemples depuis la tragédie du stade du Heysel à Bruxelles, le 29 mai 1985, qui a fait 39 morts et des centaines de blessés dans les tribunes, ce qui n’a pas du tout empêché le match d’être joué. Sauf erreur, le Henry de l’époque, Platini était alors un des joueurs.
La mécanique de cette absurdité est connue. Le football professionnel a cessé d’être un sport pour être le vecteur de promotion d’un homme, d’une entreprise, d’une ville ou d’un pays. Or, la promotion exige la victoire à tout prix pour capter l’attention. Une « fusée » à trois étages a donc été construite méthodiquement pour permettre d’atteindre l’orbite de la notoriété
1- La course à l’argent
Le premier étage consiste à recruter les meilleurs joueurs qui se vendent au plus offrant sur le marché. Toutes les turpitudes de ce type de transactions s’y rencontrent, avec dessous de table, closes financières secrètes, etc. L’argent d’un particulier ou même d’une entreprise ne peut à lui seul y pourvoir. Il faut donc le collecter aussi par d’autres canaux. Les recettes de match ne suffisent pas non plus, pas plus d’ailleurs que la vente de produits dérivés, écharpes, casquettes, fanions et autres colifichets à l’effigie et aux couleurs des idoles fétiches. Ce sont en fait les droits de retransmission télévisée des matchs payés par les chaînes qui sont les poules aux œufs d’or : ils ouvrent les vannes de l’argent facile. Mais l’accès à ces retransmissions dépend de l’audience et des équipes et des tournois. Les télévisions en attendent l’exposition la plus large possible pour leur publicités qui font leur fortune.
2- La stimulation du chauvinisme et de réflexes dérivés
L’accroissement de cette audience est donc confié à un deuxième étage de « la fusée ». À cette fin, rien de mieux que de stimuler chez une masse de gens frustes, désorientés et mourant d’ennui, un chauvinisme d’équipe qui se sente mis en danger à chaque match par l’adversaire. Xénophobie, ethnisme et sexisme en sont les exutoires dérivés naturels. Les hordes de supporters ne viennent plus assister à un jeu dans les tribunes ou devant les écrans, mais à une guerre par procuration où les footballeurs, souvent des mercenaires, sont les champions désignés pour en découdre à leur place sur le terrain et sauver l’honneur de la tribu dont on les a persuadés qu’il était menacé. Parfois, ces hordes s’en chargent très bien elles-mêmes dans les tribunes ou en dehors : on injurie l’ennemi, on vocifère pour le déstabiliser, on brandit des banderoles haineuses, on invective, on cherche à humilier, on siffle l’hymne national adverse, on lance des bombes fumigènes et des bouteilles sur le terrain, on moleste, on blesse, on tue.
3- La fraude
Mais cette fleur de la civilisation, encore une fois, ne peut s’épanouir qu’à la condition que l’équipe gagne à tout prix : si elle perd, elle ne gagne que le mépris et le désintérêt des supporters illuminés. C’est pourquoi doit être mis à feu le troisième étage de « la fusée » footballistique. Comme à niveau comparable, toutes les équipes se valent, il faut donc ajouter le coup de pouce qui fera pencher le plateau de la balance du côté de la victoire. Il n’y a plus que la fraude pour faire la différence, tout comme dans une économie ultra-libérale organisant, comme on dit, « une concurrence libre et non faussée ».
On ne va pas faire l’inventaire des scandales qui n’ont pas cessé de se succéder depuis 20 ans. Il suffit de les classer par catégories sans prétendre à l’exhausitivité. 1- Un match s’achète, il suffit d’y mettre le prix : ou on corrompt l’arbitre pour favoriser l’équipe, ou on achète des joueurs adverses pour accepter de perdre. 2- Reste, ensuite sur le terrain, à la discrétion des joueurs, tout un arsenal de roueries à tenter en toute discrétion si possible pour échapper à l’attention des arbitres : des maillots agrippés aux coups de coudes assénés, des crampons essuyés sur l’adversaire au contrôle du ballon de la main. Les joueurs savent que leurs millions, voire leurs milliards pour certains, en dépendent.
Zidane s’était fait une spécialité de l’essuyage de crampons sur l’adversaire avant de passer au coup de tête. Le milliardaire Henry, suivant l’exemple d’une autre icône, Maradona, a donc mis la main sans scrupule en espérant une bévue de l’arbitre. Il a vu juste, l’arbitre n’y a vu que du feu. Mais, c’était sans compter avec les caméras ameutées autour du terrain pour retransmettre ses exploits : il arrive qu’elles surprennent malheureusement aussi des actes frauduleux, même furtifs, qu’on peut à loisir revoir au ralenti.
Un lapsus révélateur
Dans le cas d’espèce, Henry a bien arrêté de la main le ballon qui, sans cela, lui échappait. L’a-t-il fait sciemment ou inconsciemment. Peu importe ! Freud a expliqué que le lapsus était une sorte d’effraction de pulsions inconscientes révélatrice de la personnalité. Henry n’est pas un bleu, si on ose dire, et il gagne au bas mot 800.000 Euros par mois à taper dans un ballon. Sa main peut être vue comme un lapsus qui trahit non seulement sa personnalité construite dans le football professionnel mais le tréfonds même de ce spectacle devenu une sorte de pornographie livrant une simulation pour la réalité. Il fallait voir les étreintes obscènes comme larrons en foire entre les dirigeants français en bordure de terrain après le but frauduleux injustement accordé.
Qualifiée pour participer à la Coupe du Monde en Afrique du Sud, l’équipe de France, par sa seule présence due à la fraude, disqualifie d’avance cette compétition. La FIFA qui a refusé d’annuler ce but volé, ne paraît pas s’en soucier. Faut-il que la corruption soit au cœur de cette organisation pour adopter pareille décision ! Comme le dit si bien Zidane avec son lexique limité, sans peut-être en mesurer la portée : « Ça fait partie du jeu ! ». C’est bien là tout le problème ! Déjà un jeu de millionnaires, sinon de milliardaires, courant après un ballon d’or perdait de son intérêt. Quel plaisir y a-t-il désormais à les regarder tricher ? Paul Villach
86 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON