La maladie occidentale
L’Occident du haut de ses Lumières ne cesse de partir en croisade depuis des siècles au nom de ses dogmes universalistes. Au nom de valeurs singulières et subjectives, il assène des verdicts éthiques, tapisse de bombes des nations ne se soumettant pas à ses mœurs, toujours drapé de la sacro-sainte liberté devenue principe liberticide, la culture dont nous sommes des valets soumis ne cessant pas d’écraser en toute bonne conscience des peuples de sa fatuité "humaniste". Devant ce genre de constat, on ne manque pas de rétorquer dans un élan compulsif et suiviste, « mais vous profitez de la liberté d’expression occidentale, vous pouvez critiquer, sous d’autres latitudes vous seriez sur-le-champ éliminé ! » Que répondre à cette réflexion massue qui se veut définitive et irréductible ? Vous savez comme moi que l’expression dite libre n’a de fait, que peu d’effectivité, de portée authentique sur les tenants et aboutissants régissant la civilisation dans laquelle nous évoluons. Elle ressemble par bien des aspects au cri de Munch, une sorte d’appel désespéré et stérile au milieu d’un chaos d’énergies aveugles à elles-mêmes et sourdes aux remises en cause foncières. Alors quelle est la différence qualitative notable entre des régimes interdisant de fait la liberté d’expression et ceux l’autorisant cyniquement en sachant pertinemment qu’ils n’en tiendront aucunement compte (hormis sous la force d’une pression devenue dangereuse pour l’équilibre macro économique et donc pas dans le simple débat d’idées) puisqu’ils ont mis en marche des processus de réglementation et de gouvernance pouvant passer aisément outre les vœux et désirs populaires (si tant est qu’ils existent encore et n’aient pas été à tel point conditionnés où tués dans l’œuf qu’ils en soient réduits à des insignifiantes récriminations statutaires et catégorielles) ?
Prétendant à des fondements légitimes et absolutistes ( présentés comme universaux ) en fait fondés sur un absolu invérifiable, d’ordre mystique (écoutons le président Bush déclarer sur la Bible qu’il incarne la vérité et le bien au nom de Dieu face à "l’obscurantisme" représenté par les musulmans notamment, dans un affrontement dialectique qui, en fait, présente des positions comparables dans leur enracinement autiste). Au nom de principes théoriques apparemment inattaquables (liberté, égalité, fraternité, démocratie, tolérance, respect de la vie et de l’environnement) cette civilisation péremptoire assène ses embargos, interdit l’accès à tel ou tel à l’arme atomique qu’elle a utilisée il n’y a pas si longtemps du côté de Hiroshima et Nagasaki, décrète ce qui est juste en matière de mœurs et ce qui ne l’est pas (oui au string et au porno, non au voile, le tout au nom de la dignité des femmes).
La mondialisation impulsée par l’Occident (et lui fournissant son ossature essentielle) implique un nouveau capitalisme invitant à l’abdication de toute critique (renvoyée aux totalitarismes "alternatifs"). Aucun amendement, aucune vision résistante ne sont envisagés.
L’économie de marché, forte de ses "performances" (nonobstant ses marges d’exclusion de plus en plus criantes) n’aspire guère à s’interroger, à réguler ou interrompre son flux d’énergie. Nous ne trouvons pas d’autre modèle de production ne menant pas à la catastrophe, tel est l’argument des laudateurs de ce système qui ont le champ libre en l’absence de contre pouvoirs crédibles. Les libertés impliquent des limitations, une éthique, des valeurs et c’est bien par cette absence que souffre le système. La rentabilité et l’intérêt des salariés et au final des horizons sociaux ne semblent plus nécessairement coïncider. Cette dissociation ne pourra être résolue par le système lui-même comme certains libéraux utopistes le pensent. D’autres affirment que les inégalités de fait diminuent sous l’influence du capitalisme, mais si les chiffres bruts n’invalident pas cette théorie, ils ne suffisent pas à éluder la sécrétion intrinsèque d’exclusion propre à ce système. Les équilibres liés à l’enrichissement des financiers et des actionnaires sont des équilibres précaires et qui violentent régulièrement la dignité des individus (qui au passage ne participent que peu ou le plus souvent pas du tout aux décisions stratégiques les concernant.
En valeur absolue la précarité décroît mais est fondée sur une précarité consubstantielle. Les réactions hostiles de nature identitaires, protectionnistes, régionalistes, ethniques et autres sont à la mesure de cette prise de conscience : le système qui régit les collectivités occidentales est perverti.
Un inventaire doit être fait, le néo-féodalisme libéral ne pourra l’interdire. L’insolidarité organique produite par l’ultra libéralisme basé sur des intérêts particuliers, amoraux et avides grandit, la financiarisation de l’économie ronge les liens, les relations, et l’isolation des individus s’approfondit face à la machinerie économique générale subdivisée à l’infini. Le salarié, l’agent productif est désormais livré à l’insécurité maximale et par sa précarité assure le confort des finances. Chosifié, instrumentalisé, l’homme sert comme jamais la monnaie et non l’inverse. Le démantèlement des identités est donc ce qui permet la marge d’ajustement. L’intégration sociale est donc non pas la visée première mais secondaire du modèle culturel occidental. Le capitalisme actuel n’est pas dans une logique d’échange mais de domination pure, tant sur un plan interne qu’externe. Les marchés eux-mêmes sont menacés par cette position en quelque sorte ontologique. Le capitalisme en place (que l’on pourrait juger fondamentaliste et intégriste car totalisant) est finalement d’essence autoritaire sourde et subtile. La réciprocité, le lien et le sens sont détruits par la marchandisation intégrale de l’homme et de l’être (l’eau commence à être privatisée et pourquoi pas l’air sous peu).
Le retour du refoulé de cette situation parle pour le corps social malade via la dépression nerveuse, individuelle et collective (se reporter aux taux de suicide, à la prise d’antidépresseurs et à la violence urbaine en Occident). L’omc ne régule rien, elle gère le désastre culturel. Les élites elles aussi gèrent (assez souvent cyniquement voir le sang contaminé, et plus régulièrement encore dans l’affolement et l’improvisation), les médias orchestrant le tout en un "attrayant" spectacle (fort rentable lui aussi au niveau audimat).
Dans les années qui viennent, nous nous trouverons à un carrefour historique, nous aurons rendez-vous avec notre inhumanité, avec notre délire barbare super technicisé, non régulé, non sensé, non pensé et au total non désiré.
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