Elle n’intéresse plus la télé et pourtant elle existe toujours. La maltraitance des vieux n’intéresse le législateur que depuis 2002, alors que sur la maltraitance des enfants, autre catégorie vulnérable, il a légiféré depuis bien plus longtemps. C’est une loi du 2 janvier 2002 qui a initié le programme dit de bientraitance. Aujour’hui l’agence chargée d’évaluer l’état des choses pointe les faiblesses encore trop nombreuses du plan bientraitance.
Nos séniors sont-ils bien traités dans les maisons de retraite ? La chaîne France 2 s’en était souciée à l’occasion d’une enquête avec caméra cachée menée au sein de ces établissements et avait produit une émission visant à choquer, à faire du sensationnel. Depuis, plus rien : zapping ! Le sensationnel a pris d’autres chemins : ceux d’une pseudo expérience scientifique sur les limites de l’obéissance et du rôle de la télévision sur les cerveaux soigneusement soumis à un casting spécial.
Du coup, les vieux qu’on maltraite peuvent bien retourrner à leur anonymat, l’indifférence se réinstalle. On peut bien leur envoyer 360 volts dans les gencives que ça n’intéresserait plus grand monde, le spectateur (y compris sénior) étant tout à sa fascination pour la belle Tania Young.
Pourtant, L’Anesm (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) a rendu public en mars son rapport sur l’analyse des questionnaires d’auto-évaluation des pratiques de bientraitance en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).
[ ndlr : Il faut savoir que les établissements sont soumis obligatoirement à une évaluation interne, tous les cinq ans, de leurs activités et de la qualité des prestations délivrées. Ils disposent pour cela d’un guide de gestion des risques de maltraitance élaboré par le Comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées. Une évaluation externe existe aussi : pour le recrutement des personnels, une liste d’incapacités professionnelles a été instituée, et la possibilité de consulter le casier judiciaire des candidats.]
Le questionnaire d’auto-évaluation montre ses limites. D’abord il s’agit d’auto évaluation par l’établissement. Ensuite, cet outil ne comporte aucun indicateur de résultats (ces indicateurs seront dit-on intégrés plus tard dans la recommandation-cadre). Il permet néanmoins de pointer les points forts et les faiblesses du plan bientraitance.
Si sur le volet sanitaire, il n’y a rien à signaler (l’Anesm observe une forte attention de personnels aux besoins en soins), de nombreux points faibles persistent :
Ainsi seulement 6 Ehpad sur 10 recueillent de manière systématique les éléments comme la prise en compte des habitudes et centres d’intérêt des nouveaux résidents.
Autre point noir soulevé par l’Anesm : l’absence d’évaluation systématique des risques et fragilité individuels. Seuls les Ehpad accueillant un nombre important de résidents atteints de la maladie d’Alzheimer et apparentées semblent adopter une démarche plus respectueuse de la personne.
Enfin, dans la plupart des cas, le projet censé être personnalisé n’est pas élaboré avec le résident. Un résultat qui, pour l’Anesm, est lié à la formation du personnel. Ainsi, pour l’Anesm, "le fait d’avoir reçu une formation Alzheimer ou une formation Bientraitance favorise le développement" des pratiques améliorant la qualité de vie des résidents.
Nora Berra souhaite que, "d’ici la fin 2010, les procédures de signalement des éventuels dysfonctionnements constatés par les résidents, leurs familles et le personnel soient améliorées". Par ailleurs, elle souhaite "promouvoir l’effectivité des conseils de la vie sociale" (machins obligatoires depuis la loi 2002 mais oublié à peu près partout).
Le dispositif de lutte contre la maltraitance des personnes âgées ne date que de 2002. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale avait ouvert la voie en instituant divers instruments de prévention de la maltraitance : livret d’accueil, charte des droits et libertés de la personne accueillie, procédure d’évaluation et de contrôle des structures, protection des professionnels dénonçant des faits de maltraitance.
Le dispositif de 2002 avait été critiqué dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2006. C’est pour cette raison qu’un nouveau plan de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées avait été présenté en mars 2007 par Philippe Bas, ministre du gouvernement Villepin.
La circulaire du 22 mars 2007 indiqua que le livret d’accueil doit préciser désormais les actions menées par l’établissement en matière de prévention et de lutte contre la maltraitance et comporter les numéros d’appel (national et/ou local) dédiés à l’écoute des situations de maltraitance (par exemple, celui de l’association ALMA). Cette circulaire du 22 mars 2007 avait prévu 20 millions d’euros sur trois ans pour développer la culture de la bientraitance.
L’ALMA recueille toujours les témoignages concernant la maltraitance des personnes âgées.