La meilleure façon de marcher
“Ceci n’est pas une montre !” C’est un chronomètre que porte le président Sarkozy à son poignet ! Quant au MoDem, les nouveaux militants aimeraient y adjoindre un moteur turbo ! Oublieraient-ils qu’un excès de confiance peut mener droit dans le mur, comme au PS ? Et si la politique était avant tout une question de rythme ?
Les médias, les Français, tout le monde s’est rangé au tempo de l’Elysée. L’agenda de Sarkozy détermine tout et impose à la France entière la “meilleure façon de marcher” que son président a décidée pour elle. Mais faut-il suivre le pas de Sarko ? Voyons ce que ce rythme suppose de sacrifices et de renoncements :
Une question de rythme
Pour s’assurer un train très rapide, Sarkozy a décidé de s’alléger de tout ce qui pouvait l’encombrer : les leçons de l’Histoire (ce qu’il nomme à tort la “repentance”), l’héritage culturel historique (il faut “liquider l’héritage de Mai-68″), la solidarité par l’impôt, l’éthique (un président qui joue à l’apprenti sorcier avec les questions génétiques).
Car il faut bien justifier la “Rupture”. Admettons ! Mais fallait-il aussi se délester aussi promptement des catégories les plus faibles ? Jugées trop lourdes pour la marche, inutiles, elles sont laissées au bord de la route. Aucun ministère, aucun secrétariat d’Etat, pour les personnes handicapées, pas plus que pour les personnes âgées. Tandis que l’on supprime l’exonération de redevance télé de ces dernières, on vote dans le même temps la suppression des taxes sur les opérations en Bourse. C’est que dans l’image que l’on veut donner d’une France qui flatte le profit et la réussite individuelle largement favorisée par les successions de grandes fortunes, les mots mêmes de “handicapés” ou “personnnes âgées” auraient fait tâche. La notion d’identité nationale a été préférée à celle de solidarité.
Les malades pèsent trop lourd aussi : qu’ils payent ! (projet de nouvelles franchises médicales, suppression de l’aide médicale des étrangers). Une seule exception, la maladie d’Alzheimer. Mais il faut dire que qu’il s’agit-là d’un thème populaire et porteur. Et l’on pourrait continuer ainsi : les atteintes aux droits de l’homme, les refus systématiques de demandes d’asile politique. On a bien compris, il faut marcher vite ; il ne faut donc s’encombrer de rien et surtout pas de réflexion.
Notre président, qui est un véritable courant d’air équipé d’un accélérateur, semble dépourvu de freins : j’ai bien peur que son extrême nervosité ne finisse par casser la boîte de vitesse !
Une question de méthode :
La méthode employée le plus souvent est la domination de l’interlocuteur, soit par la séduction et l’argent, soit par la force ou l’intimidation. Comme il faut montrer rapidement des résultats, on va au-devant de l’autre ou de la chose convoitée (”aller chercher” la croissance, etc.). Il n’est pas question de laisser à l’autre l’initiative, ni de laisser se dessiner un mouvement naturel, ni de permettre l’évolution libre des esprits. La méthode la plus efficace pour l’hôte de l’Elysée consiste à montrer que l’on est maître de tout. L’agenda présidentiel régentera la vie des Français et tant pis si la démocratie n’a plus le temps de respirer. Tout débat est court-circuité. Il faut montrer que l’on est maître, que l’on est le chef, il faut prendre les devants, prendre de vitesse, imposer le rapport de force.
Une négociation du type de celle qu’on applique pour les prises d’otages est appliquée quelle que soit la crise à dénouer. Cette méthode ayant fait ses preuves à Neuilly lors de prise d’otages des enfants de la Maternelle, il n’y a pas de raison qu’elle ne marche pas pour tout. On la transpose donc sans discernement à la voix diplomatique (infirmières bulgares), à la justice (prisonniers du Tchad considérés comme des otages alors qu’ils s’agit de personnes détenues par la justice d’un Etat souverain), au conflit social (usagers ou étudiants victimes des grévistes).
On le voit bien, cette méthode est fondée sur la force et la puissance de l’argent. Tout personne peut s’acheter (des ministres de l’opposition, des marins-pêcheurs...). Par des cadeaux, des flatteries, de la séduction, des promesses.
La démocratie doit-elle avancer à la vitesse d’un Sarkozy lancé au pas de charge ? Il ne s’agit pas de se plier à cette “meilleure façon de marcher” que Sarkozy veut nous imposer. Cela compris, je crois que chacun peut apporter sa contribution, selon ses capacités et ses talents, à un projet de société alternatif. Mais en réglant le pas sur celui de la démocratie, qui n’est ni arrogante ni autoritaire, ni méprisante ni insultante. Une démocratie qui aura son rythme, sa respiration, plus conformes aux aspirations humaines, une démocratie qui cultive le respect des différences, des cultures et des civilisations, qui n’a pas choisi le camp des plus puissants.
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