La meilleure façon de soutenir le fascisme renaissant
Admettons qu'aujourd'hui, le Front National représente 25 % de l'électorat français. C'est préoccupant puisqu'un vote extrême de cette ampleur est le signe d'un sérieux problème, déjà fort ancien, dans la conduite de la politique. C'est cependant loin d'être alarmant du point de vue institutionnel, car l'éventualité que ce parti progresse en voix jusqu'à atteindre la majorité le portant au pouvoir, n'en est pas une. La nature répartit en effet les choses autour du milieu et la grande masse des français, plus généralement la grande masse humaine est positionnée politiquement au centre, qui représente la modération, l'équilibre plus ou moins stable de la nature. Ce grand animal (le peuple) cependant, manifeste sa colère, sa désobéissance, avec plus ou moins de violence physique ou verbale par épisodes en augmentation constante. Mais voter (élire) ou manifester ne sont pas les mêmes choses. Voter, comme chacun l'a bien intégré sans questionnement, est de l'ordre du devoir. Et le devoir, c'est du sérieux. C'est le temps de la raison raisonnable et donc du vote pas très loin du centre.
Vous vous sentiez rassuré par la mise au loin du danger ? Malheureusement le péril demeure, car le FN n'est pas sans alliés et ce qui était impossible seul – la prise du pouvoir – ne l'est plus à plusieurs.
Qui sont donc ces alliés ?
Le premier d'entre eux et le plus puissant, c'est ce groupement religieux sectaire que l'on nomme élite économique et dont la mission terrestre est de consolider l'établissement, déjà fort avancé, de l'utopie néo-libérale, - une dystopie en réalité –. Dans ce pire des mondes en construction, la question des salaires fut depuis le début centrale, puisque la maximisation du profit en nécessitait la maîtrise. C'est pourquoi cette élite, dès les années 1920, caressa l'idée d'un espace européen dans lequel aurait cours la concurrence salariale entre les peuples, puis 10 ans plus tard soutint le renforcement du pouvoir en vue de calmer les ouvriers et leurs revendications salariales. Achat des leaders syndicaux et financement des ligues fascistes furent de leurs pratiques, avec un certain succès et l'on ne voit pas pour quelles raisons ce serait différent aujourd'hui. Pour ceux qui en douteraient encore, et ils sont nombreux, le libéralisme de néo-libéral signifie liberté économique et rien que cela. Si la liberté politique, et plus généralement celle qui a cours dans notre société, est jugée souhaitable par défaut, elle devient optionnelle si elle vient à s'opposer aux objectifs économiques de cette élite. Seule la stabilité politique est requise pour le Dieu marché, qu'elle s'établisse par le droit ou la contrainte.
Les seconds sont constitués des partis hégémoniques de droite et de gauche en cheville avec leurs amis du paragraphe ci-dessus. Même s'ils se distinguent sur les questions dites sociétales, ces questions secondaires qui justifient l'existence de deux partis, ils ont opéré leur fusion idéologique en termes de politique économique. Cette fusion sur base néo-libérale universalise le chaos en répandant l'insécurité économique, opportunément transformée en insécurité tout court. Nous pouvons légitimement qualifier ces partis de rabatteurs du FN.
Il vient alors, de façon compréhensible par tous, que voter pour l'un de ces partis dans quelque élection que ce soit est un absolu soutien, bien qu'indirect, au fascisme renaissant.
Dans le même temps et de façon plus consciente, ces partis saisissent toutes les occasions pour diaboliser – faire peur en assimilant au diable - le FN. Ceci leur procure l'immense avantage d'attirer à eux les voix des électeurs-nigauds apeurés, le FN jouant ici malgré lui le rôle de rabatteur – un renvoi d'ascenseur en somme - des partis hégémoniques, de chien de garde de l'ordre établi. Se présentant dès lors comme le rempart au fascisme, ils peuvent mener leur politique anti-sociale sans entrave, alimentant le ressentiment et de nouveau le FN. Mais de rempart réel il n'est pas question, car le néo-libéralisme est d'essence totalitaire - le marché à vocation à tout contrôler - et le capitalisme, un système de domination qui organise la mise au travail de la population, ne peut désormais se maintenir qu'en renforçant sans relâche sa capacité de contrôle social : refus de réformes démocratiques, fichage, espionnage, contrôle d'internet, répression policière, propagande etc. Cette symbiose politique entre le FN et les partis hégémoniques semble matérialiser un certain équilibre, mais ce n'est qu'une apparence tant la défiance du peuple envers le système, ses partis, ses élites, est forte et s'étendant. Les troubles iront augmentant et seront autant d'occasions de renforcer les législations liberticides - la Grèce et l'Espagne sont exemplaires de ce point de vue -, pour tenter de contrôler une société devenue trop complexe et incontrôlable. Contraints de faire le sale boulot - c'est le mensonge que la propagande étatique répandra -, comme les pseudo-socialistes disent le faire avec le programme néo-libéral, ils assumeront leur conversion au fascisme – à moins qu'ils ne nous disent avoir établi la démocratie totale -. Mais le fascisme promu par des partis non-fascistes, comme le néo-libéralisme par des socialistes, n'est-ce pas finalement parfaitement acceptable ?
Le fascisme renaissant est au cœur du système politique présent et non chez un parti d'extrême droite qui s'agite. Puisque le temps est revenu de faire notre devoir électif – celui de soutenir sans réfléchir les institutions prévues pour nous avec bienveillance – il nous faut prendre conscience des dangers politiques qui se dessinent et d'où vient le plus massif. Notez que les immenses questions écologiques, faute d'avoir été traitées, justifieront l'éco-fascisme, organisation sociale extrêmement autoritaire visant à gérer les maigres ressources naturelles en voie d'épuisement.
Il est donc temps de cesser de participer.Car participer aux élections, c'est à dire conforter le pouvoir des partis hégémoniques – puisque le système n'est pas construit pour permettre l'émergence de forces nouvelles qui par ailleurs deviendraient à leur tour hégémoniques –, c'est participer à une déraisonnable prolongation d'un régime politique qui, après confiscation du pouvoir du peuple, n'en use plus ou moins consciemment que pour organiser le chaos social et écologique qui mènera au fascisme.
Nous le peuple, nous gérerons beaucoup mieux nos propres affaires que ces élites politiques analphabètes au service de l'élite économique.
C'est donc d'une abstention générale dont nous avons besoin et nous sommes en bonne voie puisqu' environ une moitié clairvoyante de la population à déjà compris la nature réelle de notre régime politique. Cette moitié, c'est le peuple d'en bas qui explique à la classe moyenne qui s'accroche à ses fragiles privilèges, ce qu'il est temps de faire.
Oui 1% d'électeurs et même moins suffisent pour produire des élus et continuer à faire fonctionner le système. Qu'importe pour cette fois. Ne soyons pas trop impatients, et agissons, usons de notre pouvoir de dire et redire « ça suffit », prenons conscience collectivement qu'il nous faut un changement radical, et qu'il devient possible par le simple fait de le vouloir collectivement. Tout ce qui a été construit, c'est le cas de notre organisation politique, économique et sociale peut être déconstruit. Mûrissons l'idée collectivement, et une fois l'idée mure, il suffira de rien pour tourner la page de l'oligarchie et de sa dystopie néo-libérale.
Contre le fascisme renaissant, opposons la véritable démocratie, ce régime dans lequel le peuple gouverne au lieu d'être servile. Faisons notre devoir de nous abstenir dès les prochaines compétitions récréatives, i.e les élections municipales, puis, plus facile, les élections européennes, jusqu'à la convocation d'une constituante ou de tout autre dispositif indiquant l'abdication de l'oligarchie en place.
Soyons « Tous dissidents en 2014 »
Trois autres tribunes à consulter sur ces question de pouvoir et d'élections :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pour-une-abstention-generale-146554
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/misere-du-vote-blanc-et-de-l-146763
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/s-abstenir-a-moitie-est-ce-bien-147115
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