La menace d’une bouteille de vin neutre fait frémir les viticulteurs français

C’est l’histoire d’un retour de flammes inattendu. Après que le projet de loi interdisant la personnalisation des paquets de cigarettes a été ratifié par l’Assemblée en avril dernier, d’importantes manifestations avaient lieu mardi en Indonésie pour dénoncer la mesure. Les producteurs indonésiens de tabac descendaient devant l’ambassade de France pour défendre leur filière. Une telle mesure représente pour eux une perte sèche colossale pour leurs exportations. L’Indonésie figure en effet au 2ème rang mondial des pays exportateurs de tabac. Parmi les slogans, une menace très claire émergeait du lot, celle d’imposer une bouteille de vin neutre sur le sol indonésien. Or, c’est précisément ce que craignent les exploitants viticoles français mais aussi italiens ou espagnols : des réflexes protectionnistes à la chaine contre le vin.

Le marché français du vin regarde de plus en plus vers l’Asie qui représente un potentiel de développement énorme. Avec la mondialisation et la hausse du niveau de vie dans les pays asiatiques, c’est toute une nouvelle classe de population qui s’ouvre à la consommation du vin. La France jouit sur ce marché d’une excellente réputation et peut se targuer d’avoir récemment retrouvé sa place de premier pays producteur en volumes. La part des exportations de vin vers l’Indonésie ne cesse de croître et les habitudes de consommation se développent. Les viticulteurs français ont investi beaucoup pour s’assurer une place sur ce marché de plus en plus concurrentiel et regrettent ainsi cette nouvelle menace venue directement de France.

Une mesure contre-productive

En plus d’être crainte par des secteurs entiers de l’économie, cette mesure est jugée parfaitement contre-productive. Car, si elle fait diminuer les ventes de cigarettes, on remarque aussi que les ventes se déplacent. L’Australie ayant adopté une loi similaire enregistre une hausse record de la contrebande (+25%). Partout les réseaux criminels se développent pour fournir la demande qui reste évidemment présente. Alors pourquoi tant d’acharnement ?

Les viticulteurs, mais aussi les restaurateurs et buralistes, critiquent par là même une loi parachutée sans nuance. La mesure a en effet été testée en Australie avant d’être décidée en Grande Bretagne et en Irlande. Copiée à la lettre par le ministère de la Santé, cette loi ne prend pas en compte les spécificités françaises en matière de consommation. On savait les Anglo-saxons radicaux en matière de lutte contre les addictions, on pensait les Français plus raisonnables. On se souvient par exemple de l’interdiction pure et simple des fromages au lait cru sur le sol américain, taxés d’impropres à la consommation. Ou encore de l’interdiction du foie gras dans le cadre de la protection des animaux. Ces mesures avaient stoppé net des filières agricoles entières au mépris des investissements consentis pour s’implanter sur ces marchés. C’est précisément ce qui pend au nez des producteurs français de vin qui craignent une contamination.

Car l’« Etat nounou » que fustigent les viticulteurs français n’a pas pris la mesure des ondes de chocs que ces législations futiles pouvaient produire. La mondialisation de l’économie implique de voir plus loin que le contexte franco-français. Marisol Touraine fait en ce sens preuve, selon eux, d’une formidable irresponsabilité. Les « mesurettes » de santé publique, prises à l’emporte pièce sans préparation aucune ont aujourd’hui des conséquences de plus en plus lourdes.

Après le passage de la vitesse de 80 à 70 sur le périphérique, l’interdiction de fumer au volant de sa voiture en présence d’un enfant de moins de 11 ans ou l’interdiction des aires de jeux aux fumeurs, les Français attendent toujours une vraie politique de santé publique. En attendant, la solidarité avec les producteurs indonésiens de tabac sera assurément un des sujets du salon Vinexpo ce week-end.