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Accueil du site > Tribune Libre > La mine, les mineurs et des poussières de mémoire

La mine, les mineurs et des poussières de mémoire

 Certes l'inscription du Bassin minier au patrimoine de l'Unesco et l'arrivée d'un Louvre bis à Lens sont d'intéressants projecteurs qui vont apporter un peu de lumière dans la nuit de la mine, mais il ne faudrait pas croire qu'elle nous réveille.
Quand je dis « Nous », je parle de ceux qui usent leur bottines depuis longtemps dans ce Bassin.
Il reste des objets, des chevalets, des berlines et des bennes, de l'acier, et beaucoup de poussière matériellement présents, il y a surtout une mémoire qui plane.
C'est ce que je veux tenter de faire sentir avec le site que je prépare. En voici le texte d'introduction.

De mémoire d'un homme parmi les hommes...

Devoirs et droits de mémoire, mémoire collective, mémoire des lieux, maladie d’Alzheimer, la mémoire est au cœur du débat actuel.
Cette mémoire, sous toutes ses formes, me passionne.
Parce que la mienne m'interpelle, me questionne et me surprend quotidiennement.
Parce que, du souci de la conserver naquit un jour l'écriture, "réservoir" dans lequel chacun est libre de puiser. Aujourd'hui cette écriture prend des nouvelles formes ( numériques, multimédias).
Parce qu'elle est souvent la cause cachée de l'illettrisme que j'ai toujours combattu et qui frappe surtout les enfants du monde ouvrier.
Parce que nous avons encore besoin d'apprendre à la préserver et la transmettre, avec l'augmentation de l'espérance de vie, dans nos pratiques vis à vis des personnes âgées, et des échanges entre les générations.

Pour moi, tous ces éléments ont un lien et si Je me suis un jour autoproclamé "mémorien" c'est pour que les « nantis » cesse de me considérer comme un gentil "bricolo-historien local".
Puisque la définition fait défaut, j'ai défini ainsi la "mémoire" qu'il m'intéresse de rechercher, mettre en forme, valoriser :
La part immatérielle du patrimoine, complément indispensable à la partie matérielle faite d'objets et de matières. La plus difficile à identifier, illustrer et diffuser.
Pour la différencier de l'histoire il suffit de considérer un "fait historique" quelconque.
L'histoire tente de le décrire le plus objectivement possible et le positionner dans la chronologie. En ce sens, l'histoire se veut objective et unique. Sur ce fait il existe une seule histoire même si elle est complexe,contestable et contestée.
La mémoire, c'est la somme des mémoires individuelles. Elle est subjective et multiple. Ce qui importe n'est pas la précision des faits, mais le ressenti des hommes.

Adaptons le à une catastrophe minière.

L'histoire sera illustrée de dates et d'heures, d'explications sur la base des rapports d'experts, de confrontation de faits, des éléments d'environnement, de prises de positions ...
La mémoire sera constituée des coups au coeur, des cris de douleurs, du ressentiment des femmes et des hommes dont les proches on payé de leur vie et qui se questionne sur une justice injuste...

’, $(’.barre_inserer’)[0]) ;" title="Double-cliquez pour insérer ce raccourci dans le texte"> Je vous montrerai ce morceau de rail découpé à l'oxycoupeur sous le chevalet de la fosse de Saint Amé (Liévin) conservé en mémoire et hommage aux 42 hommes qui y ont perdu la vie.
Ce vulgaire morceau de ferraille, pour un ancien mineur, c'est l'ancien cordon qui reliait le fond et le jour, celui qu'il regardait quotidiennement avec l'angoisse aux tripes en dévalant , et l'espoir au coeur en remontant, et surtout l'objet qu'un jour quarante deux de ses copains n'ont vu qu'une fois.

Patrimoine matériel : un morceau d'acier,
patrimoine immatériel : le symbole d'une vie de labeur et l'image omniprésente de la mort lorsqu'on est mineur ...

De la mine et des mineurs de charbon du Nord - Pas de calais

Je suis né à Arras, à une quinzaine de kilomètres du bassin minier. Si j'avais mieux écouté ma grand-mère Anna, j'aurais compris très jeune que j'étais passé à un cheveu d'être fils de mineur et peut-être mineur moi-même.

Lorsque je suis entré à la DDE en 1968, entouré de nombreux "fils de la mine" qui constituaient une bonne part des effectifs de cette cellule opérationnelle, j'ai commencé par dessiner la RN 347bis entre Lens et la Bassée, et surveiller le bétonnage des "ouvrages d'art" de la rocade minière, une activité que je connaissais un peu, puisque mon père y enfonçait des pieux dans le "gruyère minier" avec sa grue datant d'avant guerre.

Après la coupure du service militaire, je suis retourné à l'équipement ou j'ai travaillé à la rénovation des cités minières à Lens, Liévin, Bruay en Artois. J'ai alors compris l'évolution des HBNPC et le souçi de son immense parc immobilier, et surtout les craintes des habitants, logés jusque là à titre gratuit et qui regardaient d'un oeil inquiet ces 4L orange conduites par ces gens qui venaient mesurer, niveler et dessiner un futur cadre de vie qui leur semblait un peu trop beau pour eux.
J'ai aussi posé des traits et des couleurs sur un terril dont on rabotait la tête pour en faire un espace de Loisirs : La « glissoire » où j'ai découvert ce qu'on appelle le « rabattement de nappe »qui permettrait de créer des lacs artificiels et des idées de circuits. Dommage que je n'ai pas encore intégré à l'époque l'idée de mémoire, ce lieu en porte tellement !

Malgré les louables travaux d'équipes pluridisciplinaires on ne savait pas ce qu'allait devenir cet espace qu'on appelle le « bassin minier » ( Mais le sait-on mieux aujourd'hui ?).
Cinq années plus tard, c'est au titre d'animateur culturel que j'ai plongé avec passion dans l'autobiographie ouvrière découvrant le travail de Michel Ragon, d'henri Poulaille et de nombreux livres : Jules Grare, Henri Viseux, Henri Bourdon, Marius Lateur ... Tous ayant vécu la vie de mineurs de fond.

J'ai participé à des ateliers, des émissions de radio, des créations théâtrales, des débats autour de ce thème.
En parallèle, j'apportais mon concours éducatif à un courageux projet d'insertion pour des enfants de Classe SES ( Section d' Education Spécialisée) dans un collège de Liévin qui m'a démontré, si besoin était, combien la culture minière demeurait présente dans l'esprit de ces jeunes … Condamnés à « devenir des chômeurs heureux ! » ( l'expression est d'un ministre de l' Education Nationale).

De l'utilité de témoigner encore et toujours

"Témoigner et encore témoigner, rendre gloire et hommage aux mineurs " c'était ce que voulait Jules Grare qui tonitruait (malgré l'extinction de ses capacités respiratoires) :"Gloire à ti Mineur Gloire à ti !", proposant qu'en érige des monuments pour que jamais on oublie, que l'on rende à toutes ces bêtes de somme méprisées la place qui leur était due pour ce qu'ils avaient apporté au pays.

Je pense y avoir contribué modestement une première fois avec une chanson ( chanson grisaillante), et quelques autres en préparation à l'image de ce que j'ai réalisé avec l'atelier Chante-mémoire concernant la mémoire de Lille.

Ce site sera un trousseau de clés. Celle que j'ai forgées au fil de cette expérience pour entrer dans la mémoire de la mine et des mineurs et que je vous invite à visiter.
Mon objectif est de savoir que demain j'aurais donné envie à des gens d'aller y voir de plus près après cette préparation au voyage.

Et puis (on ne peut s'empêcher d'avoir des idées), pourquoi ne reprendrai-je pas mon matos de chanteur pour un concert « chants du cœur de la mine » que j'irai proposer au parc de la glissoire accompagnée d'une discussion avec les retraité(e)s qui viennent y pratiquer la pêche et quelques activités sportives ? Et pourquoi pas ? Et pourquoi pas ?


 qq liens :
« Chanson grisaillante » à écouter à cette adresse :
http://www.youtube.com/watch?v=ox6HolYBr-g

« Noël en rouge et en Nord » à écouter à cette adresse
http://www.youtube.com/watch?v=1rIcWuhbChY

La chanson et la mémoire : exemple de Lille

http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/la-chanson-clef-de-la-memoire-100411


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2 réactions à cet article    


  • Richard Schneider Richard Schneider 20 octobre 2012 16:00

    à l’auteur,

    Joli texte. Les liens aussi sont très judicieusement choisis.
    Il ne faut pas oublier les romans-témoins, comme ceux de Marie-Paule Armand, par exemple - car, autant mes préférences vont à une République « une et indivise », autant je reste attaché à la littérature qualifiée de « régionale ». 
    Vous avez raison de vouloir sauvegarder la mémoire collective votre Nord ...
    Félicitations pour ce beau texte.

    • kaloutch kaloutch 21 octobre 2012 08:16

      Tiens, mon message d’hier n’est pas passé.
      Certes la contribution de Marie Paule Armand (la poussières des corons) est à prendre en considération. Vous devancer un peu le sujet que je vais proposer. Ma première considération est pour le témoignage vécu, d’hommes qui ont vécu la mine de l’intérieur. Malheureusement, je ne connais pas de biographie de femme ( trieuse, hercheuse) .
      Marie Paule Armand qui écrit en mémoire de son grand père, a un parcours universitaire et une expértience de prof de math. Ceci ne retire rien à la qualité de son travail, et a aussi l’avantage d’une aura médiatique plus large ( comme celle de Christian Signol) mais c’est une intellectuelle « qui écrit sur ».
      Merci de vos copmpliments. Je n’en ai pas l’habitude et à bientôt sur mon site.

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