La mise à mort de Hank Skinner : Du déni de justice au crime contre l’humanité
Il y aura ce mercredi 9 novembre, de 18h30 à 20H00, peu avant l'exécution prévue de Hank Skinner au Texas, un grand rassemblement à Paris, Place de la Concorde, pour appeler à la suspension de cette peine de mort.
Un nouveau cri résonne, fracassant, dans les couloirs de la mort d’un pénitencier américain : celui de Henry (Hank) Skinner, condamné à la peine capitale pour un triple meurtre (celui, le soir du Nouvel An 1993, de son ancienne compagne et des deux fils de celle-ci) dont il s’est toujours dit innocent, et au regard duquel il réclame donc aujourd’hui, afin de prouver cette innocence précisément, des tests ADN sur d’irréfutables éléments de preuve n’ayant pourtant jamais été analysés.
Mais, voilà, le pire, de la part de la justice américaine, est, une nouvelle fois, arrivé : un tribunal du Texas - le 31ème district du Comté de Gray, dans la juridiction de la ville d’Austin - vient de lui refuser, ce jeudi 3 novembre, ces tests destinés à le disculper peut-être définitivement. Avec, comme terrible conséquence sans un recours de dernière minute, son exécution, prévue ce 9 novembre, par injonction létale : l’un des supplices les plus effroyables et même, au-delà de son côté hypocritement « high tech », les plus barbares qui soit.
C’est dire si le temps presse, par-delà même cette flagrante injustice, pour tenter de sauver, in extremis, le pauvre Hank Skinner des griffes de pareille, cynique et impitoyable, mise à mort !
L’un de ses avocats, Robert Owen, l’a, du reste, déjà clamé haut et fort : accorder à l’avantage de son client ce genre de preuve génétique, comme à tout autre détenu d’ailleurs, est une question, par-delà son aspect juridique tout autant que sa portée éthique, de simple « bon sens ». Mais, voilà, contrairement à ce qu’affirma le grand René Descartes dès la première phrase de son célèbre « Discours de la Méthode », le bon sens n’est apparemment pas la chose la mieux partagée du monde.
Pis : ce sont les droits de l’homme en ce qu’ils ont de plus inaliénable, de plus sacré et de plus universel, qui sont là, par cet irrationnel refus de voir un prisonnier pouvoir se défendre avec tous les moyens (légaux, médicaux et scientifiques) qu’il a théoriquement à sa disposition, niés de la manière la plus inique qui soit. D’autant que le doute, comme c’est le cas en cette douloureuse affaire, devrait bénéficier là, à l’instar de toute procédure judiciaire digne de ce nom, à l’accusé.
Davantage : cette négation du droit le plus élémentaire, ce déni même de toute justice, s’avère, en cette mortelle circonstance, un crime, ni plus ni moins, contre l’humanité.
De grâce, que la justice américaine, si elle a une conscience morale, ne répète pas ainsi cette irréparable erreur par laquelle elle assassina froidement il y a quelques semaine à peine, le 21 septembre dernier, Troy Davis : la grâce donc, cette fois-ci, pour Hank Skinner ! Sa propre femme, une française nommée Sandrine Ageorges, croit très sincèrement, elle qui le connaît mieux que quiconque, à son innocence.
Et quand bien même il serait coupable du meurtre dont on l’accuse aux USA : il ne peut exister, pour les abolitionnistes de ce châtiment particulièrement cruel que constitue toute peine de mort, de hiérarchie, d’exclusive ou d’exception en la matière. Il s’agit là, quels que soient parfois notre difficulté intellectuelle ou notre malaise moral à l’admettre au regard des crimes les plus abominables, d’un principe, tout aussi inconditionnel, universel.
Reste donc à espérer que ce 31ème district du Comté de Gray reviendra, fût-ce in extremis comme on l’a déjà dit, sur son injuste verdict, sans quoi cette atroce et ignoble exécution de Hank Skinner ressemblerait effectivement à ce qu’Oscar Wilde appela dans sa « Ballade de la Geôle de Reading », long poème consacré à la pendaison d’un autre fameux condamné à mort pour le meurtre de sa femme, la « porte sourde du bourreau ».
Comme quoi l’insigne auteur du « Portrait de Dorian Gray » ne fut pas seulement là le génial et historique anticipateur, fût-ce par proximité linguistique ou résonance phonétique, de cette criminelle sentence émise, pas plus tard que ce jeudi 3 novembre 2011, par le tribunal du Comté de Gray : ce « caveau du Désespoir » comme Wilde qualifia encore, en sa sublime mais tragique Ballade funèbre, l’innommable et inhumaine torture, tant physique que psychique, des condamnés à mort !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
Philosophe, auteur de « Le Dandysme - La création de soi » (François Bourin Editeur), porte-parole francophone du « Comité International contre la Peine de Mort et la Lapidation », dont le siège est à Londres.
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