La mondialisation peut-elle sauver la planète ?
Le principe cardinal du commerce est de produire au moindre coût et de vendre le plus cher possible. La mondialisation n’a rien apporté de nouveau à ce sujet si ce n’est que ce sont les pays riches qui consomment et les pays pauvres qui produisent. Cet état de fait est-il remis en cause par la raréfaction programmée des ressources ?
L’Éthiopie est l’un des pays les plus pauvres du continent africain lui-même pauvre. Le genre Homo y est probablement né il y a plusieurs millions d'années, avant de se disperser sur toute la planète. Le salaire des travailleurs éthiopiens est 10 à 20 fois moindre que celui des chinois, lui-même 3 fois moindre que celui de Français. Ceci ouvre d’immenses perspectives aux « investisseurs » pour la localisation des sites de production. La confection de vêtements, de chaussures et plus récemment la production de fleurs connaissent ainsi un essor important en Éthiopie. Ces biens ne sont pas destinés (du moins prioritairement) à la consommation locale possédant un faible ‘pouvoir d’achat’ mais sont massivement exportés vers les pays occidentaux. À l’échelle de la planète et en termes globaux, le ‘libéralisme’ conduit à appauvrir les pauvres des pays riches et à enrichir les riches des pays pauvres (ou de les créer). Ce mécanisme peut permettre d’aplanir les inégalités entre pays mais pas (ou pas forcément) de lutter contre les inégalités au sein des pays eux-mêmes puisque l’égalité est une entrave à la force motrice du libéralisme. À certains égards, les résultats peuvent sembler satisfaisants puisque des décennies d’accords de développement n’avaient pas réussi à enclencher un essor des pays du sud.
L’attrait de l’argent ne connaît aucune contrainte interne, il n’y a pas de limite connue à la cupidité si aucun autre facteur, loi, régulation, morale, n’en fournit une. Le capitalisme classique se déroulait au sein des Nations dans lesquelles, pour beaucoup d’entre elles, dominaient des systèmes plus ou moins républicains ou démocratiques. Par la force des choses, un équilibre s’établissait entre dominants et dominés qui devaient partager le même territoire, appartenaient à la même ethnie, croyaient en une même religion, essayaient de posséder la même culture. Certains finissaient par s’émouvoir de voir des semblables en proie à des injustices et certains essayaient de leur trouver un remède. Si ces mêmes injustices se produisent à l’autre bout de la terre, moins nombreuses seront mécaniquement les manifestations de solidarité.
À l’échelle de la planète, les liens socio-culturels pouvant cimenter les diversités restent à tisser et les contraintes imposées par les organisations internationales sont prégnantes pour les faibles plus que pour les forts, ce qui ne va pas dans le sens souhaité. La propension à consommer de tout, toujours plus, même des choses superflues, même des choses nuisibles, ne peut raisonnablement pas constituer un lien fraternel pouvant venir à bout de la volonté de puissance de certains. Les préoccupations écologiques auraient dû il y a déjà longtemps, et devraient urgemment de nos jours, fournir un cadre commun pour l’ensemble de l’humanité. Mais le système actuel est incompatible avec celui qui est désirable, il devrait être déconstruit presque entièrement, afin que les raretés de demain, que sont les combustibles fossiles et les matières premières, ne soient pas accaparées par les puissants au détriment de la multitude. Les inégalités de tous ordres entre ‘riches’ et ‘pauvres’ ne pourront pas non plus être combattues par la seule philanthropie, qui n’est d’ailleurs souvent qu’un message publicitaire parmi d’autres pour apaiser le courroux de ceux qui doivent se contenter des restes et pour rendre acceptables les donateurs qui sont souvent aussi des prédateurs. À une autre époque les dames patronnesses ont dû céder le pas à la République pour que les choses changent vraiment.
Ni la frénésie de consommation, ni les bonnes œuvres ne pourront créer une humanité un tant soit peu solidaire, en tout cas suffisamment pour accepter en son sein des différences liées aux cultures ou aux positions sociales occupées.
Reste possiblement à créer une race unique obéissant aveuglément à un dieu unique ! C’est la méthode qui est utilisée actuellement.
La langue de bois (le ‘politiquement correct’) permet d’éviter de présenter la réalité, réalité que l’on pourra donc façonner à sa guise selon ses besoins, selon ses manies idéologiques, ses intérêts. Faut-il rappeler la frénésie avec laquelle les gens de couleur ont remplacé les noirs, les SDF se sont substitués aux clochards… et aussi, ce qui bien plus important, que les investisseurs ont chassé les rentiers, que le libéralisme a évincé le capitalisme, que les communautés se sont substituées aux classes sociales. Par touches successives la capacité de description du réel par le langage s’est érodée jusqu’à, dans certaines classes sociologiques, disparaître. Dans les médias, les formules verbales employées permettent la catégorisation des individus(les bons, les méchants essentiellement) et la mise en place d’une police des mœurs et de la bien-pensance sans analyse, sans plus rechercher ou tenter d’atteindre une vérité. La formation non contrôlée de communautés possédant leur propre idiome, leur propre culture au détriment de toute appartenance nationale, permet également de déconstruire des sociétés à peu près homogènes. Les immenses possibilités offertes par les ‘réalités’ engendrées par ordinateur (réalités virtuelles), aussi bien dans des domaines aussi respectables que la médecine ou la pédagogie que pour des jeux vidéos, donnent accès à d’innombrables conditionnements mentaux rendant possibles une vie ressentie comme pleine de jouissances pour tous car personne ne reçoit quoi que ce soit. Le consumérisme virtuel remplace la société de consommation !
Les religions antiques se replient sur des sectes afin de se prétendre seules dépositaires de cieux dont elles ne saisissent plus la nature purement symbolique. Tous se prosternent devant de faux dieux qui prêchent de se hausser plus haut que les autres, pour dominer, pour contraindre. Les philosophes réintègrent la caste microcosmique de l’élite pour donner des conseils non pas de sagesse mais d’habillage intellectuel des intérêts, des privilèges. Les valeurs scientifiques, dont l’éthique, disparaissent au profit des seuls manipulateurs de génomes dont une infime minorité se servira pour être plus performante et peut-être même devenir (quasiment) immortelle. Les artistes deviennent des objets cotés par le marché ou par les foules, ce qui revient au même.
Les décideurs, qui sont-ils ?
Contrairement aux Hommes politiques, les vrais décideurs ne s’affichent pas, ne prêchent pas, ne tentent pas de convaincre, ils se contentent de dominer sans le prétendre. Les décideurs n’ont pas d’idéologie hormis le fait qu’ils s’estiment faits pour diriger, la main de dieu ou une autre tout aussi invisible assure leur destinée. Nazis, fascistes, pétainistes par opportunité, républicains si nécessaires, démocrates en cas de besoin, les décideurs sont toujours prêts du pouvoir quelle que soit sa nature. Un décideur ne se préoccupe que de son intérêt et il construit un ensemble de propositions, qu’on appelle indûment théorie, pour justifier son mode d’action. Les idéalistes tentent de se hisser jusqu’au niveau de leur idéal, les décideurs bâtissent un idéal à leur mesure. Il est acquis qu’un dirigeant idéal ne demande qu’une chose à ceux qu’ils dirigent : des efforts, le reste allant de soi. Les dirigeants banals demandent aussi des efforts mais seulement à ceux qu’ils peuvent asservir, jamais à leurs semblables, leur conjoint, leur famille, leur fratrie : le sentiment de justice nuit à l’efficacité. Les dirigeants sont aussi bien murés dans leur cuisine accablant d’injures leur conjointe que fréquentant les milieux environnant des G7, G8, G20, G77 pour pousser leurs pions et en fin de compte prendre collectivement la place des maîtres du monde. Les dirigeants constituent une nuée animée du seul désir d’être le plus fort, le plus grand, le plus puissant… le seul qui ne mourra pas tout à fait.
La planète peut-elle être sauvée, pas seulement du point de vue chrétien mais aussi physiquement, dans ces conditions ?
Une planète vivable serait faite d’individus autonomes, se fixant des tâches suffisamment larges pour qu’elles puissent aboutir à un artisanat ou un art ; elle allierait autant que faire se peut la production à la consommation pour éviter les étapes intermédiaires créatrices de domination sans base réelle ; elle serait faite de différences et toute tentative d’uniformiser sous le joug d’un système unique serait banni ; elle serait faite de gens qui accordent un prix au temps et qui ne cèdent jamais à l’agitation créée sciemment par les puissants afin de dominer les vibrions ; elle serait faite de gens qui auraient abandonnés la volonté de puissance pour devenir des créateurs, des géniteurs de richesses ; elle serait faite de toutes les cultures non pas hachées menues pour les mélanger mais intactes pour se valoriser l’une l’autre ; elle serait faite de gens qui ne supportent pas l’injustice et qui ne la justifient pas grâce à d’invraisemblables prouesses intellectuelles ; elle serait faite de gens ordinaires qui feraient chaque jour et tout le temps des choses extraordinaires…
Le Monde sera-t-il assez grand pour accueillir toutes les différences ou s’acheminera-t-on vers un Homme standardisé ni homme, ni femme, ni blanc, ni jaune, ni noir, ni chrétien, ni athée, ni manuel, ni intellectuel… qui croira savoir tout sur rien ! Et même aseptisés, numérisés, conditionnés, uniformisés, ces nouveaux Hommes auront-ils la volonté de vivre ensemble sur la même planète ?
Peut-être ! Mais à quoi bon !
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