La Mort d’un jeune et la Violence
La France est un pays de guerre civile. Des réformes qui, ailleurs, peuvent être conduites dans une atmosphère consensuelle ou après des débats parlementaires, donnent lieu, ici, à des affrontements et des violences, heureusement, le plus souvent verbales. Mais qui peuvent conduire un pont trop loin...
C'est dans ce climat qu'est survenue la mort d'un jeune dans l'affrontement de deux groupuscules extrêmes. Que les politiques ont essayé d'utiliser, d'exacerber au lieu d'apaiser, d'établir les faits et les responsabilités.
Il s'agit d'un affrontement, violent, voulu violent, très violent, ce sont les coups qui ont tué, même s'il n'y avait pas volonté de tuer. Mais ce n'est pas le premier affrontement violent. Même si heureusement, tous les affrontements violents ne se terminent pas par un mort.
Les responsables politiques qui connaissent le sens des mots, qui ont parlé d'assassinat, font, consciemment, de la surenchère. Un assassinat est un homicide volontaire commis avec préméditation.
Dans les faits, tels qu'ils sont rapportés, il s'agit, ironie noire de l'histoire et victoire de la société de consommation, de deux groupes marginaux, aux mêmes goûts vestimentaires mais aux options politiques opposées, qui se rencontrent dans une vente de vêtements de marque.
Aux invectives succède l'affrontement. Mortel. Il ne semble pas qu'il y ait là guet-apens, volonté de tuer, préméditation.
Mais il y a un mort. Dans un climat de violence verbale qui perdure depuis quelques mois autour du « mariage pour tous » et de la « manifestation pour tous ». Les groupes d'extrême droite se sont fait les dents dans les manifestations. Cette fois, ils ont mordu, très fort. Trop fort.
Bien sûr, « manifestation pour tous » n'est pas directement responsable de cette mort. Même si certaine avait annoncé du sang. Même si certains ont parlé de dictature ou ont avancé des comparaisons douteuses, la dernière avec Oradour sur Glane !!
Les partisans du « mariage pour tous » devraient se poser la question, et essayer d'y répondre : pourquoi le mariage de personnes de même sexe, qui peut paraître banal, qui est approuvé par une large majorité des Français, d'après les sondages, pourquoi ce qui ne devrait être que la suite du Pacs, admis maintenant par tous, entraîne des résistances aussi extrêmes. Est-ce seulement le « catholicisme zombie » (Emmanuel Todd) ?
Il est nécessaire de mieux comprendre pour convaincre.
Dans la droite, il y a des partisans déclarés, rares, du mariage, il y a de vrais opposants mais aussi des opportunistes comme Copé à la tête des manifestants pour ne pas se couper de l'extrême droite et de la droite extrême ; Copé qui déclare, après avoir manifesté, que, personnellement, il n'est pas opposé au « mariage pour tous » pour ne pas se couper du centre.
C'est là qu'on voit le dangereux monde politique binaire. Ici comme pour le droit de vote des résidents étrangers, il est contre parce que les autres sont pour. D'où l'incapacité à conduire des réformes bipartisanes auxquelles la majorité des Français sont favorables.
Restent les liens de cette extrême droite violente avec les partis de droite.
L'extrême droite est une part de la droite. Comme l'extrême gauche est une part de la gauche. Nombreux sont ceux qui ont fait le coup de poing d'un coté ou de l'autre dans leur jeunesse et qui ont rejoint le centre droit ou gauche, c'est selon.
Mais le lien entre extrême droite et droite n'est pas seulement histoire individuelle. De plus en plus, les frontières sont floues. A l'UMP, il y a ceux qui disent la même chose que le FN pour séduire ses électeurs et ceux qui disent la même chose pour faire l'union. Au FN, il y a ceux qui ont abandonné, plus ou moins sincèrement, l'extrémisme – la dédiabolisation – pour arriver au pouvoir avec l'accord de la droite. Tout en maintenant des liens avec l'extrême droite violente.
Cette dédiabolisation, apparente ou réelle, libère un espace encore plus à droite pour les groupuscules violents. Qui n'attendent que les circonstances favorables pour réapparaître. La « manifestations pour tous » a été cette occasion.
Il y en aura d'autres.
L'interdiction des groupuscules d'extrême droite est peut-être nécessaire. Elle ne suffira pas à régler la question s'il n'y a pas une bataille politique.
Pas seulement contre l'extrême droite. Car le passage de la loi à l'Assemblée nationale a été l'occasion, au delà de divers actes de violence contre le homosexuels, de dérapages verbaux inacceptables par la droite, « modérée ? ».
Pas seulement en France. Car l'échec de la même politique conduite par les gouvernements de gauche et de droite en Europe, entraîne dans de nombreux pays, faute de solutions de rechange identifiables, la montée des populismes, des replis identitaires.
Beaucoup pensent les batailles impossibles au niveau économique et social et le trop plein de désespoir, de colère, se concentre sur les questions de société.
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