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La nouvelle réaction nobiliaire : l’eurolibéralisme contre l’Etat

A l’évidence, le temps des Etats est arrivé.
Face aux dérèglements majeurs d’un système financier ayant prospéré sur l’abaissement historique des frontières, la puissance publique a retrouvé une puissante raison d’être, qu’une idéologie dominante lui avait déniée pendant des décennies.
Seuls les Etats, ces acteurs appuyés sur une société, une nation, une volonté commune, sont en mesure d’intervenir avec la force d’action et la légitimité suffisantes. La coopération entre les nations est indispensable, mais elle ne peut se passer par définition des nations et des Etats, cadres d’expression de la démocratie.
Les grandes menaces de ce siècle, parmi lesquelles les pandémies, sont un autre motif de la nécessité d’acteurs étatiques solides, qu’en Europe il faudra largement reconstruire après trois décennies de fuite en avant ultralibérale et libre-échangiste.
Bref, les multiples crises que nous vivons nous montrent que nous avions un peu vite oublié la nation, et son bras armé l’Etat.

Et pourtant ! Dans un silence médiatique presque complet, l’Etat en France continue d’être méthodiquement affaibli. Dans certains secteurs, il est même massacré.

Dans le cadre de la
RGPP (révision générale des politiques publiques), on continue de réduire comme peau de chagrin l’appareil d’Etat, ses administrations et les services qu’il rend aux citoyens.
L’armée par exemple a décidé d’externaliser la réparation de ses matériels à des sociétés privées, sans s’interroger sur les éventuelles conséquences d’une défaillance de ces acteurs en période de conflits.

Autre illustration, les services publics, qu’on continue d’offrir aux marchés et de déréguler, avec pour résultat une qualité de service déjà dégradée.
Ainsi pendant la grande tempête qui a balayé le sud-ouest du pays en janvier dernier, EDF s’est d’abord préoccupé de reconnecter son réseau vers l’Espagne, pour sauver son marché, plutôt que de rétablir le courant chez les particuliers. Ces réflexes guidés par le souci du profit n’existaient pas lors des grandes tempêtes de 1999, ce qui avait permis à EDF d’être à l’époque beaucoup plus efficace.
De même, sous contrainte européenne, le marché du courrier sera totalement ouvert le 1er janvier 2011. En Espagne, où c’est le cas depuis 2007, la Poste locale, Correos, ne distribue plus leur courrier depuis cette date aux habitations situées à plus de 250 mètres d’une voie principale.
Voilà ce qui nous attend probablement.

Même dans ce qui constitue une des politiques prétendument prioritaires, la sécurité, l’Etat est méthodiquement démoli.
Dès cette année, police comme gendarmerie voient leurs effectifs fondre plus vite que la neige au soleil. La police nationale à elle-seule aura perdu 4700 hommes d’ici deux ans, alors que la fusion de la gendarmerie avec la police, et la perte à terme du statut militaire, sera irrémédiablement lancée quand le ministère de l’Intérieur aura repris sous son autorité les deux forces de sécurité (comme le prévoit une loi qui sera votée le mois prochain).
La France s’inscrira alors dans l’évolution qu’ont connu la quasi totalité de ses voisins européens, où la gendarmerie a disparu, où les forces de sécurité sont moins nombreuses qu’avant, notamment en zone rurale.

Ne revenons même pas sur l’éducation nationale, l’hôpital ou la justice, sacrifiés sur l’autel de la "RGPP".

D’aucuns murmurent qu’on serait même déjà en train de nous concocter une "RGPP2", prudemment conservée au placard pour le moment, qui prévoirait entre autres joyeusetés la disparition du ministère de l’Agriculture, explosé entre les finances, la santé et le développement durable. A suivre...

Certains nous diront qu’il s’agit de rationaliser un appareil d’Etat qui en a bien besoin, ce qui se traduira in fine par un meilleur service rendu aux citoyens.
C’est effectivement le discours officiel.

En réalité, si des évolutions sont bien sûr nécessaires, l’objectif de cette réforme n’est en aucun cas celui-là. Il s’agit exclusivement de réduire le nombre de fonctionnaires d’Etat et de diminuer les dépenses d’intervention et d’investissement d’un Etat tout occupé à renflouer les banquiers.

Il s’agit dans le même temps de s’inscrire dans une idéologie très vivace à Bruxelles, où l’on considère les Etats-Nations comme les seules structures à même de s’opposer au libéralisme mondialisé, que l’Europe relaie et amplifie sur le continent. A travers ses Traités, ses directives, ses réglements et ses rapports, l’Union européenne pousse indéniablement à l’affaiblissement des Etats, mouvement malicieusement baptisé "réforme de l’Etat".

La RGPP n’est que l’application en France de cette doctrine, mise en musique par l’UMP aujourd’hui, mais que le PS ou le Modem soutiennent dans ses grandes lignes et qu’ils ont déjà eu l’occasion d’appliquer dans le passé (souvenons-nous de Lionel Jospin et Jacques Chirac qui signèrent ensemble à Barcelone en mars 2002 la libéralisation de l’électricité et le démantèlement de ce service public).

Cela explique pourquoi c’est toujours sur le dos de l’Etat que les économies sont recherchées, alors qu’on ne s’interroge jamais sur le coût exorbitant de l’Europe (chaque année, la France verse 3 milliards d’euros de plus que la totalité des sommes qu’elle reçoit de Bruxelles. Ce chiffre passera à 7 milliards par an dès 2013), ou le coût de la décentralisation, sans parler des économies structurelles phénoménales que nous apporterait une sortie progressive du libre-échange généralisé, qui met sous pression l’ensemble de nos entreprises et provoque délocalisations et chômage.

Les agents de la fonction publique et des services publics, qui souffrent déjà du délittement du sens de l’Etat au plus haut sommet de la hiérarchie, subissent de plein fouet cette politique qui va à contre-sens de l’évolution du monde.

C’est, l’esprit libre, vers la nation qu’ils doivent se tourner pour sortir de cette impasse. Les forces européistes qui longtemps ont su capter leurs voix les ont trahis, comme elles ont trahi l’ensemble des Français conscients de l’importance d’un Etat fort, stratège, moderne, et de services publics efficaces.

Ils doivent réaliser que toute "avancée" sur la voie de l’Europe de Bruxelles est un recul du bon sens, un enfermement dans l’idéologie et les dogmes, de façon peut-être plus brutale encore maintenant que les tenants de ce Système se sentent acculés.

Face à cette nouvelle réaction nobiliaire euro-libérale, qui fait écho au sursaut conservateur exercé par la noblesse pour défendre ses acquis à la veille de la Révolution française, c’est aux citoyens de réagir, librement, efficacement, mais réellement, loin du prêt-à-penser médiatique et de la résignation.
Avec, sur la ligne de front, les agents du public.
 
Le Vrai Débat

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3 réactions à cet article    


  • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 4 mai 2009 19:51

    Il serait intéressant que l’auteur définisse l’« Etat ». Qui est-ce ? Quelles sont ses ressources, d’où viennent-elles ? Qui le dirige ?

    Il est fait allusion à la Révolution Française : Celle-ci a combattu contre l’Etat et les privilèges éhontés de ses agents (les fermiers généraux, et la noblesse), et a voulu protéger l’individu contre les atteintes par l’Etat à la liberté et à la propriété. Il suffit de relire la constitution de 1789.

    Actuellement 52% du PIB est absorbé par l’Etat, qui peut ensuite, au gré de son bon vouloir, le redistribuer aux uns et aux autres. Environ un tiers des PDG du CAC40 sont des haut-fonctionnaires. Ils sont controlés par leurs pairs, et se tiennent tous par la barbichette (regarder les conseil d’aministration de ces 40 entreprises !).

    Les actionnaires n’ont pas beaucoup de pouvoir et controlent mal les salaires exorbitants et les parachutes dorés que ces nouveaux seigneurs s’octroient.

    Votre exemple de l’armée est très illustrant : Vaut-il mieux vouloir tout faire soi-même (au risque de mal le faire, et surtout à un coût prohibitif), où vaut-il mieux s’adresser à des spécialistes qui peuvent faire progresser sans cesse leurs produits et leur savoir-faire, et qui, en cas de défaillance, sont interchangeables.

    Imaginez deux minutes de construire vous même votre voiture : Il vous faudrait deux mille ans  : la somme de connaissance et d’expérience nécessaire pour fabriquer un tel produit est colossale. Et je ne parle pas du coût : Pour mémoire, une 2CV, dans les années 50 coutait environ deux ans de salaires minimum. Aujourd’hui, pour une voiture équivalente il faut compter environ 8 mois de salaire minimum !

    Réduire le budget de l’Etat est une obligation, à la fois économique, sociale et morale.
    Morale, car la dette est telle que nous la reportons sur nos enfants et nos petits enfants, et vouloir fonctionner avec une dette permanente n’est jamais tenable : La crise actuelle en est le résultat.

    Sociale, car lorsque l’état capte plus de 40% du PIB, la croissance est inférieure à 3% ce qui mécaniquement crée du chômage ? Or, en France, la ponction de l’Etat est de 52%.

    Economique enfin, car lorsque l’Etat prend quelque part pour le distribuer ailleurs, il prend la où ça va bien (les entreprises performantes qui devraient pouvoir se développer et être les créateurs de richesses de demain) pour le distribuer là où ça va mal (les entreprises en pertes de vitesses, coutant plus que ce qu’elles ne rapportent, plus couteuses en énergies et plus polluantes).

    Un exemple frappant, France Telecom : Sans la libération du marché, nous serions encore avec un minitel, Numéris, des taxations téléphoniques prohibitives, une offre commerciale au raz des paquerettes.
    Depuis, les taxations téléphoniques ont été divisées par 4. Le « multiplay » est apparu (ADSL, téléphonie et TV spécialitée française créé par Free Telecom).

    Enfin, pour replacer le courant libéral dans l’histoire, la Renaissance est apparue avec l’émergence de l’individu. Avant, au Moyen-Age, seule comptait la collectivité. Avec Montaigne, puis les Lumières, les notions de liberté individuelle, de dignité propre à chaque personne sont apparues, et c’est le début de la philosophie libérale : Chaque individu est libre, égal en droit, et responsable individuellement de ses actes.

    C’est cela qui a permis de remettre en cause l’Etat omniprésent représenté par la noblesse.
    Aujourd’hui, cette noblesse est remplacé par les petits barons locaux, nos élus (et ré-élus) des Conseil Généraux et Régionaux, et par les nouveaux Fermiers Généraux : les Enarques.

    Heureusement que l’Europe, s’appuyant sur la réussite de certains gouvernements libéraux, nous protège de nos démons qui nous font, au moindre courant d’air, nous réfugier dans les jupes d’une République ogresse.


    • paul 5 mai 2009 09:14

      @ « je suis un homme libre » (=chacun pour soi)
      réaction très sarkozienne ,avec détournement de faits historiques -la révolution de 1789- et
      inversion des valeurs défendues au profit de l’idéologie ultra libérale dont nous commençons
      à voir les ravages :« le PIB capté, ou aussi ,absorbé par l’Etat » .L’Etat prédateur contre l’individu,
      la caste des fonctionnaires, réduire le budget de l’Etat, ect.....
      Que l’auteur se rassure, avec Sarkozy aux manettes qui désarticule tous nos services publics ,
      nous rentrons docilement dans cette Europe du moins disant .


      • EXPAT456 14 mai 2009 14:10

        @ l’auteur,
        l’article commencait bien ... et je me suis dit que j’allais trouver une position commune avec vous sur le besoin de redonner a l’etat une vrai place perdue ces dernieres decennies du fait de la deregulation excessive.
        Puis vous avez deraille, melangeant gouvernance politique et etatisation !
        Vous avez donc perdu en credibilite sur un sujet qui merite beaucoup moins d’ideologie, mais plus de pragmatisme.
        Plus de poids politique des etats pour les decisions avec moins de charge publique, voila qui serait un bon compromis !

        http://liberalisme.equitable.over-blog.com/

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