La paix israélienne
Le Proche-Orient est en plein remaniement sans intervention directe des grandes puissances extérieures.
Si l’ONU a eu un rôle important dans la région, notamment au moment de la création de l’État d’Israël, ses multiples résolutions concernant la Palestine n’ont pas servi à grand-chose et surtout pas à l’évolution vers une situation stable de la région et une solution du conflit israélo-palestinien.
Les États-Unis ont réalisé près de 400 interventions militaires à l'étranger entre 1776 et 2023, soit en moyenne 2 par an. Dont celles particulièrement importantes pour l’Europe et la France, lors des deux guerres mondiales.
Et plusieurs au Proche-Orient, avec ou sans mandat de l’ONU, pour exporter la démocratie avec un succès très relatif.
Désormais, la méthode diplomatique semble privilégiée : Alliance entre Israël et les pays sunnites avec les Accords d'Abraham signés à Washington. Les Émirats arabes unis, le Bahreïn ont normalisé leur relations avec Israël, suivis par le Maroc et le Soudan, après l'Égypte en 1979, la Jordanie en 1994.
Réévaluation de l’efficacité militaire ? Changement de tactique ?
Les États-Unis soutiennent toujours Israël, diplomatiquement, par votes et vétos à l’ONU, militairement, fourniture d’armes et conseils de modération.
Mais le président Donald Trump (2017-2021) peut affirmer être le premier président depuis des lustres à ne pas avoir engagé les États-Unis dans de nouvelles campagnes. Malgré une crise importante avec l’Iran en 2018 et le retrait des États-Unis de l'Accord sur le nucléaire iranien et des sanctions.
Le soutien inconditionnel des États-Unis permet à Israël de remanier la carte de la région pour progresser, par tous les moyens, vers un Grand Israël débarrassé des encombrants Palestiniens.
Ce soutien ne faiblit pas pendant la punition infligée à la population de Gaza suite au massacre du 7 octobre par le Hamas, mouvement de la résistance palestinienne, avec des moyens terroristes, de 1 139 morts dont 700 civils (62%) parmi lesquels 36 enfants (5%) (The Times of Israël) et 251 otages dont 105 ont été échangés contre 240 prisonniers palestiniens.
L’État d’Israël invoque son droit à l’autodéfense, reconnu par les États-Unis et la France, et use de méthodes qui ne sont pas qualifiées de terrorisme mais de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre ou de génocide.
Selon un rapport de l'ONU, à Gaza, plus de 45 000 morts dont près de 70% de femmes et d’enfants en quatorze mois. Plusieurs centaines de milliers de personnes ballottées, destruction de logements, de centres de santé et d’hôpitaux, d’établissements solaires, d’infrastructures, obstacles aux secours médicaux et alimentaires… (1)
Après Gaza, Israël intervient au Liban contre le Hezbollah avec les mêmes effets collatéraux : 2583 morts, 7444 blessés et 1 400 000 réfugiés entre le 23 septembre et le 13 novembre 2024. Avec toujours le jeu double des États-Unis, discrète pression en faveur d’un cessez-le-feu et fourniture d’armes à Israël pour la poursuite de ses actions.
Après ces deux interventions, reversement bienvenu du régime syrien, d’abord pour les Syriens, par une force armée d’islamistes en voie de réhabilitation, soutenue par la Turquie qui en profite pour frapper les Kurdes et Israël pour étendre son emprise sur le Golan et effectuer des centaines de frappes aériennes, violations du droit international, mais justifiées aux yeux d’Israël par une menace potentielle.
Avec ses lointains alliés houthistes du Yémen, plus dangereux pour le commerce international que pour Israël, l’Iran est aussi une menace potentielle et imminente par sa volonté de se doter d’une force nucléaire.
Comment s’en débarrasser ?
Le régime iranien est contesté par une sérieuse opposition intérieure dont Femme, Vie, Liberté est le signe le plus visible mais non le seul.
Des sanctions renforcées par le nouveau président des États-Unis suffiront-elles à faire chuter le régime ? Par une révolution de palais ? Un mouvement démocratique ? Avec un nouvel accord sur le nucléaire ? Ou d’autres moyens : bombardements, sabotage des installations nucléaires ?
Les services ne doivent pas chômer.
Si les États-Unis n’interviennent pas directement, ils restent les maîtres du jeu : la seule grande puissance active actuellement sur le terrain.
La Chine, avec l’accord de 2023 entre l’Iran et l’Arabie Saoudite rétablissant leurs relations diplomatiques, rompues depuis 2016, rappelle son intérêt pour la région.
Face aux accords d’Abraham ?
Pour l’instant, ses préoccupations sont plus importantes ailleurs (Taïwan...).
La Russie a soutenu politiquement, diplomatiquement, militairement, la Syrie et les Assad, père et fils. Les sanctions économiques, la guerre en Ukraine ont affaibli Poutine et entraîné un repli sur la Libye, signe avant-coureur du lâchage avec un service minimum, l’asile pour le dictateur et les siens…
Les soucis principaux de la Russie sont dans son environnement immédiat.
L’Europe, si elle existait comme puissance, ne pourrait se désintéresser de cette région proche et si riche en pétrole et en… migrants potentiels !
Pour le moment, la Turquie, soutien du groupe islamiste au pouvoir, espère faciliter le retour des réfugiés syriens et s’allier avec la Syrie contre les minorités, Kurdes entre autres, et jouer de son influence sur la Syrie reconstruite.
Avant que celle-ci ne reprenne un rôle central.
En attendant, Israël s’établit un peu plus sur le plateau du Golan, syrien juridiquement mais administré par Israël depuis la guerre des Six Jours. En décembre 1981, Israël a annexé environ 1 200 km² où vivent 30 000 colons israéliens aux côtés de 23 000 Druzes avec le statut de résidents en Israël.
Israël, bien soutenu, semble avoir les moyens de gagner la guerre et de se concilier les différents États de la région.
Sur le dos des peuples kurde et palestinien et des minorités religieuses dans les différents États ?
Paix israélienne entre États aux dépens des peuples ?
La Syrie normalisée en attendant l’Iran, le Hamas, le Hezbollah vaincus ou décimés. Quel avenir pour la Palestine ? Pour quelle Palestine ? Avec quels Palestiniens ?
Quels représentants ? L’Autorité palestinienne rétablie ?
Pour le moment, seule vision claire, celle de l’extrême droite religieuse, entraînant la démocratie israélienne.
La tripartition de la Palestine était difficilement gérable avec Jérusalem-Est, la Cisjordanie et Gaza sans continuité territoriale. Elle l’est encore moins aujourd’hui :
- démantèlement de la Cisjordanie entrepris avec l’installation continue de colonies protégées et soutenues par l’armée israélienne ;
- destruction organisée de toutes les structures, politiques, administratives, économiques, sociales ;
- mise sous tutelle de ces pièces détachées ?
Avec une administration sous contrôle israélien ?Indépendante ? Protectorat ? Bantoustan ?
C’est, de plus en plus, la vision messianique d’Israël qui s’impose, militairement en Cisjordanie, à Gaza, et à l’intérieur d’Israël, institutionnellement.
Dans un État avec une population diversifiée de Juifs, d’Arabes (21 % dont 85,6 % sont musulmans, 7,4 % druzes et 6,9 % chrétiens), la nouvelle législation affiche une volonté claire et déterminée.
- Une loi fondamentale d'Israël, à caractère constitutionnel, définit Israël comme l’État-nation du peuple juif .
- Le droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est exclusif au peuple juif .
- La capitale d’Israël est Jérusalem entière et unifiée. Les différents pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire et administratif y sont regroupés.
- La langue nationale est l'hébreu, la langue arabe bénéficie d'un statut spécial au sein de l'État. Déclassement de l’arabe, jusque là langue nationale, deuxième langue de l'État. L'hébreu, encouragée au titre de valeur nationale au développement de communautés juives, seule langue d’État.
- L’État voit le développement de l'implantation juive comme une valeur nationale, encouragera et promouvra son développement et sa consolidation.
Des différences importantes existent avec la Déclaration d'indépendance du 14 mai 1948 qui précisait que l'État d'Israël assurerait une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ainsi que la pleine liberté de conscience, de culte, d'éducation et de culture.
Dans The New York Times, le président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder publie une tribune où il déclare que la loi porte atteinte au sentiment d’égalité et d’appartenance des Druzes, des chrétiens et des musulmans citoyens d’Israël.
Israël et les États-Unis bénéficient d’une conjoncture internationale favorable. Les Palestiniens sortiront fortement affaiblis du conflit. Chassés de leurs terres, de leur logement en Cisjordanie. Poussés au départ, à l’exil. Regroupés dans des camps.
Pour Israël, est-ce la solution ? La paix définitive ? Ou, une fois de plus, la paix entre deux guerres ? Dans 5 ans, dans 10 ans, dans 20 ans ?
Organisation, militants du Hamas ne sont pas tombés du ciel.
Ne pas oublier la phrase d’André Malraux ; On fait de bons terroristes avec les fils des suppliciés.
1 - Il ne faut pas sous-estimer les efforts humanitaires de certains États occidentaux pour aider les Gazaouis.
Tout le monde a en mémoire le ponton flottant mis en place par les États-Unis sur la côte de Gaza et rapidement démantelé pour des raisons techniques.
Ou les parachutages de secours par différents pays dont la France : La situation humanitaire reste critique à Gaza. Dans un contexte difficile, la France et la Jordanie ont livré par les airs de l'aide à la population et à ceux qui lui portent secours a fait savoir Emmanuel Macron sur X le 5 janvier 2024
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON