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Accueil du site > Tribune Libre > La parabole d’Augustin : conte moral des temps modernes

La parabole d’Augustin : conte moral des temps modernes

Dans un article publié en 1999 dans le NY Times, le philosophe Peter Singer proposait sa « solution au problème de la pauvreté dans le monde ». Une reprise.

Augustin est un citoyen heureux. Après une vie de labeur, il a décidé d’investir toutes ses économies dans une Bugatti de collection. Après cet achat, il vivra chichement. Mais que lui importe, une belle retraite s’annonce !
Alors qu’il s’arrête devant une voie de chemin de fer, Augustin se retrouve frappé par le sort. Il aperçoit un enfant inconnu dont le pied est coincé entre les rails. Alors qu’une locomotive pointe à l’horizon, Augustin doit agir vite : s’il précipite sa précieuse Bugatti sur les voies, il pourra sauver l’enfant en faisant dérailler la locomotive. S’il ne fait rien, l’enfant mourra. Que faire ?

Il y a fort à parier que la majorité d’entre vous, chers lecteurs, choisiraient de précipiter la Bugatti sur les voies. L’intérêt de la parabole d’Augustin, aussi exceptionnelle que puisse paraître son histoire, est en fait d‘interroger nos choix moraux quotidiens. Car en transformant quelques traits de l’histoire, la situation d’Augustin est clairement la nôtre. Les causes de la terrible mortalité enfantine sont connues et des efforts simples et ciblés pourraient déplacer des montagnes (eau potable, malnutrition, accès à des vaccins). A notre manière, via un simple don, nous pouvons mettre notre Bugatti sur les voies (une partie de notre « luxe ») et sauver des vies.

Nombre d’entre vous tenteront de réfuter cette conclusion en invoquant principalement trois arguments. Premièrement, l’efficacité des dons peut être remise en cause. Je concède volontiers pertes et gaspillages. Cela n’empêche pas qu’une aide substantielle pourrait être délivrée avec la somme restante. De plus, l’incertitude quant aux résultats ne nous libère pas du devoir moral d’entreprendre une action sous-optimale. En admettant que le sacrifice de la Bugatti ne parvienne pas à tous les coups à sauver l’enfant, Augustin serait-il libéré de son devoir de tenter ce coup de poker ?
Deuxièmement, il est clair que les dons – tout comme le sacrifice d’Augustin – ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. En ce sens, ils sont à concevoir en parallèle d’autres actions agissant sur les structures qui conditionnent une pauvreté endémique (par ex. lutte contre la corruption).
Troisièmement, l’histoire d’Augustin semble exiger de nous une sorte de perfection morale : tant que des enfants meurent sans raison, nous devons agir, quitte à ne garder que le minimum pour vivre décemment. Il n’est toutefois pas besoin de pousser l’argument jusqu’à ses extrêmes. Nous sommes tous dans la situation d’Augustin et, à défaut d’une Bugatti, nous avons tous les moyens de donner une part négligeable de notre fortune. Qu’attendons-nous ?

Pour réagir, www.chroniques.ch
Johan Rochel

 

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26 réactions à cet article    


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 20 janvier 2010 09:56

    Dans un article publié en 1999 dans le NY Times, le philosophe Peter Singer proposait sa « solution au problème de la pauvreté dans le monde ».

    Quelle était sa « solution au problème de la pauvreté dans le monde » ?


    • jrochel 20 janvier 2010 09:59

      Cher Monsieur,

      Voici le lien vers l’article de Singer : http://www.utilitarian.net/singer/by/19990905.htm

      Sur la base d’un argument similaire à celui présenté dans la « parabole d’Augustin », Peter Singer appelle chacun à se délester de 200$ en faveur d’une ONG sérieuse travaillant à soulager la pauvreté la plus crasse. Selon lui, c’est l’organisation OXFAM qui répond le mieux à cette exigence.

      Le coeur de mon article se trouvent plutôt être l’intuition morale et l’argumentaire simple et efficace qui l’accompagne.


      • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 20 janvier 2010 10:08

        jrochel (xxx.xxx.xxx.119) 20 janvier 09:59

        « se délester de 200$ en faveur d’une ONG sérieuse travaillant à soulager la pauvreté »

        Ah bon ! Il s’agit juste de donner plus d’argent pour l’aide au développement ! J’ai craitnt qu’il s’agisse d’une idée nouvelle !

        Et si l’on commençait par utliser de manière rationnelle les 50 à 60 milliards d’Euros payés, annuellement, par les pays développés au titre de l’Aide Publique au Développement (économique ?) ?...


      • Shaytan666 Shaytan666 20 janvier 2010 10:31

        Mais BDM quand allez vous comprendre qu’Agoravox est ici un média francophone et que tout le monde ne comprend pas parfaitement l’anglais. C’est une impolitesse que de s’adresser à ses correspondants dans une langue qu’ils ne pratiquent pas  smiley


      • Arafel Arafel 21 janvier 2010 01:49

        Il va surtout devenir conseiller régional à + de 2500 euros par moi.
        Et vous parlez de soupe....


      • jrochel 20 janvier 2010 10:20

        Chers messieurs,

        Il est intéressant de constater que vous utilisez un mélange des arguments 1 et 2 évoqués dans mon article.

        La question se pose toutefois : cela nous libère-t-il d’une obligation morale de soulager les souffrances les plus crasses et les plus immédiates (mortalité enfantine par ex.) ?
        Nous connaissons les données du problème et avons les moyens d’agir. Alors, faut-il mettre la Bugatti sur les voies ?


        • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 20 janvier 2010 10:29

           jrochel (xxx.xxx.xxx.119) 20 janvier 10:20

          « Alors, faut-il mettre la Bugatti sur les voies ? »

          Non ! C’est le train de l’Aide Publique au Développement qu’il faut enfin mettre sur les rails, sur la bonne voie ! ! !


        • jrochel 20 janvier 2010 10:34

          Afin de ne pas frustrer les francophones (je suis Suisse et habitué au plurilinguisme smiley, voici le lien vers un article de Singer datant des années 70, qui reprend exactement la même structure argumentative : http://www.utilitarianism.com/peter-singer/index.html

          Bonne découverte


          • Emile Red Emile Red 20 janvier 2010 11:23

            Donc, il faut lacher 200 $ / personne pour que moralement chacun se sente satisfait.
            Qu’à cela ne tienne, versons, versons...et Bill Gates 200 $ aussi ?

            Véritable marché de dupe, la charité individuelle n’est pas morale, c’est le commerce de l’apitoiement, et comme tout commerce...

            C’est aux états de prendre en charge la misère, d’une part la répartition, via l’impôt, est ainsi proportionnelle aux revenus de chacun et d’autre part cela préserve l’anonymat et personne ne peut marchandiser l’image caritative.


            • Grasyop 21 janvier 2010 22:35

              Tout à fait Actias, on a l’habitude de cracher sur Bill Gates à cause du monopole et des défauts de Windows, mais Gates a choisi de consacrer sa fortune à l’éducation et à la santé dans le monde. Il a déjà donné plus du tiers de sa fortune, soit 28 milliards de dollars, et il a affirmé qu’à sa mort il en lèguerait 95 % à sa fondation. J’aimerais bien que tous les milliardaires en fassent autant !

              Comme je disais sur un autre site :

              Bill Gates, c’est Robin des bois : il vole aux riches pour donner aux pauvres !

              (La vente liée c’est du vol, mais quand on a les moyens de se payer un ordi, c’est qu’on est plus riche que l’Éthiopien moyen.)


            • docdory docdory 20 janvier 2010 14:07

              @ Jrochel


              Cette histoire de Bugatti n’a aucun sens :
              Si Augustin met la Bugatti sur la voie , une faible partie de l’énergie cinétique du train sera utilisée pour pulvériser la Bugatti . Le reste de l’énergie cinétique propulsera quand même le train sur l’enfant coincé. 
              Par ailleurs , à supposer que le train déraille grâce à l’action d’Augustin , ce qui n’est nullement garanti, il y a de fortes chances pour que sa trajectoire globale soit peu modifiée et qu’il écrase le gamin quand même.
              De plus , à supposer que Augustin réussisse à mettre sa Bugatti sur les rails, et que le train, déraillant , évite le gamin, il y a de fortes chances que Augustin périsse dans sa voiture en lieu et place de l’enfant. Par ailleurs , l’impact avec la Bugatti peut facilement tuer le chauffeur du train, et enfin , un déraillement à grande vitesse peut créer plus de victimes dans le train : à quoi bon sauver un enfant si c’est pour faire mourir 30 personnes dans un train déraillé ?

              • Triodus Triodus 20 janvier 2010 14:42

                Bah.. c’était jour de grève à la SNCF..


              • jrochel 20 janvier 2010 14:10

                Je crois que le sens de cette parabole vous a échappé. Relisez l’histoire de manière moins terre à terre (imaginer une locomotive folle lancée à toute vitesse, sans chauffeur).


                • docdory docdory 20 janvier 2010 14:35

                  @Jrochel


                  Alors on va dire que mon commentaire est aussi une parabole . Le « bien » et le « mal » sont inextricablement liés. Les progrès de la médecine, par exemple, ont permis de faire chuter considérablement la mortalité dans les pays sous développés , ce qui est un « bien ». Malheureusement , le déséquilibre démographique qui en est résulté ( grand excédent des naissances sur les décès ) , a entraîné le dramatique accroissement de la population mondiale : 3 milliards il y a 50 ans, 6, 8 milliards maintenant . Ce déséquilibre est un « mal », conséquence directe du « bien » sus-mentionné.
                  Toute nouvelle augmentation de la population sur Terre sera une augmentation de la population en état de famine ( 1 milliard de personnes sur Terre ne mangent pas à leur faim , si nous sommes dans 15 ans 1 milliard de plus , cela fera 2 milliards de mal nourris au total, la Terre ne pouvant plus guère augmenter sa production agricole ). 
                  Donc, toute action pour améliorer le sort des pays sous-développés n’a aucun sens si elle n’est précédée d’une distribution gratuite de contraceptifs en quantité suffisante pour que le taux de natalité des populations miséreuse n’excède plus son taux de mortalité. Faute de quoi, c’est la planète entière qui mourra de faim ...



                • lord_volde lord_volde 20 janvier 2010 14:41

                  Le Docteur Docdory é été réquisitionné par le ministère de la défense pour cracher ses exsudats sur les minorités et les victimes systématiques des tenants du chaos et du grand bazar guignolesque. 


                • docdory docdory 20 janvier 2010 16:49

                  @ Actias 

                  Certes, c’est pourquoi il faut faire les deux simultanément .

                • docdory docdory 20 janvier 2010 17:10

                  @ Lorde Volde 


                  Décidément , ça ne s’arrange pas , la clarté de vos commentaires ....

                • Grasyop 21 janvier 2010 23:32

                  Question démographie, faudrait commencer par arrêter les politiques natalistes : incitations financières et messages du genre « faites des gosses, c’est nécessaire pour l’économie et pour financer vos retraites » et les « Bonne nouvelle : la France a le plus haut taux de fécondité en Europe ».


                • Grasyop 21 janvier 2010 23:45

                  « on ne peut justifier l’inaction morale sous pretexte qu’un bien risquerait d’engendrer des conséquences néfastes a plus long terme. »

                  Là, je ne suis plus d’accord avec lui. Si on est sûr qu’une action bonne à court terme entraîne de mauvaises conséquences à long terme, il faut faire le bilan des deux et si les conséquences mauvaises sont plus importantes que les bonnes, il vaut mieux ne pas faire l’action.

                  Mais en pratique, le gros problème est dans « si on est sûr ». Peut-être qu’entre temps on trouvera des solutions pour éviter les mauvaises conséquences à long terme...


                • Geneste 20 janvier 2010 15:17

                  La France donne environ et constamment depuis des décennies environ 10 milliards d’euros à l’Afrique, avec nos impôts... De quoi avoir largement effectué les travaux permettant de fournir l’eau, par exemple, à tout le monde. Alors, tant l’aide des états que des ONG...

                  Si je dois donner, je préfère donner à ceux qui sont à côté de chez moi. Au moins je sais qui en profitera. Et même s’ils ont déjà l’eau, peut-être auront-il quelque chose de meilleur dans l’assiette, ou etc.

                  Il y a assez de pauvres en France, sans aller s’occuper des autres. L’histoire de la poutre et de la paille en clair.


                  • docdory docdory 20 janvier 2010 17:43

                    @ Geneste


                    Je pense que la France, et les autres pays européens , donnent indirectement bien plus que 10 milliards par an aux pays sous développés : en effet , les règles de l’OMC et de l’UE , en réduisant considérablement les droits de douanes , font que l’industrie des pays européens est directement en concurrence avec des pays dans lesquels la main d’oeuvre est 10 fois moins chère , d’où des délocalisations incessantes , du chômage dont les indemnités sont financées par les cotisants , une baisse des salaires, des vacances , des retraites etc ...
                    La mondialisation aboutit inexorablement à faire acquérir au monde entier le niveau de vie du tiers monde, cela permet à des pays débrouillards comme la Chine ou l’Inde de se développer. Lorsque , par le principe des vases communicants , les salaires français seront arrivés au niveau des salaires indiens ou chinois ( ça devrait être le cas dans une dizaine ou une quinzaine d’années ) , il y aura reflux progressif du chômage, mais d’ici là , le peuple français vivra dans des conditions semblables à celles qui existent en Inde ou en Chine actuellement, cela semble une évolution inéluctable ( à moins de rétablir le protectionnisme à l’échelle européenne ) ... 

                  • Geneste 20 janvier 2010 20:36

                    @docdory

                    Entièrement d’accord avec vous.


                  • Grasyop 21 janvier 2010 23:59

                    Docdory,

                    L’ouverture des marchés est tellement un cadeau que les pays riches font, dans leur grande générosité, pour aider les pays pauvres, qu’on est obligé de les menacer en conditionnant l’aide qu’on leur donne (via le FMI ou la Banque mondiale) parce qu’ils ne veulent pas ouvrir leurs marchés.


                  • Grasyop 22 janvier 2010 00:06

                    Geneste,

                    Si l’aide de la France a tendance à se perdre dans la corruption des régimes peu démocratiques d’Afrique, est-ce seulement la faute des peuples soumis à ces régimes ?

                    N’est-ce pas aussi la responsabilité de la France, la notre en tant que contributeurs, de demander des comptes et de nous assurer que notre argent est bien utilisé ?


                  • Romain Desbois 20 janvier 2010 17:04

                    Peut-être que j’aurais pas acheté la bugatti et mis cette fortune a profit pour sauver des milliers de gosses du bout du monde !

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