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Accueil du site > Tribune Libre > La pensée universitaire exposée au rejet

La pensée universitaire exposée au rejet

"L'art contemporain exposé au rejet" de la sociologue Nathalie Heinich illustre les derniers soubresauts d'une pensée universitaire exempte de problématique claire, perclue de banalités et formulée dans un style incroyablement alambiqué. A l'évidence, nos universitaires n'ont plus grand chose à dire mais ils tiennent à le faire savoir.

Si vous pensez que nos professeurs d'université publient des livres pour toucher le grand public, détrompez-vous. Directrice de recherche au CNRS, Nathalie Heinich est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'art dont "La Gloire de Van Gogh", "Du peintre à l'artiste", "Être artiste", "Ce que l'art fait à la sociologie" ou encore "Le triple jeu de l'art contemporain". Des sujets a priori intéressants. Et pourtant... En dépit de réflexions pertinentes, "L'art contemporain exposé au rejet" illustre ce qu'une sociologie matinée d'anthropologie mal digérée peut produire de plus alambiqué pour dire des choses simples, sinon banales. Pour preuve, voici un exemple de quinze à vingt lignes où l'auteur pratique un soliloque à la lisière de la folie universitaire. Saurez-vous la suivre jusqu'au bout ? Nous vous invitons à faire le test. Prêt ?

Top départ de cet extrait de "L'art contemporain exposé au rejet" : "Cet argument de la pureté, central dans la discrimination entre art et non-art, se retrouve dans bien d'autres domaines : il constitue un registre à part entière (...) Aussi possède-t-il une grande plasticité, une capacité à se décliner sous des formes très différentes, renvoyant aussi bien à la protection qu'à l'intégrisme, à la rationalité, à la démarcation ou à la préservation : hygiénique (propre/sale, sain/ malsain), écologique (pollué/non pollué), défensive (protégé/exposé), xénophobe (autochtone/étranger), psychique (normal/fou), identitaire autonome/hétéronome, spécifique/non spécifique). Et en matière artistique, c'est lui qui permet d'attester l'authenticité : soit celle de l'auteur, en tant qu'il appartient vraiment à la catégorie dont il se prévaut ; soit celle de l'objet, en tant qu'il s'origine vraiment dans l'auteur qu'on lui attribue."

Vous êtes toujours là ? Alors continuons la lecture de Nathalie Heinich : "Dès lors qu'est contestée l'authenticité du geste artistique et, de ce fait, l'appartenance même de l'objet à la classe des oeuvres d'art, c'est non seulement le registre esthétique qui n'a plus cours, mais aussi l'exigence même d'évaluation : un objet disqualifié parce que prétendant à tort au statut d'oeuvre d'art sort de l'ordre des valeurs, des êtres assignables à une échelle de mérite. Et s'il y a conflit ou désaccord avec ceux pour qui l'objet en question serait bien une oeuvre d'art, alors l'argument portera non sur sa valeur, mais sur sa nature même : autrement dit non sur son statut axiologique, déterminé par une échelle de valeurs continue, mais sur son statut ontologique, déterminé par des cadres mentaux, des frontières discontinues entre ce qui doit, ou ne doit pas, être considéré comme de l'art."

Encore un effort, voici la ligne d'arrivée : "C'est sur ce type de frontières que travaillent nombre de propositions en art contemporain."

Ouf ! 15 lignes pour dire que le débat autour de l'art contemporain ne consiste pas tant à juger de la qualité des oeuvres qu'à se demander si c'est de l'art et ce qu'est l'art... De là à penser que l'universitaire cherche à cultiver son statut d'intellectuel en recourant à des tournures de phrases volontairement alambiquées, on peut le comprendre tout en le regrettant. Mais outre le fait que ce genre d'écriture décourage toute volonté d'apprendre ce qui est pour le moins paradoxal concernant un livre qui se propose de dénoncre l'hermtisme de l'art contemporain, on peut aussi se demander si ce choix n'est pas destiné à dissimuler l'absence d'idée forte et à occulter un certain vide de la pensée universitaire. Concernant Nathalie Heinich, il appartient évidemment à chacun de se forger sa propre opinion.

Franck Gintrand

A noter que Nathalie Heinich vient de publier De la visibilité et Maisons perdues. Elle est également l'auteur d'un Bêtisier du sociologue que nous n'avons pas lu. Impossible donc de dire si la sociologue est adepte de l'auto-critique et de l'auto-dérision...

 


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6 réactions à cet article    


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 7 juin 2013 17:49

     smiley De l’art ou du cochon ?
    Peut etre ce verbiage en est-il ,de l’art contemporain ?


    • ffi ffi 7 juin 2013 18:30

      Pour penser bien, parlons bref !


      • alinea Alinea 7 juin 2013 22:11

        J’ai remarqué ces dérives du langage depuis que l’université offre des centaines, pour ne pas dire plus, de ce qu’on appelait de mon temps « unités de valeur ». En fac, on n’enseigfne plus de science pure, mais la soupe de quelques rigolos qui dans les années quatre-vingt, ont proliféré ! Le pompon revient aux « sciences du langage » ; là, il faut s’accrocher !
        Bienvenue votre critique !


        • dom y loulou dom y loulou 8 juin 2013 12:39




          bienvenue au cercle des poètes disparus 

          • patrickk 8 juin 2013 12:51

            Dans les milieux universitaires français on vous juge plus sur la forme que sur le fond. Et si vous ne dites pas les choses en jargon vous etes mal vu.


            • Panthera Leo Panthera Leo 2 juillet 2013 13:57

              L’intellectuel, et surtout l’universitaire, a toujours été réputé pour verser dans le pédantisme, une façon de gargariser son intellect comme vous le dîtes « l’universitaire cherche à cultiver son statut d’intellectuel en recourant à des tournures de phrases volontairement alambiquées ».
              Mais le plus grave n’est pas là, le vocabulaire fumeux est une sorte de tradition dans le milieu universitaire, c’est presque une sorte d’habitus social, comme une sorte de signe distinctif tribal ! Ce qui peut être dommageable comme vous le faîtes remarquer puisque le vocabulaire pompeux et les phrase kantienne en découragent plus d’un, ce qui est largement compréhensible.
              Au delà du fait de ne pas être accessible, car l’universitaire ne se veut absolument pas accessible, le plus affligeant c’est de voir que l’universitaire pose des tautologies comme des réflexions construites, tourne en rond, envisage un problème sous un angle maintes fois exploité, et jette de la poudre aux yeux à ses semblables à grand renforts de termes scientifico-injustifés pour maquiller le tout en considérations dignes d’intérêt de la part de ladite communauté universitaire.

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