La plaisanterie de l’Euro qui protège
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH149/Moines-de-Tibhirine-b5dad.jpg)
Il y a peu de temps on nous disait : "l'Euro nous protège"
De quoi ? Etant donné le déclin économique, la montée du chômage, l'inflation et la perte du pouvoir d'achat qui en est résulté immédiatement.
Aujourd'hui cela devient : "Il faut sauver l'Euro". Sauver le sauveur en somme...
Une fois le sauveur sauvé, est-ce que nous serons nous-même sauvés ?
La réponse est évidemment non, puisque aucune des causes qui minent l'Euro ne sera traitée et que cela exige la mise en place de terribles plans d'austérité, qui entraineront : baisse du pouvoir d'achat, déclin économique, accentuation du chômage...
La seule conclusion possible à ce concours d'absurdités qui vaut bien un sketch de Raymond Devos, est que l'Euro ne nous protège pas du tout, au contraire.
L'idée de “la sortie de l'Euro” qui, il faut le souligner, a été d'abord émise par des intellectuels indépendants livrant leurs réflexions sur le Net, gagne maintenant peu à peu le discours d'économistes de tout horizon politique.
Au niveau politique justement, il me parait grave et dommageable que ce soient d'abord les partis politiques nationalistes qui se soient emparés de ce thème.
Mais ce n'est pas non plus un hasard. Parce que si l'on regarde les choses du point de vue de la France, la “sortie de l'Euro” et plus exactement la sortie du montage d'institutions non démocratiques et d'essence néo libérale qui usurpent le nom d' “Europe” est une obligation.
C'est aussi du fait que l'ensemble, maintenant très disparate, que l'on nomme “Gauche” est un vrai champ de ruines idéologiques et théoriques.
Les intellectuels qui faisaient vivre la pensée marxiste sont passés au second plan, sont tout simplement moins nombreux aussi et ont été marginalisés dans les organisations politiques où ils devraient naturellement trouver leur place. Une réflexion marxiste sur le rôle de la monnaie dans le capitalisme d'aujourd'hui, particulièrement dans ses mécanismes d'exploitation, serait pourtant fondamentale pour la définition de moyens de sortir de la crise profonde dans laquelle s'enfoncent les pays européens, -hors Allemagne pour un instant compté-.
En fait, pour pleinement comprendre le problème de l’Euro, il faut savoir d’abord que la monnaie est, dans le cadre du capitalisme d’aujourd’hui, l’élément majeur des mécanismes d’exploitation. Ce qui change beaucoup de l’analyse classique marxiste où la clase ouvrière était au centre de l’exploitation capitaliste, mais aussi de la machine à progrès (on peut discuter sur le type de progrès qui en résultait : productivisme..) matériel et économique. Outre le fait que la désindustrialisation liquide cette classe sociale, son rôle majeur est aussi remis en cause de cette manière. Les couches moyennes, - commerçants, artisans, fonctionnaires, enseignants, cadres.. -, sont maintenant des exploités pratiquement comme les autres, par l’intermédiaire des prêts bancaires auxquels ils doivent avoir recours de plus en plus et par l’essor des services qui développent inexorablement la précarité de l’emploi, notamment !
L'évocation même de la possibilité de “sortir de l'Euro” effarouche tous les économistes asservis et politiciens du système ultralibéral, y compris le PS, qui mettent en avant des conséquences dramatiques qui suivraient une telle mesure.
Pourtant un graphique simple qui émane de la Banque centrale européenne, donné par Jacques Sapir dans un texte d’analyse montre deux choses :
1) L’Euro est en fait un Mark allemand
2) Pour les autres pays européens l’Euro n’est absolument pas une monnaie adaptée, en dehors de ses autres effets néfastes. Il faut aussi considérer que l’Euro est lié au système de prêts sur les marchés, auxquels Etats et collectivités doivent avoir recours, qui aggravent grandement les difficultés financières, comme on le voit actuellement avec la Grèce mais aussi l’Italie, le Portugal et l’Espagne.
Les arguments des avocats de l’Euro ont parfois un aspect comique, dans la mesure où ils renvoient à toutes les promesses non tenues avancées au moment de la mise en place de l'Euro. Dans le genre, l'argument que le retour à un nouveau “Franc” augmenterait pour nous le coût du Pétrole, - parce que cette nouvelle monnaie subirait d'entrée une dévaluation de l'ordre de 25 à 30%, ce qui est exact-, est particulièrement risible dans la mesure où le prix du Baril de pétrole était d'environ 20 dollars à la création de l'Euro et qu'il est maintenant à 120 dollars avant de remonter vers le 150 dollars .. parce que la production de pétrole ne satisfait plus la consommation [ainsi les pays les plus consommateurs viennent d'être obligés de puiser dans leurs réserves pour stabiliser momentanément les prix du Brut]. Notre déficit commercial ne cesse d'enfler pour des raisons structurelles. Et ces causes profondes, la désindustrialisation par exemple, ne peuvent être remises en cause que par la sortie de l'Euro et de l'ultralibéralisme.
Tous les six mois, les économistes du système nous expliquent que la Grèce est sauvée après un plan qui comprend des mesures de régression sociale et d'atteinte au pouvoir d'achat [générant obligatoirement la récession économique] d'une ampleur jamais connue, ainsi que d'un véritable dépeçage du pays qui est à l'origine de notre civilisation européenne. Au bout du compte le défaut de paiement est inscrit dans les chiffres : 130 milliards d'euros à rembourser rapidement, pour un pays dont le PIB est de l'ordre de 170 milliards d'euros.
Il est donc particulièrement bienvenu qu'un économiste reconnu et clairement engagé à “Gauche“, Jacques Sapir, ait évoqué la “Sortie de l'Euro” dans un article récent.
Dans celui-ci il situe d'emblée les conditions nécessaires pour que des effets bénéfiques en soient tirés, citation :
“Il faut aussi comprendre qu'une sortie de l'Euro, si elle est nécessaire à la mise en place d'une politique de croissance et de développement économique et social, à elle seule ne réglerait rien. Il s'agit ici d'une mesure nécessaire mais non suffisante.
Cette nouvelle monnaie devrait alors être insérée dans des changements de politique macroéconomique et institutionnels (mesures protectionnistes, politique de réindustrialisation, dé-financiarisation partielle de l'économie française, mise en place d'un contrôle sur les revenus et les prix visant à orienter l'évolution du partage de la valeur ajoutée) si l'on veut qu'elle donne tous les effets attendus. Cette notion d'insertion est très souvent omise quand on pense à une « sortie » de l'Euro, alors que c'est elle qui donne sa possibilité et donc sa crédibilité à une telle option.”
Dans son article il envisage la possibilité de réorienter l'Euro, pour aboutir concrètement au fait que cela n'est pas possible dans le contexte des institutions européennes et de la grande hétérogénéité vis à vis de la situation de chacun des pays de la zone Euro.
Ce qui rend sa réflexion particulièrement intéressante est quelle inclut les grandes lignes des mesures immédiates et d'accompagnement à prendre dans le domaine économique et financier. Ainsi que la nécessité de tirer bénéfice, par un programme de mesures appropriées, - relance de l'Industrie et de l'Agriculture ..- de cette “sortie de l'Euro“.
Il évoque enfin les possibilités de mesures de rétorsion, pour monter que dans la pratique elles ne nous affecteraient pas beaucoup.
En fait, cette initiative aurait plutôt un effet d'entrainement pour des pays qui étouffent déjà sous l'Euro.
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