La police française : un facteur d’insécurité ?
Le questionnement sur la police française est devenu un tabou. Porter le débat sur ce sujet se termine facilement devant les tribunaux. Mais il est impossible d'entendre quotidiennement glapir "insécurité" sans se poser des questions sur la qualité de notre police.
Pourtant le problème de l'insécurité n'est pas le principal problème qui préoccupe l'opinion publique, en dehors des périodes d'exception crées par les actes terroristes.
N'en déplaise aux politiciens rusés qui tentent d'exploiter le filon de l'insécurité, les principaux problèmes de la population sont les salaires, la santé, l'environnement ...
Pour autant le thème de l'insécurité est dans le haut de la liste, ce qui signifie qu'il existe bien un problème.
Il faut revenir sur les transformations récentes de l'institution policière.
Depuis les années Sarkozy le fonctionnement de la police s'est dégradé dans plusieurs domaines :
- La relation police-population a été volontairement abimée : "un policier n'est pas là pour jouer au football" disait Sarkozy.
Or la police 100% répressive de Sarkozy et de ses successeurs est une anerie. En fait la relation à la population est à la base des métiers de police. Y compris avec les jeunes de quartiers sensibles.
- L'accélération de la gestion statistique de la police a produit un monstre qui commet bévues sur bévues.
Transformer la police en fournisseur de chiffres bidons pour les campagnes électorales est une abomination. Au détriment de la sécurité du quotidien.
- Enfin les lois et règlements de police ont été modifiées selon le diptyque : faits divers - nouvelle loi répressive.
Cela nous a donné une trentaine de lois "sécuritaires" dont la principale utilité est de détruire notre démocratie. Sur ce dernier point on est obligé de renvoyer aux classiques :
"Ceux qui veulent sacrifier les libertés au nom la sécurité se condamnent à perdre les deux !"
Voilà pour les grandes lignes de l'évolution de la police. Qu'en est il dans la vraie vie ?
D'abord la véritable criminalité n'augmente pas, il doit y avoir à peu près autant de "réglos" maffieux de nos jours qu'il y a 50 ans. Certains secteurs criminels augmentent d'autres diminuent.
De plus les chiffres de criminalité qui sont disponibles sont généralement manipulés.
Il en va ainsi de l'augmentation de la délinquance liées aux drogues : conséquence logique d'une réorientation de l'activité policière contre la vente et surtout la consommation de drogue.
Lorsqu'un service se voit sommer de produire des "bons" chiffres dans un domaine d'activité, donc des chiffres élevés, il réoriente ses pratiques. Au détriment d'autres aspects de la sécurité publique.
Actuellement on estime à 30% le volume de l'activité policière qui vise la consommation et le petit trafic de stupéfiant. Soit 30% de nos forces de "sécurité" pour éradiquer le fumeur de joint. On croit rêver !
Et uniquement pour des raisons de politique politicienne. Aux USA, dans d'autres pays, bientôt en Allemagne, le "fumeur de cannabis" n'est plus pénalisé ou si peu. Mais la droite française "la plus bête du monde" persiste !
Or cette gabegie policière a des conséquences concrètes. La petite délinquance, les incivilités, passent au second plan.
Dans une récente émission TV le président de TerraNova faisait une remarque très pertinente : (je cite de mémoire)
"Un discours de gauche sur la sécurité, ce ne devrait pas être plus de lois pénalisantes, mais ce serait de mettre en œuvre les moyens pour permettre au citoyen de signaler toute acte de délinquance et d'obtenir une réponse dans les cinq minutes"
Ceci explique pourquoi la droite refuse absolument que la police se réoriente vers l'écoute et le service de la population, puisqu'une telle réforme ferait disparaître le "sentiment d'insécurité" qui soutient leur discours absurde sur "l'autorité" !
L'activité des commissariats reflète cette politique imbécile. Les refus de prendre des plaintes sont généralisés.
Dame ! Une petite plainte non résolue c'est un chiffre statistique en baisse, tout le contraire d'un fumeur de joint verbalisé.
Parfois cette négligence organisée tourne au drame. On l'a vu dans le cas de victimes de violences conjugales qui ont été abattues par leur conjoint après avoir porté plainte, sans suites.
Le plus souvent cela développe dans la population le sentiment que "la police ne fait rien", et parmi les délinquants un relatif sentiment d'impunité. Tout le contraire de ce que devrait être une police efficace.
Nous avons une police qui traque le fumeur de joint et qui excelle pour matraquer les manifestants et les mutiler. Une Et qui laisse filer un "sentiment d'insécurité quotidienne", mis en exergue par ceux qui l'entretiennent.
Insécurité dans la population générale mais beaucoup moins pour les notables, les bourgeois et autres people. Pour eux c'est débauche de moyens, il suffit d'assister au déplacement d'une personnalité politique pour être abasourdi par les moyens déployés !
La visite de Castex à Marseille avec un prépositionnement massif de cars de CRS et un convoi de motards et de 4x4 aux verres fumés qui vous donnait l'étrange impression de vivre dans un autre pays.
Visiblement le gouvernement n'a pas d'argent pour rénover les locaux de police insalubres mais il en trouve pour protéger les VIP et réprimer les manifestations de salariés ou d'opposants.
Il faut donc un changement de paradigme.
Résoudre le problème, réel ou fantasmé, de "l'insécurité" c'est d'abord résoudre le problème de la police française actuelle.
Dans une allocution récente JL Mélenchon laissait échapper cette remarque : (je cite encore de mémoire)
"Dans la police actuelle plus rien ne marche, il faut tout revoir de fond en comble !"
Certes il avait probablement des raisons personnelles de s'en prendre aux pandores :)
Néanmoins il pose le problème de la réorganisation complète de la police et que la gauche devrait traiter.
- fin du SNMO, dissolution des BRAV, utilisation des techniques de désescalade
- retour vers une police de proximité, avec une réponse immédiate contre les incivilités
- modification du dispositif statistique pour privilégier les activités au service de la population
- légalisation du cannabis pour combler le retard de la France dans ce domaine
- exclusion des policiers qui se réclament du fascisme, amélioration de la formation
Liste non limitative et sans doute discutable. Mais que les tous courants de gauche auraient intérêt à travailler sérieusement pour contrer la folie furieuse de la droite et de l'extrême droite qui ciblent de plus en plus clairement les libertés, la démocratie, les droits de l'homme, la Constitution même, sous couvert de "sécurité".
Il ne faut pas laisser ce sujet à la droite. Dont la composante extrême discute - sans rire - d'un "Guantanamo" français, c'est à dire une entreprise de torture de masse !
A mon avis, la gauche devrait renverser le discours sur la "sécurité".
La solution ce n'est pas plus de lois liberticides, ni plus de flashball, mais "mieux" de police !
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