La politesse ou l’art du conditionnement
J’écoutais l’autre jour une émission scientifique sur une radio publique, quand mon oreille fut attirée par le terme « politesse ». Au moment où le gouvernement veut remettre la « politesse » et la « bonne éducation » au centre de l’apprentissage (je me surpris d’ailleurs, à l’écoute de ces paroles, à proférer quelques grossièretés envers le gouvernement), une étude « scientifique » avait été menée pour étudier les comportements qu’induisait la politesse envers autrui.
Selon le psychologue interrogé dans cette enquête, on pouvait constater qu’une personne polie (je résume bien sûr) recevait un meilleur accueil de la part de son interlocuteur qu’une autre impolie. Grande découverte pour tous, inattendue et surprenante au possible : la gentillesse appelait la gentillesse ! Remis au bout de quelques secondes de cette nouvelle essentielle j’attendais, moqueur, les exemples étayant cette thèse incroyable. Il y en avait deux.
Le premier était de poster quelqu’un devant la porte d’entrée d’un bâtiment public, et d’étudier la réaction des passants face à un interlocuteur tour à tour poli et impoli : on s’apercevait ainsi que lorsque le premier complice était poli, il se trouvait deux fois plus de cobayes prêts à aider un second complice qui renversait ses affaires dans le hall de l’entrée que dans l’hypothèse de l’impolitesse.
Voilà qui m’interroge : si je ne doute pas qu’un interlocuteur avec qui on est aimable le soit en retour, il est plus intéressant de constater qu’un interlocuteur avec qui on est aimable soit disposé en retour à l’être avec une tierce personne. Qu’en est-il de la réciproque ? Si le premier interlocuteur est malpoli, qu’arrive-t-il à l’autre personne ? Y a-t-il eu des vols constatés sur les effets du second complice de l’expérience ?
Pour élargir la réflexion, il faudrait se demander dans quelle mesure l’agressivité (ou au contraire la gentillesse) dispensée à des masses peut influer sur leur comportement et, au-delà, si une propagande ne peut pas être mise en place par cet intermédiaire ? Comme une sorte de « minute de la haine », mais subtilement renommée « journal télévisé » ou « documentaire »…
Pour la seconde expérience, elle m’apparut tout d’abord aussi simpliste que la première, mais là aussi elle peut nous apprendre et sur l’importance du langage en tant que provocateur d’actes, et sur la manière dont ils peuvent être utilisés.
Un jeune enfant, lui aussi tour à tour poli et malpoli, insultait ou flattait les passants qui se trouvaient quelques mètres plus loin confrontés à ces odieux sondages. Les insultés qui avaient accepté malgré tout de répondre au sondage (concernant l’espoir placé dans les générations futures) étaient deux fois plus négatifs que les flattés, qui se sont soumis plus nombreux que les premiers à ce questionnaire.
Que faut-il alors en conclure ? Que les sondages ne veulent rien dire ou qu’il est possible d’influencer les sondés ? Qu’il faut se résoudre à ce que notre inconscient soit gouverné par l’influence consciente de certains êtres humains ? Car celui qui influence peut faire bien, comme tente de le prouver le zélé journaliste radiophonique. Mais il peut aussi faire mal. Et le faire volontairement, en toute connaissance de cause.
Regardez bien : ayant écouté l’émission d’il y a quelques jours et vous trouvant ensuite interrogé au sujet de l’importance de la politesse à l’école, vous auriez répondu « oui » sans hésiter, alors qu’après m’avoir lu, à cette même question vous feriez plus qu’hésiter, j’en suis convaincu.
Plus l’homme connaît l’homme, moins il est homme.
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