La politique à la corbeille !
"La politique ne se fait pas à la corbeille", disait le général De Gaulle. Mais aujourd’hui, c’est le sens des affaires qui détermine la politique de la nation. "Gouverner, c’est prévoir", avait proclamé Emile de Girardin. Mais le président français est incapable de prévoir ; il se laisse diriger par la fulgurance de ses intuitions pour ce qui est de donner le cap. La politique, aujourd’hui dictée par la Corbeille, est un art que l’on jette à la corbeille !
"Gouverner, c’est prévoir". Mais ce n’est vraiment pas le point fort de Nicolas Sarkozy qui, il y a peu de temps encore soutenait "à mort" - comme dit son fils - la politique de Bush et qui voulait que les Français consomment davantage de crédit, comme en Amérique ! Quelle erreur historique monumentale ! On l’a vu peu après avec la crise des subprimes et l’élection d’Obama pour laquelle Sarkozy opéra un revirement complet d’allégeance.
Cette médiocrité dans l’art de prévoir et donc de gouverner, son propre camp la constate. Villepin parle de "politique à courtes vues". Un autre homme, habitué des analyses et prévisions, directeur du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), préfère François Bayrou, parce que "C’est l’un des rares hommes politiques à avoir une pensée et une analyse profondes de la société." (lire l’article dans Le Figaro) "C’est un littéraire, un historien, qui a un engagement qui s’enracine dans la France, dans ses valeurs", ajoute-t-il. Pour cette raison, il a décidé de s’engager dans la bataille des élections européennes au nom du MoDem.
On ne peut guère, en revanche, parler de profondeur de vues, pour le président de la République.
Pour faire oublier son incroyable lacune dans l’art de la prévision, Nicolas Sarkozy emploie quelques subterfuges bien rôdés qui font diversion. Sont mis en avant son volontarisme, son activisme (il n’est plus temps de penser mais d’agir, avait dit Mme Lagarde dans le droit fil de la "pensée" sarkoziste), son pragmatisme.
Sarkozy est-il un homme volontaire ?
Par certains aspects, il apparaît plutôt comme un homme irrésolu. Ainsi, prenons l’exemple de l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle. On peut se demander si le fait de s’engager subitement devant des millions de télespectateurs n’est pas une façon de prendre le peuple à témoin et de s’obliger ainsi à tenir un engagement qu’il n’aurait pas été à même de prendre sans le recours à ce procédé. Incapable de se décider sur ce point, Sarkozy aurait répondu à une soudaine impulsion. Sa faible volonté à trancher cette question l’a amené à se prendre lui-même en otage devant des millions de gens pour ne plus avoir le choix, pour ne plus pouvoir reculer. L’art de la prévision ici fait défaut comme le révéle son propre camp qui déclare que cette décision n’était "pas prévue". Pas d’études de projection, pas de débat préalable. C’est l’indécision qui pousse cet homme à se jeter dans les annonces tapageuses qui l’engagent - et la France avec ! - sans retour possible.
L’incapacité à décider, à "prendre sur lui" comme on dit, se révèle aussi dans le refus de recourir au droit de grâce (sauf récemment pour gracier un allié politique au milieu d’une liste de noms d’anonymes) et par son choix d’alignement complet sur l’OTAN de sa politique de défense.
Peut-on faire confiance à un président qui affirme qu’il n’y a aucune alternative à sa politique et qui fait dire à son premier ministre qu’il ne faut pas changer de cap, alors que ce président est incapable de prévoir et donc de définir une politique digne de ce nom ? Un capitaine aveugle qui, ne voyant pas le cap, le définit le cap selon ses caprices ?
Sarkozy est-il le président de tous les Français ?
On peut en douter à l’écouter discourir à la télé le 5 février. D’abord, il ne dit pas un mot pour les Guadeloupéens et les Martiniquais qui souffrent de la crise. On apprend depuis que les négociations sont dans un cul-de-sac, que le gouvernement ne cédera pas un pouce de terrain. Le discours de Dakar ne laissait-il pas présager cette politique intransigeante envers nos compatriotes de couleur ? De la part d’un chef d’Etat français, cet oubli est plus qu’une faute, c’est une honte, selon Bayrou : "Ce qui se passe en Guadeloupe et Martinique est grave. Il est honteux que le président de la République n’en ait pas dit un mot, dans une intervention d’une heure et demie". Selon le président du MoDem, la situation dans ces deux départements d’outre-mer "dépasse les problèmes économiques et sociaux. C’est quelque chose de très profond dans l’âme antillaise qui est en train de s’exprimer". Hélas, Sarkozy se montre incapable de détecter les malaises profonds, seuls lui sautent aux yeux le clinquant et le superficiel.
L’annonce la plus forte fut celle de la suppression de la taxe profesionnelle, suppression que le Medef exigeait et qu’il a obtenu sans avoir à apporter de contrepartie ("Ce que dame patronne veut...") Il ne saurait être question, par exemple, de toucher aux salaires mirobolants des patrons du CAC 40 ; Mme Parisot s’y refuse. Total qui fait un profit record, par l’effet d’une rente de situation (la hausse du prix du pétrole) et sur le dos des automobilistes ? Et alors ? On ne touche pas ! Kouchner n’est pas loyal envers les causes qu’il défend et l’image médiatique qu’il a donnée de lui ? Et alors ? Comme on dit en affaires : si ce n’est pas illégal ni franchement immoral, tout est permis. Les affaires avant tout !
L’intervention de Sarkozy le 5 février a eu pour objectif principal de redonner confiance aux chefs d’entreprise, ce qui en soi serait une bonne chose si l’opération ne visait pas à dissimuler un nouveau cadeau sans contrepartie au riche patronat. Président de tous les Français ? Non ! Les français riches et de la métropole avant tout !
Alors la politique à la corbeille ? Oui en ce sens que l’art de la politique au sens traditionnel ou noble du terme est jeté aux orties et que le seul gouvernail est aujourd’hui le cours de la Bourse et le moral des patrons..
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