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La politique énergétique otage de la concertation ?

« Il faut être scandaleux pour lutter contre les scandales » J.Attali

Lancée à la poursuite du bonheur individuel, l’action collective s’est métamorphosée en une addition des revendications de groupes d’intérêt plus ou moins légitimes. Face à cette tendance de société, caractérisée par le syndrome NIMBY, la décision laisse souvent place à la concertation au profit de l’immobilisme. En effet, malgré une apparente modernité de l’ingénierie politique, l’arbitrage des pouvoirs publics ne coïncide pas toujours avec l’intérêt supérieur de la nation…

Le syndrome NIMBY et la montée des égoïsmes face aux besoins énergétiques

Avec notre démocratie représentative, la Ministre de l’Energie Ségolène Royal doit admettre que les élus pensent un peu trop souvent à leur réélection. Interrogée sur le plateau de Canal+, elle confesse : « en général on est obsédé par la prochaine échéance électorale ». Un aveu qui fait écho aux colportages de Valérie Trierweiler sur ce couple d’un genre nouveau à la tête de l’exécutif : « Le pouvoir est leur raison de vivre, leur obsession commune ».

Un peu à la manière de Norbert Elias montrant que les mœurs de la cour nous renseignent sur une époque, ici, la notion d’obsession préfigure déjà le nouveau mal du siècle : l’individualisme.

Sur le plan de l’écologie par exemple, la professeure de philosophie à la Sorbonne, Sandra Laugier, explique qu’en dépit de l’émergence d’une « réflexion environnementaliste » privilégiant les enjeux globaux, « quand on parle de bien-être, c’est d’une façon relativement égoïste, pour se protéger ». Un comportement que les spécialistes qualifient par un acronyme évocateur : le syndrome NIMBY (Not In My Back Yard).

Un papier du magazine d’Elisabeth Lévy, encore disponible sur le net, illustre parfaitement ce nouveau phénomène avec la question du gaz de schiste. Afin de répondre aux futurs besoins énergétiques, « les électeurs de Balcombe, qui sont sûrement pour le gaz de schiste, veulent bien avoir de l’énergie fossile pour soixante ans (après ils seront morts, ils s’en foutent) mais ils ne veulent pas qu’on détruise leur charmante Arcadie britannique. Ils soutiennent donc les bobos, dans un accès typique de nymbisme ». Cette réaction assez égoïste transpose d’une manière inattendue l’éthique de réciprocité (ou la vraie « règle d’or ») et devient de plus en plus fréquente, puisqu’elle s’observe aussi avec les énergies propres.

Le reportage Ma tribu déchirée par les éoliennes, nous permet de mieux comprendre l’attitude de ces écologistes branchés en dérivation sur le NON. S’ils commencent d’abord par affirmer que « c’est au nom du bio et de la qualité de vie [qu’ils sont] contre ces machines monstrueuses », ils redoutent ensuite – et surtout – que la valeur de leurs maisons s’écroule : « qui voudrait s’acheter une bicoque surplombée par ces Léviathans ? »

Faut-il pour autant toujours remettre en cause le rôle de ces associations qui s’organisent tant bien que mal ? Au contraire, l’édition du 22 avril du Canard Enchainé nous invite plutôt à réfléchir sur leur utilité. En citant le rapport du Service Central de Prévention de la Corruption, le palmipède dénonce des prises illégales d’intérêts de plusieurs dizaines d’élus locaux concernant des installations d’éoliennes. L’hebdomadaire revient sur ces nouveaux organes de contrôle démocratique en notant presque à contre cœur que des « associations pullulent » pour reprocher des « méfaits réels ou supposés », constatant qu’elles deviennent de facto de « grands pourvoyeurs de dossiers à la justice ».

Reste que la plus part du temps, sous prétexte de préserver un soi-disant paradis terrestre, ces thuriféraires de l’action collective protègent plus prosaïquement leur portefeuille. Et pourtant, si François Hollande s’est fixé l’objectif de réduire de 50% la consommation énergétique en 2050, une partie de nos infrastructures devra malgré tout être renouvelée. Des décisions d’autant plus urgentes et stratégiques que nos besoins en énergie augmentent mécaniquement sous le double effet de la numérisation de notre économie et de la croissance démographique.

Si des solutions existent en matière d’efficacité énergétique, faute d’investissements suffisants, la demande énergétique mondiale pourrait finalement doubler d’ici 2050. Ainsi, les oppositions aux nouveaux projets d’aménagement représentent une menace potentielle pour l’approvisionnement énergétique.

La concertation, une perfusion démocratique ? 

Gouverner c’est prévoir. Justement afin d’anticiper de futures difficultés, une réunion d’introduction aux travaux de la Commission Spécialisée sur la Démocratisation du Dialogue Environnemental (CSDDE) a été organisée le 5 mai dernier. Avant la publication du rapport de la CSDDE, Madame Royal relevait : « nous sommes dans une situation paradoxale aujourd’hui : une abondance des procédures face à une faible participation ». Un avis surprenant car le vice-président de la commission, Gérard Monédiaire déplore pour sa part que « la démocratisation participative [n’ait] pas de concrétisation juridique », à l’exception de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Par ailleurs, la décision du Conseil d’Etat en date du 30 mars 2015 stipule que l’article L-142-1 du code de l’environnement prévoit à minima, une possibilité pour les associations agrémentées de contester une décision administrative.

En réalité, les spécialistes plaident pour une nouvelle procédure : « la concertation en amont, c’est-à-dire avant la mise en forme du projet d’aménagement ». Entre l’enquête publique et la consultation ou le référendum, ce sujet sera cependant encore longuement débattu, puisque la députée Sévrine Buis, préside désormais un groupe de travail à l’Assemblée Nationale. A cette occasion, les parlementaires ne manqueront pas de se référer aux analyses du juriste de l’environnement Arnaud Gossement et de l’expert en ingénierie politique Loic Blondiaux. Sur les réseaux sociaux, tandis que le premier recommande avec bienveillance d’articuler la démocratie représentative avec la démocratie participative, le second assure que « la démocratie participative c’est parier sur l’intelligence citoyenne ». D’autres diront plus ironiquement que « pour que tout reste comme avant, il faut que tout change ».

Il est vrai que les précédentes expériences n’ont pas été si concluantes. A l’issue du débat national sur la transition énergétique, Jean-Marc Jancovici avait lucidement déclaré : « la montagne a globalement accouché d'une souris  ». Nonobstant ce piètre exemple d’intelligence citoyenne, lorsque les négociations aboutissent à de réelles avancées, les tractations entre les différentes minorités agissantes ne peuvent trouver de solution que dans un compromis souvent bien éloigné de l’intérêt général. Pour le philosophe Jürgen Habermas, cet équilibre des intérêts entre des groupes de pression opposés conduit inexorablement à des décisions politiques qui échappent « aux formes traditionnels de l’accord et du compromis parlementaire ».

Pour s’en convaincre il suffit de s’intéresser aux prévisions du commissaire européen à l’énergie Miguel Arias Cañete. A la lecture du cadre d’action en matière de climat et d’énergie pour la période 2020/2030, on constate que l’Union Européenne va voir sa dépendance aux importations d’hydrocarbures augmenter de 80 à 90% en 2030. Parallèlement, l’ONG Oxfam nous indique que cette industrie a dépensé 213 millions de dollars en lobbying aux Etats-Unis et à travers toute l’Europe. Une dépense payante puisque le World Economic Outlook 2015 note aussi que les subventions aux énergies fossiles sont largement supérieures à celles dédiées aux énergies renouvelables.

Au Fonds Monétaire international, on estime les subventions pour les énergies fossiles autour de 5 300 milliards de dollars, soit 6,5% du Produit National Brut (PNB) mondial. A ce stade, même Nicolas Hulot, ambassadeur spécial de François Hollande, concède : « il n’y a pas le compte » ! D’ailleurs, la « stratégie nationale bas carbone », communiquée le 15 Octobre 2015 par les services du Ministère de l’Environnement (indépendamment du dialogue environnemental ?) a été vivement critiquée par l’Autorité Environnementale…

Mais encore plus grave peut-être que l’inefficacité de ces « marchandages » perpétuels, on peut se demander si la théâtralisation des expressions citoyennes ne risque pas d’alimenter la contestation qui monte ? A-t-on encore à l’esprit les vives tensions qui entourent les sujets environnementaux ? Non, Julien Coupat, emblème de cette « insurrection » contre les projets d’aménagement du territoire ne représente pas directement une menace pour la population. En revanche, l’instrumentalisation de certaines passions conduit parfois à des événements tragiques.

Aussi, l’Etat ne devrait-il pas simplement se prévaloir de ses prérogatives de puissance publique et imposer ses choix stratégiques sans se dissimuler derrière le paravent de la concertation ? Le barrage de Sivens nous y invite en tout cas…


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2 réactions à cet article    


  • Alren Alren 6 septembre 2016 12:48

    Aussi, l’État ne devrait-il pas simplement se prévaloir de ses prérogatives de puissance publique et imposer ses choix stratégiques sans se dissimuler derrière le paravent de la concertation ? Le barrage de Sivens nous y invite en tout cas…

    Je ne comprends pas bien : l’auteur veut-il dire que l’État aurait dû imposer le barrage de Sivens en faveur d’une poignée d’agriculteurs productivistes et au détriment du reste de la population, dizaines des millions de Français dont l’intérêt est de conserver un site protégé à l’heure où les espèces liées aux zones humides disparaissent rapidement ?

    Si oui, alors c’est un ennemi de la démocratie et c’est donc mon ennemi.


    • JC_Lavau JC_Lavau 6 septembre 2016 23:08

      Article confus, obscur, incapable d’énoncer ce que devrait être une politique énergétique pour ce pays. Ou au moins quel en serait le cahier des charges.

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