La Pologne dans le collimateur de la Commission Européenne
Le commissaire européen Guenther Oettinger a déclaré à la radio allemande Deutschlandfunk que la Commission Européenne allait entamer mercredi prochain un processus en deux étapes qui pourrait théoriquement priver la Pologne de ses droits de vote au Conseil Européen pour ne pas respecter « les valeurs européennes fondamentales » en exerçant un contrôle politique sur le pouvoir judiciaire
La semaine dernière, la Pologne a adopté des lois permettant de mettre d’office à la retraite les juges de la Cour Suprême âgés de plus de 65 ans sauf si le Président de la République prolonge leur mandat) et de les remplacer par de nouveaux juges choisis par le président lui-même. La loi permet également au Ministre de la Justice de fermer et rouvrir des dossiers à volonté.
L'organe du Conseil de l’Europe chargé du contrôle de l'état de droit, connu sous le nom de Commission de Venise, a qualifié la législation de « grave menace » qui « met gravement en péril l'indépendance de toutes les parties du pouvoir judiciaire polonais ».
"La réforme est exactement ce que voulait Kaczyński", a déclaré M. Marcin Matczak, professeur de droit à l'Université de Varsovie. "Lui et son parti auront le contrôle total du Conseil National de la Magistrature, et contrôleront donc efficacement la nomination des juges."
Ces lois font partie d'un ensemble de mesures autoritaires prises par le parti au pouvoir, le parti « Droit et Justice » (PIS), qui a également été accusé de répression contre les médias indépendants : récemment, la chaîne américaine TVN24 a été condamnée à une amende de 1,5 million de zlotys (237 800 €) cette semaine pour avoir diffusé un reportage sur les manifestations antigouvernementales.
Mme Teresa Brykczynska, porte-parole du KRRiT, l'autorité de régulation audiovisuelle nationale polonaise, a déclaré que ce reportage avait créé un « climat de tension et de menace » et « n'avait pas informé les téléspectateurs que les manifestations du 16-18 décembre 2016 étaient illégales ». Les manifestations en question étaient des marches contre les réformes judiciaires du gouvernement.
La résistance de la population a contraint Varsovie à revenir sur certains de ses objectifs, tels que les restrictions sur le droit à l'avortement et la tentative d'empêcher les journalistes de couvrir les débats parlementaires. Cependant, le gouvernement a réussi à faire adopter une loi lui permettant de nommer et révoquer sans justifications les dirigeants des médias du secteur public.
"Nous avons besoin de plus que des avocats et des ONG pour défendre le principe de l'indépendance judiciaire si nous voulons arrêter cela", a déclaré M. Bohdan Widła, un avocat qui a participé aux manifestations de Varsovie et de Cracovie. "La colère et l'enthousiasme des manifestations au cours de l'été semblent s'être dissipés - mais j'espère que j'ai tort."
Une déclaration selon laquelle la Pologne enfreint les valeurs européennes fondamentales requerrait une majorité qualifiée, ce qui est possible. Par contre, le retrait des droits de vote des représentants du pays nécessiterait l'unanimité et serait improbable.
Le Premier ministre hongrois M. Viktor Orban a lui-même été accusé d'avoir mis à mal l'indépendance des médias : la fermeture du plus grand journal d'opposition, Nepszabadsag, l'année dernière était motivée par des raisons politiques. Il a promis d'opposer son veto à toute mesure punitive contre la Pologne.
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