La presse est-elle en danger ?
Après les attaques de Nicolas Sarkozy le 7 mai dans les palais de l’Elysée, autrement appelé par les connaisseurs : le pavillon de chasse de l’UMP, contre la presse et plus spécialement l’AFP, l’Express, Le JDD, Marianne et le Parisien, la ministre de la culture Christine Albanel, dont l’ironie veut qu’elle dirigeait Versailles avant de devenir porte flingue de Sarkulture - le préfixe sark vaut anti dans la langue courante-, tout un symbole, a proposé une chose très étrange : l’obligation faite à l’AFP de publier tous les communiqués des partis politiques et des syndicats.
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Il faut, avant de s’appesantir sur cette drôlerie bien dangereuse, rappeler les propos rapportés par les présents de Sarkhaut-parleur : "Il a fait une charge très importante contre la presse en disant que dans un pays où il n’y a plus d’opposition, la presse s’attribue la fonction d’opposition." Cette phrase dans ce contexte et tout autre contexte est loin d’être anodine. Elle révèle un des traits caractéristiques et détestables de notre Guide : il ne supporte pas que l’on s’oppose à lui ce qui est un os de taille dans une démocratie. Cela rejoint exactement cet autre propos : Il tient par-dessus tout au rythme et à la simultanéité des réformes, ce qu’il appelle « rester en mouvement », pour anéantir l’adversaire. Ainsi considère-t-il que le débat démocratique n’est pas un débat d’idées, aussi vif et brutal fût-il, mais un guerre où ceux qui pensent différemment de vous ne sont pas des opposants démocratiques, ne sont pas vos concitoyens, dont certains sont élus du peuple au même titre que les UMP et NC trahissants, mais des adversaires à anéantir. Les réformes ne seraient ainsi non faites pour le bien de la France mas dans le seul but de la destruction de l’opposition. Ce qui fut le seul objet de l’ouverture aujourd’hui clause au seul motif qu’elle ne sert plus cette stratégie. Rien que cette attitude ne peut convenir à un chef d’Etat dont une des fonctions cardinales est le rassemblement des Français et non la destruction de son unité, si tant est que celle-ci puisse se bâtir.
Le reproche principal qui a été fait à cette presse qui en veut au chef de l’Etat serait de ne pas avoir traité avec suffisamment de sérieux la condamnation de Ségolène Royal au tribunal des prud’hommes. Cette attaque est, bien entendu, totalement infondée, car cette information a été traitée avec suffisamment d’écho et notamment les galipettes verbales de Raffarin, celui qui a été battu par la Jeanne du Poitou, et qui a demandé sa démission. Sarkoléon a ajouté sans rire que si c’était lui qui avait été condamné la presse en aurait fait un fromage bien plus gros. Il faut dans ce cas interroger cette presse sur son silence et son manque absolue d’investigation pour :
- la suite de la plainte classée sans suite à propos de l’appartement de la Jatte
- le manque de curiosité concernant l’écart de 1 million d’euros (le million d’euros est l’unité de mesure des amis de Sarkozy) entre la déclaration ISF du candidat et celle un an plus tard de l’élu qu’un salaire de ministre même cumulé avec les indemnités d’élu des Hauts de Seine ne permet pas d’expliquer, sachant que si pour l’ISF les collections et œuvres d’art sont non déclarables ce n’est pas le cas pour le patrimoine du Président, que la curiosité a manqué quand dans cette déclaration n’apparaissent ni mobilier, ni cristallerie, ni vaisselle, ni argenterie, ni collection de montres ni collection de timbres ce qui laisse supposer qu’avant même la venue de Kadhafi en France les Sarkozy mangeaient le couscous à la main sous une yourte et dormaient à même le sol
- que cette presse a oublié de demander à l’élu la publication des factures des travaux réalisés dans cet appartement de la Jatte promises par le candidat
- que cette presse n’est pas pressée de savoir pourquoi le ministre Sarkozy des finances, mis au courant par Tracfin des sorties en liquide de l’UIMM n’a pas réagi
- que cette presse n’est pas pressée de demander à ce Président qui demande la démission de Bouton se tait pour cette même affaire UIMM
- qu’à part Marianne et Libération, rares sont les journaux qui s’intéressent de près à la plainte de monsieur Kuhn et ne pose pas la question pourquoi sa plainte a été classée sans suite en moins d’une semaine alors que la plainte en diffamation d’Albert Frère a été rejetée
- que cette presse ne s’interroge pas sur les motivations qu’aurait la France à décorer de sa plus haute distinction nationale (grand chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur) en comité privé Albert Frère, citoyen belge, et monsieur Desmarais, citoyen canadien, en février dernier alors que ni l’un ni l’autre n’ont rendu de service signalé à la France et de ce fait ne mérite aucune distinction française.
Albanel a décidé au quart de tour de faire plaisir au locataire élyséen, trônant sur l’Olympe. Et voilà donc qu’elle annonce selon Le Nouvel Obs dans Le Journal du dimanche que l’Agence France Presse (AFP) pourrait diffuser l’intégralité des communiqués de presse des partis et des organisations syndicales. Cette curiosité intellectuelle, dans un gouvernement libéral et dans une démocratie, soulève de très nombreux problèmes, dont voici ceux qui m’ont le plus chataouillé les méninges :
- il ne s’agit pas d’un media classique, il s’agit d’une agence de presse, cette résolution sent très très fort le contrôle de l’information.
- qu’en est-il de l’AP (c’est vrai que celle-là Bolloré la veut) et de Reuters, par exemple ?
- de quel droit un pouvoir peut-il imposer à un organe de presse son mode de fonctionnement ?
- en quoi les syndicats et les politiques sont-ils prioritaires dans l’information ? Qu’en est-il de la société dite civile ?
- que se passe-t-il si le PS avec ses 48 candidats à la direction et l’UMP avec ces 3 850 porte-paroles, ses 300 députés, ses ministres, ses 4 porte-voix de l’Elysée, ses conseillers volubiles veulent nous faire chacun son petit communiqué ? On voit bien là, ce qui transparaît absolument dans l’organigramme de l’Elysée et de l’UMP avec une multiplication de crieurs publics que c’est l’étouffement de la voix des autres par la multiplication ad libitum de la parole officielle qui nous assourdit par 10 000 trompettes qui couinent chaque seconde de la journée. On diminue et réduit au silence la parole de l’opposition par des tombereaux de déclarations.
Pour moi cette démarche qui fait suite à cette attaque de la presse par le Guide, suivant de près celle du PP de l’UMP, une sorte de pression malsaine, n’est pas anodine et nous ne pouvons pas la laisser passer.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
les aristocrates à la lanterne...
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