La prison, ça coûte cher et ça ne sert à rien
Pour une autre politique pénale
Après avoir, sous le gouvernement Sarkozy, renforcé les peines et voulu construire de nouvelles prisons, l’actuel gouvernement s’oriente vers une rénovation des prisons , tout en développant les peines alternatives en semi-liberté. N’est-il pas temps de se poser un peu et de réfléchir à notre politique pénale ?
Un constat tout d’abord, le nombre de prisonniers a nettement augmenté ces dernières années, ceci étant dû essentiellement à un durcissement de la politique pénale. Et cela pose le problème du nombre de places. Celles-ci n’ayant pas suivi, les prisons sont surpeuplées, déjà insalubres, elles deviennent invivables, ce qui va à l’encontre de la dignité humaine comme des conditions de travail des personnels pénitentiaires. Ainsi, en 2006 l’on comptait 60 771 prisonniers pour 50 207 places et en 2012, 66748 prisonniers pour 57 236 places. Le public est très masculin (96,7 % des détenus), et essentiellement de nationalité française (82, 2 % des détenus).
Inversement, devant la surcharge des centres d’incarcération, l’on est obligé de laisser dehors des individus qui devraient rester derrière les barreaux ou y entrer. C’est la voie choisie par Christine Taubira qui veut continuer à développer les peines alternatives : bracelets électroniques ou travaux d’intérêt général.
En fait, le problème de fond est que la France n’a pas à proprement parler de politique pénale. Nous ne nous sommes jamais vraiment interrogés pour savoir en fonction des délits ou des crimes quelle était la peine la plus appropriée. Nous mettons tout le monde derrière les barreaux sans trop nous poser de questions.
Résultats : un fort taux de récidive. Pour être exact : la prison, ça coûte cher et ça ne sert à rien. Le coût annuel d’un détenu est élevé : 32 000 euros par an et nous n’en sommes pas plus avancés.
Alors première question : pourquoi les gens vont-ils en prison ? Tout d’abord, il convient de relever que les grandes causes d’incarcération sont très stables : trafic de drogue (13,6 % des détenus mais 15-20 % seraient des drogués) ; viols et violences sexuelles (17, 6 % des prisonniers mais au total 21,4 % sont des délinquants sexuels) ; vols et cambriolages (25,2 % des détenus) ; atteintes aux personnes et homicides (13,6 %) ; coups et blessures (17,6 % des détenus).
Si l’on veut avoir une vraie politique pénale, il faut des peines adaptées aux délits, la prison doit être réservée à certaines catégories de délits ou de crimes. Celles qui ne peuvent être traitées autrement.
Les drogués tout d’abord. Qu’ils soient là pour trafic de stupéfiants (la plupart des petits dealers sont eux-mêmes drogués et revendent pour se procurer l’argent nécessaire à leur propre consommation) ou pour vol, tant qu’ils continueront à se droguer, ils reviendront en prison car c’est là le problème : en prison, ils ne se désintoxiquent pas et continuent à se droguer ! La solution : des centres de désintoxication obligatoires et fermés dans une région éloignés de leur région d’origine sans possibilité de visites de la famille ou des amis dans un premier temps. Il faut les couper de leurs liens pour pouvoir les désintoxiquer une fois pour toute et les réintégrer ensuite dans la société.
Les malades mentaux ensuite (dont une part non négligeable des délinquants sexuels) : 24 % des prisonniers ont des troubles psychotiques (20 % ont été suivi ou internés en psychiatrie avant la prison), il n’y a que 200 places pour malades difficiles en UMD, le nombre de lit en psychiatrie est passé de 83000 à 40000 entre 1987 et 2000. L’irresponsabilité pénale était reconnue pour 16 % des crimes traités par les cours d’assises au début des années 80, l’on est passé à 0,17 % en 1997. Il semble évident qu’un net changement de politique est nécessaire.
Des individus ayant des troubles mentaux, responsables de violences ou de délits à caractère sexuel sont envoyés en prison, ne sont pas soignés (l’injonction de soin n’est pas systématique) et ressortiront aussi dangereux qu’ils sont entrés et recommenceront ! La solution est nécessaire : des centres fermés de psychiatrie qui traiteront les pathologies et ne laisseront repartir les malades qu’une fois stabilisés (comme c’est déjà le cas en Italie ou en Suède).
Quant aux individus qui ont réellement commis des délits ou des crimes graves, alors oui, leur place est en prison, où ils doivent dans la mesure du possible, suivre des formations et un parcours de réinsertion. Et les places libérés permettront d’incarcérer réellement des individus dangereux nécessitant ce type de peine.
Ce qui, bien sûr, inclût aussi une rénovation des établissements pénitentiaires pour que les prisonniers soient accueillis dans des conditions décentes.
Si nous voulons une politique pénale efficace qui permette une réinsertion des détenus dans la société, la solution ne réside ni dans le laxisme, ni dans un enfermement systématique, mais bel et bien dans un régime de peines adaptés aux crimes et délits et aux détenus. La prison sera alors une solution parmi d’autres mais plus seulement une solution par défaut.
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