La pub du coin d’la rue
J’ai vu combien de pubs aujourd’hui ? Trop, ça s’est sûr, mais combien ? Je cherche sur internet, en augmentant ainsi le compteur, et rapidement je tombe sur plusieurs approximations : 200, 3 000, 15 000… tout dépend des activités de la journée. Bof, je me dis que de toute façon je ne les vois plus, et qu’elles ne me font rien, j’ai mon libre-arbitre merde ! Mais alors pourquoi il y en a autant, et même chaque fois plus, si ça marche pas ? Les entreprises miseraient-elles de l’argent à perte ?
« Je suis pas un mouton, je suis intelligent quand même ! » Ah, la raison ! Mais la pub ne se bat justement pas sur ce terrain là. Par définition, elle est une « Action, fait de promouvoir la vente d’un produit en exerçant sur le public une influence, une action psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs » (Trésor de la Langue Française Informatisé). Il s’agit de jouer sur les émotions grâce à la musique, aux couleurs, de s’adresser aux pulsions primaires avec l’association d’images ou de textes, de trouver les techniques pour contourner les barrières de la conscience. Car, progressivement et naturellement, nous nous protégeons : à la télé, on zappe, dans la rue, on ne regarde plus… Et à la pub de répondre en s’adressant aux petits, en se plaçant sans prévenir dans les films (moins c’est explicite, plus c’est efficace !), en s’invitant dans les laboratoires pour gagner en efficacité. Le résultat : Coca Cola reconnait que 50% de ses ventes en supermarché sont des achats pulsionnels, irréfléchis et non prévus (on voit le rouge, on achète, alors même qu’il existe d’autres produits similaires, voire meilleurs).
Les conséquences de ce matraquage sont loin d’être anodines, et elles sont nombreuses, malheureusement. Je passe vite sur les dégâts psychologiques, car si je prends l’exemple d’enfants se prostituant pour avoir « un plus beau portable que [le] copain de collège », ou même si je parle des acheteurs compulsifs, on va dire que je vais dans l’extrême, et pourtant… il y a dans nos comportements à tous, quelque chose qui relève de l’addict. Si, regardez bien. Ce mec qui n’a pas une thune pour payer sa mutuelle mais qui a une putain de télé, ce lycéen qui ne mange pas tous les midis pour se payer le jean qui coûte la peau du cul, regardez. A l’échelle sociétale, la publicité s’est emparée des médias, vecteurs de transmission culturelle convertis en vendeurs de temps de cerveau disponible, et vise à la reproduction et la permanence de stéréotypes (notamment sexistes), car c’est bien pratique ! A l’échelle globale, les campagnes publicitaires viennent trop souvent empêcher de réels progrès sociaux et écologiques (et même pire si on considère la pollution qu’elles génèrent) en (re)créant une image pour les entreprises. Qui se souvient, et prend acte, des scandales humains de Gap et Nike ? Qui se soucie des abus d’Apple en Chine, de Coca en Inde ? Et que dire du greenwashing ? En portant notre préférence sur un produit de façon irrationnelle, nous pénalisons les entreprises proposant une vraie avancée. La pub vient parasiter notre jugement, le rapport qualité/prix n’est même plus le critère principal (d’ailleurs le prix des produits pourrait être sensiblement diminué sans le packaging, les spots TV, les affiches…), la concurrence est faussée. Les lois du marché ne peuvent rien faire, et le libéralisme est niqué de toute façon. Nous sommes entrés dans une ère que beaucoup désignent comme le capitalisme consumériste, basée sur l’incitation toujours plus grande à consommer pour écouler la surproduction. Seulement, si les désirs d’achat suivent, il n’en va pas de même pour les sous-sous, et c’est comme ça que le gentil client va demander un prêt-prêt à sa banque, etc-etc vous connaissez la suite.
Que faire alors ? Premièrement, ce souvenir qu’acheter, c’est voter. Pour bien choisir, il faut l’information. Essayer de s’affranchir des annonceurs, et s’intéresser aux associations de consommateurs qui ont plus de chances d’être dans votre camp. ONG et organismes divers donnent aussi souvent leur avis et recommandation sur telle ou telle entreprise, à vous de sélectionner. Pas assez ? Un truc plus radical face à l’agression publicitaire ? Allez voir les Déboulonneurs, ils ont plusieurs antennes en France. Ils démontent et barbouillent les affiches publicitaires dans la rue, pour alerter l’opinion. Bonne ambiance garantie, et des actions bien appréciées du public, et même des flics ! Et le risque est minime, car généralement peu d’interpellations, s’il y en a, elles sont volontaires, et en cas de poursuites, l’asso apporte son soutien juridique, et financier, et ça marche ! C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il vaut mieux toujours agir en groupe plutôt que seul, mais c’est vrai que des fois… avec une bombe de peinture dans le sac à dos… c’est tentant.
P(schiiitt dans ta gueule)
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