La pureté économique
Allèché par le contenu de certains articles et de certains commentaires sur les forums de ce site, je ne résiste pas au plaisir de partager mon ignorance en poussant certains raisonnements de droite et d'extrême droite jusqu'au bout.
Certains affirment que les pauvres, les assistés sont un problème. C'est un thème récurrent à droite et à l'extrême droite. Prenons les 65 millions de Français. Si on suit cette logique, il faudrait retirer 8 millions (ou dix, mais soyons prudents dans nos raisonnements) de personnes de l'équation. Il nous reste 58 millions de personnes.
Pour suivre les discours stigmatisants, il faudrait également ôter les 10% de personnes d'origine étrangère des survivants - ces chiffres, je les lâche un peu en l'air, si je suis en dessous ou dessus de la réalité, veuillez corriger vous-mêmes mes bêtises, merci. Il reste 52 millions de personnes.
Mais les retraités, les malades ou les handicapés constituent également un coût d'après ces mêmes discours. Là, je compte un quart de la population que je retire des survivants, il reste à peu près 39 millions de personnes.
Il faut également retirer les "privilégiés", les fonctionnaires, les syndicalistes stigmatisés par ces mêmes discours. Ils doivent représenter à peu près 40% de la population. Restent donc 23 millions et demi de personnes.
Par ailleurs, il faut signaler que, si l'on prend tout nouvel arrivage démographique comme un handicap économique, il faut impérativement cesser de faire des enfants.
Nous voici donc dans une France de 23 millions de personnes aux frontières fermées et sans enfant. Soit la théorie économique qui veut que la surpopulation crée le chômage est avérée et l'économie se portera alors bien dans le désert que sera devenu ce pays. Comment expliquer alors l'absence de chômage dans des pays beaucoup plus peuplés (les Etats-Unis des années soixante, par exemple) ou la présence de chômage dans des pays beaucoup moins peuplés (la Belgique ou le Portugal, par exemple) ?
Si on n'explique pas la permanence du chômage par la surpopulation et qu'on suit le parcours de la stigmatisation, il faudra encore supprimer les 15% de nouveaux chômeurs de la nouvelle population française. Il restera alors un peu moins de 20 millions de Français. Si personne ne souhaite aller aussi loin dans la logique de stigmatisation, pourquoi les minorités, les exclus, les improductifs sont-ils stigmatisés ? N'y a-t-il pas là la manifestation d'une impuissance à arranger les dysfonctionnements de l'économie ? Que reflète le besoin de construire un ennemi, que reflète la rage parfois haineuse avec laquelle certains intervenants s'expriment envers les stigmatisés ? Que vous soyez concernés ou non, si vous pouvez répondre à ces angoissantes questions, merci de m'éclairer.
Il faut aussi retirer ceux qui commettent le crime d'être des bobos. J'imagine que les pourcentages doivent différer selon la définition des uns et des autres mais je crois que 10% est une hypothèse conservatrice. Reste donc 18 millions de personnes, pas malades, pas vieilles, pas bobos, pas d'origine étrangère, pas fonctionnaires.
Par ailleurs, que vont devenir les 47 millions de Français qu'il faut faire disparaître si on suit la logique des discours de stigmatisation ? J'aimerais avoir une réponse à cette question, faut-il les exclure, les tuer, comment ? Si c'est le cas, la pensée stigmatisante aboutit au massacre de deux tiers de la population française dans des conditions forcément atroces. Y a-t-il quelqu'un qui soit adepte de cette solution ? S'il n'y a personne, pourquoi passer son temps à stigmatiser lesdites populations ? S'agit-il d'un défoulement et, si c'est le cas, qu'apporte-t-il, que permet-il de réaliser, de rêver, d'imaginer ? Encore une série de questions angoissées que je me permets de soumettre à la sagacité des riverains d'agoravox.
L'argument ultime de la stigmatisation, c'est l'efficience économique (les 47 millions sont des coûts, ils profitent, fraudent et/ou sont odieux dans les discours de droite musclée). S'il faut supprimer deux tiers de la population pour qu'une économie fonctionne, ne faudrait-il pas plutôt - à moindre coût, si j'ose dire - réfléchir à un autre fonctionnement de l'économie qui réduise le taux de chômage et qui permette d'assumer les soins aux personnes les plus vulnérables ?
Quant à la population en général et aux enfants en particulier, s'ils sont un "coût" pour l'économie, n'est-ce pas à l'économie de cultiver la richesse humaine qu'ils représentent ?
Question subalterne, quel est le sens politique, quel est l'horizon d'une vision pollitique qui stigmatise deux tiers de la population ? Le massacre de masse, la pureté racialo-productive ?
Et que deviennent les pauvres gens qui appartiennent au tiers restant ? Une fois qu'ils ne peuvent plus assumer de charge de travail, parce qu'ils sont malades, parce qu'ils vieillissent que vont devenir ces pauvres survivants ? Bref vous, de droite musclée ou d'extrême droite, comment pourrez-vous vieillir, comment pourrez-vous faire quand vous serez impotents ? Devrez-vous vous suicider ? Quant aux survivants de gauche et d'extrême gauche, les anarchistes, les squatteurs voire les libéraux ou les chrétiens humanistes, que vont-ils devenir dans cette France étriquée, que vont devenir les Juifs, les homosexuels, les drogués, les alcooliques, les protestants ?
Question subsidiaire, quel est le sens d'une vie dévolue à la productivité ? Je suis un peu perdu dans ces discours. Merci de vos réponses.
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