La quête d’une humanité sous l’apartheid
UN ACTIVISTE SOUS LE REGIME DE LA TORTURE
Peu de gens en France connaissent le nom du Sud-Africain Stephen Bantu Biko, dit Steve Biko. Ceux qui en ont entendu parler l’imaginent sous l’apparence d’un symbole, tel dépeint par un journaliste blanc, Donald Woods (né le 15 décembre 1933 à Transkei, mort le 19 août 2001 à Londres) fut un journaliste sud-africain blanc, éditeur du journal Daily Dispatch. Il devint célèbre pour ses idées libérales et son soutien apporté à la lutte anti-apartheid notamment par le biais de l'activiste Steve Biko. Il fut également le héros du film Cry Freedom qui relate en partie sa rencontre et sa relation avec Biko, mais aussi l’évolution de son point de vue sur le discours de celui-ci ainsi que la disparition de l’activiste. Alertant l'opinion mondiale sur les conditions de la disparition de Steve Biko (voir Vie et Mort de Steve Biko), il est menacé par le gouvernement sud-africain et entreprend un spectaculaire exil en transitant par le Lesotho. Arrivé à Londres, il poursuit ses activités dans le milieu de l'édition et produit de nombreux ouvrages contre le régime de l'apartheid. En 1978, il deviendra le premier civil à s'exprimer en son propre nom au Conseil de sécurité des Nations unies).
Alors que l’histoire américaine du mouvement des Panthères Noires et de ses membres les plus connus à éveillé une nouvelle appétence en France, le réflexe de la conscience Noire, qui se sont propagés dans l’ancienne colonie françaises et anglaises comme les caraïbes ou l’Afrique du Sud, demeurent royalement ignorés. Ces courants politiques ont fortement influencé l’histoire de régions dont on absorbe que la fragmentation sociale et la violence post-coloniales. Généralement comparé à Frantz Fanon (Ibrahim Frantz Fanon, né Frantz Fanon le 20 juillet 1925 à Fort-de-France (Martinique) et mort le 6 décembre 1961 à Bethesda dans un hôpital militaire de la banlieue de Washington aux États-Unis1, est un psychiatre et essayiste français fortement impliqué dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et dans un combat international dressant une solidarité entre « frères » opprimés. Il est l'un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste. Durant toute sa vie, il cherche à analyser les conséquences psychologiques de la colonisation à la fois sur le colon et sur le colonisé. Dans ses livres les plus connus, il analyse le processus de décolonisation sous les angles sociologiques, philosophiques et psychiatriques. Il a également écrit des articles importants dans sa discipline, la psychiatrie), Steve Biko et plus largement le Mouvement de la Conscience Noire ont plus que jamais inspiré l’émancipation des luttes contre l’apartheid en Afrique du Sud. Cette Influence a dépassé le cadre national, trouvant une consonance aux Etats-Unis, au Brésil, au Royaume Uni et nombre de pays du continent africain. Biko est décédé en 1977 entre les mains de la police de sécurité du régime de l’apartheid. Quelques années avant, il fonda le Mouvement de la Conscience Noires, le Black Consciouness Movement en Afrique du Sud.
A l’époque de son assassinat, qui intervient un an après les émeutes de Soweto en juin 1976, la doctrine de la Conscience Noire était jadis véhiculée dans les Townships et autres mouvement de résistance, donnant naissance à une considérable sédition des années 1970 et 1980. En Afrique du Sud, au cours de l’année 1948, la Parti nationaliste, fondé en 1915 par des nationalistes afrikaners, accède au pouvoir. Commence alors une amplification des mesures de ségrégation raciale pour asseoir le système de l’apartheid, qui sera légitimé au début des années 1960 par la nécessité d’un « développement séparé des races ». Durant les années 1950, le gouvernement nationaliste décrète une quantité de lois qui visent à contrôler plus rigoureusement les activités quotidiennes des populations noires. Le « Population Registration Act » (loi sur la classification de la population) en 1950, le « Pass Law Act » (loi sur les laissez-passer) en 1952, le « Public Safety Act » (loi sur la sécurité publique) en 1957 vient ensuite « l’Immorality Act » (loi sur l’immoralité, interdisant le contact sexuel et le mariage entre personnes de différentes catégories raciales), l’indécence dans sa plus belle expression.
Quand bien même qu’il opte pour une attitude plus humble, Stephen Bantu Biko, né en 1946 à Tylden, dans la province du Cap Oriental, devient l’emblème des différentes organisations qui jaillissent alors.
Son activisme prend genèse dans les années 1960, pendant la mise en place de la loi sur « l’éducation bantoue » (loi promulguée en 1953 et officialisant la ségrégation des écoles et des universités) et suite à l’arrestation de son frère, suspecté d’être un membre de la branche armée du PAC (Pan Africanist Congress). Interrogé par la police et banni de son lycée, Steve Biko est admis dans un lycée catholique à Mariannhill (La congrégation des Missionnaires de Mariannhill a été fondée par le trappiste Franz Pfanner en Afrique du Sud en 1882. Leur abréviation est C.M.M).1966, il fait ses débuts d’études en médecine à l’université du Natal et s’implique dans les activités organisées par le syndicat national des étudiants sud-africains. Les étudiants libéraux blancs dominent largement le groupement, il contribue à la création de l’organisation des étudiants sud-africains, en juillet 1969 à l’université de Turfloop, interdit aux blancs. Considéré comme un affront, il s’attire les foudres des libéraux et des progressistes, qui lui reprochent de reproduire les schémas racistes du gouvernement et à contrario est bien vue des Afrikaners conservateurs. En 1973, Steve Biko et d’autres dirigeants sont mis au ban de la SASO (South African Students’ Organisation) et de la BCP (Black Community Programmes) assignés à résidence. Ce bannissement et cette assignation impliquent qu’ils ne peuvent pas sortir de la ville dans laquelle ils sont cantonnés, qu’ils ne peuvent rencontrer plus d’une personne à la fois, à l’exception des membres de leur famille, ni être en contact avec une autre personne bannie, qu’ils n’ont pas le droit de travailler, de parler en public et de publier leurs écrits, qu’on ne peut les citer, bref réduits au silence et à l’oubli. Biko est continuellement surveillé par les agents de la police de sécurité dans la ville de King Williams’ Town, où il vit avec sa famille et donne de son énergie dans les activités de la clinique de Zanempilo, un des projets éducatifs et sanitaires les importants de BCP. Malgré les conditions, il arrive à diffuser des écrits sous le pseudonyme de « Franck Talk », littéralement franc parler.
En ce temps où tous les partis de la résistance sont passés dans la lutte clandestine et organisent depuis les pays limitrophes un soulèvement armé contre le régime de l’apartheid, le Mouvement Conscience Noire demeure la seule visible dans l’espace public. Sa stratégie non-violente, mise en avant dans le but de s’assurer une marge de manœuvre légale pour la résistance, la BPC ne rencontre aucun obstacle de la part du gouvernement. Nonobstant les efforts de la SASO et de la BPC pour perdurer dans l’espace légal, le procès de leurs leaders pour « terrorisme » débute en janvier 1975, après qu’ils fassent états de « leur contentement de la victoire du Front de Libération du Mozambique ». Ne pouvant être accusés de faits de violences physiques, c’est l’idéologie même de la Conscience Noire qui est condamnée en tant qu’elle attiserait, aux dires des juges, le ressentiment des Noirs contre les blancs et surtout l’état. Du fait de son assignation, Steve Biko n’est pas parmi les accusés lors de ce procès. Qu’à cela ne tienne, il est arrêté en août 1977, un an après que des lycéens ont manifesté contre l’enseignement obligatoire en afrikaans au cours du soulèvement de Soweto, qui fut brutalement réprimé par le gouvernement nationaliste. Cette survenance a révélé l’influence grandissante du Mouvement de la Conscience Noire dans les townships ainsi qu’auprès de membres d’autres groupes politiques. Le 18 août 1977, Biko se trouve avec Peters Jones un autre membre de la BPC (Black People’ s Convention).
Peter Jones Activist and member of the Black People's Convention. He was arrested with Steve Biko in 1977
Il revient d’un séjour au Cap où, dans l’espoir de construire un front de résistance uni, il a cherché à rencontrer Neville Alexander, fondateur dans les années 1960 du Front National de Libération.
Neville Edward Alexander (22 octobre 1936 - 27 août 2012) était l'un des partisans d'une Afrique du Sud multilingue et un ancien révolutionnaire qui a passé dix ans à Robben Island en tant que codétenu prisonnier de Nelson Mandela .
Steve Biko, qui a enfreint son assignation à résidence, et Peter Jones sont arrêtés et détenus en vertu de l’article 6 de la loi contre le terrorisme, qui autorise l’incarcération secrète et pour une durée indéterminée des suspects, autant dire la mort au bout du couloir vu le contexte. Biko mourra le 12 septembre 1977, suite à un long trajet de Port Elisabeth à Pretoria après quelques 1200 Kms, inconscient, à l’arrière d’une Land Rover. En dépit des preuves de coups et d’une importante lésion cérébrale, l’administration déclarera qu’il est mort suite à une grève de la faim de six jours, aussi incroyable que cela puisse paraître. Devant le tôlé des réactions, ils évoqueront par la suite la possibilité d’une chute malencontreuse lors d’une lutte avec les cinq policiers de la sécurité en charge de son interrogatoire. Le ministre de la justice en exercice, Jimmy Kruger (de son nom complet James Thomas Kruger né le 20 décembre 1917 à Bethlehem, État libre d'Orange, et mort en Afrique du Sud le 9 mai 1987, est un homme politique d'Afrique du Sud. Membre du Parti national, il est successivement député de Prinshof (1966-1979), sénateur (1979-1980), vice-ministre de la Police, de l'Intérieur, des Affaires sociales et des Pensions (1972-1974), vice-ministre de la Justice et des prisons (1974), ministre des Prisons, de la Justice et de la Police (1974-1979) puis président du Sénat (1979-1980), réagira en proclamant que cette mort « le laisse indifférent ».Le contraire aurait été fallacieux.
Jimmy Kruger
Biko devenant le 42e détenu mort entre les mains de la police de la sécurité de l’apartheid et son décès va être suivi, en raison de l’affermissement des pratiques policières dans les années 1980, d’innombrables assassinats en captivité. Sa mort déclenche une vive émotion internationale et actionne le renforcement de l’embargo sur les armes à l’encontre de l’Afrique du Sud. Quelques ouvrages édictent Biko au rang de héros, philosophe et martyr international se trouve la compilation de certains de ses textes, réunis sous le titre « I WRITE WHAT I LIKE » et publiés quelques mois après sa mort. Le monde blanc libérale condamne son meurtre barbare et relève l’absurdité d’assassiner un des seuls dirigeants noirs qui parle, à cet instant-là, de la possibilité de négociations non-violentes. Il s’avère que Biko était une réelle menace pour le régime de l’apartheid en voulant affranchir le peuple noir sud-africain de la peur, qui entravait ses actions et l’empêchait de réaliser ses aspirations. Au niveau national la mort de Biko entraîne une nouvelle vague de répression du gouvernement suprémaciste qui a alors pour conséquence la dissolution de tous les groupes rattachés au Mouvement de la Conscience Noire. L’expiation toujours plus bestiale qui bouleverse le pays pousse une majorité des militants à rejoindre les branches armées des partis clandestins de l’ANC (African National Congress) et du PAC (Pan Africanist Congress).
La violence politique atteint alors un point culminant dans les townships, le gouvernement de Pieter Botha (Pieter Willem Botha né le 12 janvier 1916 à Paul Roux dans l'État libre d'Orange et mort le 31 octobre 2006 à Wilderness, province du Cap-Occidental, est un homme d'État sud-africain. Ministre de la Défense de 1966 à 1980, Premier ministre de 1978 à 1984 et président de l'État de la République d'Afrique du Sud de 1984 à 1989. Connu sous ses simples initiales de PW ou sous son surnom de Groot Krokodil qui signifie « grand crocodile » en afrikaans, il consacra sa vie à l'Afrikanerdom (nationalisme afrikaner), au Parti national et à l'anti-communisme. Son pragmatisme l'a conduit également à tenter de réformer la politique d'apartheid avec la mise en place d'un parlement tricaméral), décide une série d’états d’urgence, qui voit naître une répression sanglante et multitudes arrestations arbitraires amenant des procès. Cette conjoncture donne lieu, dans les townships, à de violents affrontements entre l’ANC et le Front démocratique uni (UDF), parti légal crée en 1983 et régit par la ligne idéologique de l’ANC, aux résistants affiliés à des organisations plus proches du Mouvement de la Conscience Noire. Survient la transition démocratique de 1989 à 1994, qui est caractérisée par une lutte sanguinaire entre partisans de l’ANC et de l’INKATHA, nourrie et instrumentalisée par les forces armées du gouvernement.
Lors des premières élections multiraciales en avril 1994, la victoire de Nelson Mandela annonce un profond changement politique, incarnée par une nouvelle constitution, l’avènement de la commission vérité et réconciliation et les rêves d’une « nation arc-en-ciel ». L’arrivée au pouvoir de l’ANC s’harmonise également avec une redéfinition des discours, qui mettent l’intonation sur le rôle de l’ANC et l’UDF (Front Démocratique Uni) dans la libération du pays.
« Nelson Mandela se retournerait dans sa tombe... » Un refrain souvent repris lorsqu'il vient le moment d'évoquer l'actualité de la nation arc-en-ciel aujourd'hui. Mais les jeunes Sud-Africains en premier lieu et par extension les défenseurs des droits n'ont sans nul doute oublié qu'à côté de Nelson Mandela, d'Oliver Tambo (Né le 27 octobre 1917, à Mbizana, dans le pondoland (Cap-Oriental). Appelé d'abord Kaizana en référence au Kaiser, ennemi des Britanniques, son prénom est anglicisé en Oliver au moment d’entamer sa scolarité. En 1940, avec Nelson Mandela il est exclu de l’université de Fort Hare pour avoir participé à une grève. En 1942, il enseigne les sciences et les mathématiques à St Peter, son ancien collège pour noirs de Johannesburg. Il crée avec Nelson Mandela, le premier cabinet d'avocat noir d'afrique du sud), ou encore de Desmond Tutu (né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp, en Afrique du Sud, est un archevêque anglican sud-africain qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1984. Auteur d'une théologie ubuntu de la réconciliation1, il fut ensuite le président de la Commission de la vérité et de la réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes et les exactions politiques commis, durant la période de politique d'apartheid, au nom des gouvernements sud-africains, mais également les crimes et exactions commis au nom des mouvements de libération nationale), il y avait Steve Biko, que la génération post-apartheid n'a regrettablement pas connu. Mais dont les mots et les idéaux résonnent encore non seulement pour les militants sud-africains de la lutte de libération, mais aussi pour beaucoup de leaders et activistes à travers le continent et le monde. Aujourd'hui, les choses ont changé. À mesure que l'iconographie de Biko est reconnue et dévoilée, en grande partie grâce à son ami et biographe Donald Woods, ses messages font un retour en grâce dans les domaines de l'art, ils inspirent bons nombre d’artistes, et d’intellectuels. Lors du quarantième anniversaire de sa mort, le président Jacob Zuma a insisté pour se souvenir de ce combat méconnu. « Steve Biko a combattu la suprématie blanche et ne supportait pas également ce qu'il considérait comme un complexe d'infériorité chez les Noirs. Il a insisté sur la nécessité de parvenir à une libération psychologique des Noirs, pour accompagner la libération physique, afin de réparer les dégâts causés par l'apartheid. Il a milité pour la fierté du peuple ».
Steve Biko : le tragique destin d'un militant
Oliver Reginald Tambo
Mgr Desmond Tutu, évêque et Prix Nobel
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