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La raison humaine, « confrontation de deux existences, de deux intelligences » ? Mode de penser medjdoubien sur l’humain

  Qu’est-ce que l’intelligence ? Un sujet complexe. Une faculté qui est en nous et que nous pouvons la définir comme on veut, comme on la conçoit selon que l’on veut simplifier ou approfondir. L’intelligence est une faculté humaine innée. Mais comment cette faculté ou don qui est en nous, et parce qu’elle est innée et propre à nous que l’on peut dire beaucoup de choses sur elle. Que représente-elle pour l’homme, au point de dire que l’homme est intelligent et peut être de raison.

 

  1. L’intelligence, à l’instar de l’histoire de l’œuf et la poule

 Qu’elle soit une instance par lequel l’homme réfléchit, spécule ou est pratique selon que les philosophes cherchent à lui attribuer des significations, l’« Intelligence » reste un phénomène indéfinissable. L’homme n’a aucune prise sur son intelligence. Et il faudrait préciser que toute son existence est liée, voire dépendante de cette intelligence. Sans l’intelligence humaine, car il faut la définir, l’homme n’est pas « humain ». C’est d’ailleurs ce trait de réfléchi, de spéculatif, de pratique émanant de cette intelligence qui, non seulement sépare l’homme de l’espèce animale, mais lui donne sa conscience d’être séparé de la nature du monde, tout en étant élément de la nature et relevant de la nature. Il concoure à la nature, comme la nature concourt à elle-même. Et il est autre chose que cette nature.

 Il est évident que l’homme a un pouvoir qui va au-delà de la nature même s’il subit les contraintes de la nature. Et j’entends par là la nature qui nous entoure, le milieu naturel dans lequel nous existons. Y compris notre propre nature, c’est-à-dire notre corps et les facultés humains que nous possédons. Et cela ne peut pas être autrement.

 L’homme est un tout, vivant dans un tout. Et, ici, dans ce raisonnement, l’auteur ne cherche pas à faire de la philosophie, même si les mots donnent à penser que c’est un peu une vue philosophique. Non, l’auteur ne philosophe pas, il cherche à comprendre. Et souvent se poser ses questions sur son être, peut paraître « philosopher », et dans le langage commun, peut signifier « dire des mots creux, un peu rêver, courir un peu après des chimères. Il n’y a rien à comprendre sinon le réel, même si celui-ci est exprimé à travers un contour, un habit philosophique ». Evidemment, toutes ces réflexions sont justes à dire parce qu’elles émanent de problèmes réels parfois stressants, relevant de l’existence. Il reste cependant que l’homme ne peut se satisfaire de ce langage populaire.

 A une personne avec qui j’ai discuté, elle m’a sorti l’histoire de l’œuf et de la poule. « L’œuf fait la poule ou la poule fait l’œuf ? ». Une question, un exemple que je pourrais dire un peu rapprochant. En effet, l’homme est-il par l’Intelligence ? Ou l’Intelligence est par l’homme ? Il y a une intime relation entre l’homme et l’Intelligence, comme pour la poule et l’œuf, ils sont faits mutuellement. Evidemment, cette vue a peut-être quelque côté risible, mais il y a une « constante vraie », dans le sens que c’est l’intelligence qui donne existence à l’homme, sans elle, l’homme n’existe pas même s’il aurait à exister. De même, sans l’existence de l’homme, l’existence de l’Intelligence serait sans sens, sans but, même si elle aurait à exister. Il manquerait le « véhicule » qui crée la relation, si cela eut été ainsi.

 De même, un œuf qui ne donnerait pas une poule, à quoi servirait-il ? Ou une poule qui ne donnerait pas un œuf ? Donc il y a relation intime « intelligible » entre l’homme et ce qui fait l’existence de l’homme, son intelligence. De même qu’l y a une relation « intelligible » entre l’œuf et la poule. Les philosophes appelleraient ce lien, la causalité entre deux faits, deux objets, deux instances. Précisément, le monde humain naît entre ces deux instances, l’homme et l’intelligence. Le « véhicule », le lien causal, l’« intelligibilité » qui les relie est l’« Essence de la vie ». L’« absolu » de l’homme intelligent est donc d’exister. De même, l’absolu de l’œuf et de la poule est la « vie » et peut importe le sens du lien causal, l’« essentiel » est d’exister, et c’est ce qui donne sens au duo œuf-poule, tous deux viennent d’une même essence et peu importe leurs différences d’être. Il aurait pu être autrement.

 De même pour l’homme, sa constitution « homme-intelligence » aurait pu être autrement. Il aurait pu avoir, par exemple, son intelligence apparaître comme un cinquième membre, et il l’utiliserait comme un de ses membres, un troisième bras, un pied ou autre chose. Le sens serait identique, puisqu’il l’utiliserait de la même façon qu’il utiliserait un bras qui prend ou un pied qui marche ou veut marcher ou courir. Cette intelligence cependant n’est pas un bras… mais répond néanmoins présent comme un bras, à chaque fois que c’est nécessaire, à chaque que l’homme le demande, comme si c’était un bras. Sauf que l’intelligence est bien plus qu’un bras ou un pied, et qu’elle n’est pas un bras. « Elle est l’essence, elle donne le sens même de l’existence humaine, ».

 

  1. Où est passée Catherine ? On m’informa le matin

 Et dans l’intelligence, il y a d’autres instances qui dérivent d’elle. Prenons, par exemple, la raison. N’est-elle pas le « frein-réfléchi » dans la conduite, le comportement de l’homme ? Je ne dirais pas le frein pensé parce que nous allons vers une instance peut-être aussi grande que l’intelligence. Quant à la raison, tout fait penser qu’elle est secrétée par l’intelligence. On a bien dit que ce qui caractérise l’homme, c’est lui-même en tant qu’homme intelligent dans son existant. Mais cet existant évolue au sein d’une nature, d’un milieu souvent difficile, voire hostile, où l’homme « doit se régler à ce milieu », et souvent l’homme n’a pour arme que son intelligence. Précisément, la raison que secrète l’intelligence à l’homme lui permet à la fois de connaître, de juger et d’agir. Elle permet de discerner les problèmes de l’existence et de tracer à l’homme une conduite, un comportement. La raison est en quelque sorte une « mesure de l’extérieur ». Mais on ne peut dire qu’elle mesure seule tout ce qui ressort de l’extérieur.

 Car cet extérieur est aussi une « Intelligence externe ». L’homme se voit ainsi porté par son intelligence, elle-même confrontée à cette intelligence externe, et surtout, qui n’est pas toujours plaisante. Il faut le dire la vie moderne est complexe, souvent ce qu’il y a de plaisant est aussi balancé par le déplaisant. Et on ne sait pas quel degré pour l’humain. L’homme se trouve donc balancé entre le plaisant et le déplaisant. Et encore ces mots expriment très peu ce qui ressort réellement de la dureté ou de la félicité de l’existence. Et je m’interromps encore une fois, j’espère que c’est la dernière. L’auteur, dans cette analyse, ne fait pas de philosophie, il cherche simplement à appréhender l’existant humain dans sa nudité.

 Donc, dans cet « étant humain », l’Homme sans le savoir, se trouve en réalité, noyé dans deux intelligences. D’abord son « intelligence propre », et son « intelligence extérieure », car cette extérieure, c’est aussi son intelligence. Sauf qu’une, il la commande son intelligence ou croit la commander, l’autre intelligence, c’est-à-dire le monde, il ne la commande pas mais auquel son existant, et là qu’il le veuille ou non, lui est soumis, lui est rattaché.

 Je donne deux exemples extrêmes vécus pour me faire comprendre. Le premier c’était durant mes études supérieures. Une amie juive que je connaissais. Un jour que je lui rendis visite, elle m’avait dit qu’elle allait se tuer parce que son fiancé qui revenait d’une capitale européenne, lui avait signifié que dès son retour, il allait rompre avec elle. Des filles ont probablement dit du mal d’elle. Pourtant, malgré cette nouvelle, elle était normale, voire même souriante, il n’y avait ni tristesse, ni pleurs dans ses propos, et elle était très mûre pour son jeune âge. Je ne la crus pas un instant, pensant qu’elle voulait faire peur à son fiancé. 

 Deux ou trois jours après, vers 21 heures, sorti de l’école et accompagné d’un ami algérien pour aller souper, je passais à sa chambre. Je vis la lumière allumée. Je demandais aux filles voisines dans le couloir « où est passée Catherine ? ». Personne ne savait. Vers 23 heures, après être sorti du restaurant, il faisait froid, c’était en hiver, arrivé près du lieu de son habitation, je vis un grand attroupement devant l’entrée du bâtiment. Avant même d’arriver, j’étais certain que c’était Catherine. Oui, dans un cercueil en bois amené par les pompiers, Catherine gisait. Elle s’est pendue. C’était moi qui ai appelé ses parents qui habitaient loin, et son fiancé, tard la nuit. Trois jours durant, moi et mon ami qui a été très touché, étions restés aux côtés de sa famille presque sans dormir. Jusqu’à ce qu’elle fut recouverte par la terre. Un épisode qui m’avait fortement marqué.

 Une seconde fois, un collègue ingénieur qui m’avait demandé de le prendre dans mon service, il n’était pas très bien dans sa peau dans un autre service, et il me l’avait signifié. Un jeune homme pourtant plein de santé mais très triste. Je crois qu’il avait des problèmes familiaux. Ce jeune ingénieur avait pourtant la vie devant lui. Je l’avais demandé, mais pour des raisons que j’ignore, cela a tardé. Moins d’un mois, je crois, « on m’informa un matin », qu’il s’est tué. J’étais triste parce qu’il s’est confié à moi, et a préféré mon service. Pourtant, il y avait maints services où il pouvait sans problème travailler. Un suicide incompréhensible, un problème certainement affectif.

 Qu’a-t-elle pu faire leur raison ? Puisque ces épisodes n’ont été rappelés que pour signifier que la raison ne peut rien à la confrontation des deux intelligences dans l’être. Bien plus, c’est elle qui est sécrétée par eux et qui a raisonné, préparé la mort aux deux êtres. Dès lors qu’ils se sont sentis abandonnés, n’ont plus trouvé d’intérêt à la vie, leur existence est devenue une « mort vécue ». Ne manquait alors que l’acte fatidique pour mettre fin à leur souffrance, car il s’agissait réellement de souffrance que l’homme normal ne comprendrait pas.

 

  1. La raison humaine, « fille d’une double intelligence »

 J’ai donné ces exemples simplement pour dire qu’en intelligence humaine, il y a en réalité deux intelligences, celles que l’on a en soi et celle dans laquelle on baigne. C’est pour cela que les philosophes parlent de l’« en-soi », le « pour-soi », ou les psychanalystes parlent de « ça, du moi, du surmoi », pour tenter de définir la nature humaine scientifiquement.

 Evidemment, le commun du mortel ne voit que son intelligence ou ne la voit pas du tout, il existe et c’est tout. Mais on a besoin de se savoir à la fois dans notre microcosme et notre macrocosme, et tout est lié, et certainement par une « Instance suprême » à laquelle nous appartenons comme nous appartenons à cet univers. Et précisément, celui qui prend conscience de l’univers, et prend son sens à la fois de lui et de son appartenance au monde, peut beaucoup « prendre » de ce qu’il veut ou peut exprimer dans ce macrocosme. Ce qui ne nous apparaît pas toujours, souvent on passe par l’existence sans vraiment prendre de l’existence.

 Ceci étant, revenons à notre raison, qui, à la fin, nous paraît à peine ce pourquoi elle est. Les scientifiques, les philosophes disent beaucoup de la raison, que c’est elle la faculté pensante et son fonctionnement permet la connaissance, la compréhension, et tant de possibilités humaines qu’elle peut offrir à l’homme. Et c’est parce qu’on croît à sa rationalité qu’on élève la raison sur un piédestal. En réalité tout est issu de cette irrationalité, de cette « confrontation de deux existences, de deux intelligences », l’une de l’homme l’autre du milieu extérieur que se sécrète la raison. Si par exemple, il n’y avait pas de milieu extérieur ou le milieu extérieur n’était que plaisant, l’intelligence n’aurait point besoin de raison. Et même son existence serait un peu inexistence même si elle était existence.

 Un homme, par exemple, n’aurait pas besoin de raison puisque tout y est idéal et, même s’il avait une raison, elle ne serait plus une « raison-frein », c’est-à-dire une raison qui viendrait à raisonner l’homme sur les difficultés, dans les problèmes de l’existence, et conditionner ainsi le comportement de l’homme. « La raison est donc fille d’une double intelligence, de soi et de l’en dehors de soi ». Comme d’ailleurs, l’amour tire son essence de l’intelligence. On aime autrui ou on n’aime pas autrui simplement parce que notre intelligence est constituée par de nombreux affects, qui faisant partie de l’« essence même de notre existence », se réfléchit sur le monde extérieur. Et là encore, il relève du même processus, une « confrontation des essences ».

 On comprend dès lors le sens de la raison, en tant qu’intermédiaire des intelligences, et pourquoi l’homme fait confiance à sa raison, parce que c’est elle qui le prévient de toutes choses, bonnes ou mauvaises, parce que c’est elle qui construit sa vie. Aussi dit-on que l’homme est de raison, et que c’est la « raison qui constitue le socle de sa vie ». Elle apparaît une sorte d’absolu préalable, et de grands philosophes la croient transcendante. On parle de raison pure, de raison pratique (Kant), ce qui est vrai dans un sens. Mais il demeure cependant que c’est dans l’« Intelligence de l’Homme qui baigne dans cette universalité » que l’homme doit son existence. Et que les concepts sur la raison et l’intelligence humaine doivent être revues, car la science a trop évolué. L’intelligence artificielle fait des merveilles alors que la conceptualisation de la raison humaine n’a presque pas évolué depuis deux siècles. La vision sur l’humain a peu évolué, on peut même dire qu’elle est en train de régresser. Et si le monde venait à renouer avec l’humain.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
www.sens-du-monde.com


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