La réaction, c’était mieux avant
Suivant quotidiennement les actualités françaises, il est deux faits que je ne peux m’empêcher de remarquer. Tout d’abord, nous sommes bel et bien au coeur d’une révolution conservatrice. Le gouvernement, l’opinion, même une partie de l’opposition, n’a que les valeurs, la restauration de l’ordre, la ferme condamnation à la bouche, en ces temps où l’on tire sur la police, on poignarde ses professeurs, ou l’on insulte le chef de l’Etat. Mais je constate également un fait étrange : alors que la Réaction semble être dans toutes les volontés, on la voit féliciter un président « bling bling » et ses discours indécents, des pluies aléatoires de répressions diverses, voire des professeurs agités du cutter. Ma constatation est simple : même chez les « réacs », tout se perd, il n’y a décidément plus de valeurs... Vivant actuellement dans un pays à propos duquel le Français moyen ne pourra s’empêcher d’y voir le paradis de l’ordre, et même de la rigidité sociale, le Japon, j’en profite donc pour rappeler à mes amis de l’autre bord quelques principes essentiels pour restaurer les restaurateurs.
Le premier principe d’une société à l’ancienne, c’est la hiérarchie. Et la clé d’une bonne hiérarchie, c’est la distribution de la responsabilité : les plus responsables, en haut, les irresponsables, en bas. Responsable comme rationnel, responsable comme décideur, responsable comme exposé à la sanction. Celui qui est en haut est le plus raisonnable, c’est lui qui décide et qui assume les conséquences en cas d’échec.
Dans cette perspective, demander l’implacabilité des sanctions au moindre écart verbal des élèves et, au prétexte de leur mauvais comportement, l’indulgence pour les laisser-allers des professeurs revient de fait à placer l’élève comme supérieur au professeur, ce qui risque de ne pas arranger les affaires de nos réactionnaires.
De cette responsabilité découle le fait que le chef est interface entre le groupe et le reste de la société, entre le dedans et le dehors. Au dehors, il assume donc les succès et les honneurs, comme les échecs et les hontes, de tout le groupe, charge à lui de répercuter en son sein les récompenses et blâmes nécessaires.
Ainsi, le bon niveau d’une classe ou sa mauvaise tenue relèvent du professeur qui en a la charge. S’en défausser sur les élèves, c’est de fait renoncer à sa place au sommet. Y renoncer en faisant intervenir une autorité extérieure, le proviseur ou la police, est un constat d’échec, d’impuissance et de faiblesse.
Un autre principe fondamental est la totalité de l’autorité, qui s’exprime de deux façons. La première est que chaque pouvoir a droit de regard sur l’entièreté du comportement des individus placés sous sa responsabilité. La seconde est que les différents pouvoirs sont eux-mêmes ordonnés selon un principe hiérarchique. Ce principe permet d’éviter les éventuelles zones spatiales ou temporelles de non droit créées par les discontinuités et concurrences entre les différentes autorités.
Par exemple, si des enfants peuvent librement mettre leurs doigts dans le nez à l’école, même si cela leur est interdit à la maison, leur éducation a de fortes chances de se trouver incomplète. Les affirmations des personnels de l’Education Nationale selon lesquelles il n’est pas de leur ressort d’élever les enfants sont donc vaines à cet égard, d’autant plus que ceux-ci passent d’avantage de temps sur les bancs de l’école qu’avec leurs parents. De plus, comme chacun l’aura constaté, les conflits d’autorité entre les parents et l’école détériorent encore davantage l’éducation des enfants.
Si l’on devait trouver des raisons à cet oubli par les conservateurs de leurs propres valeurs, la première qui viendrait à l’esprit serait sans doute le produit de leur alliance inconditionnelle avec les libéraux : leur individualisme forcené. Le culte de la responsabilité individuelle veut que chacun réponde en toutes circonstances de ses actes propres, et de tous, mais uniquement de ceux-ci. Ainsi, nul ne peut être couvert par sa hiérarchie ; mais on se voit donc alors nécessairement forcé de faire l’examen critique de ses ordres, de décider soi-même d’y obéir ou non, ce qui est de fait la fin de l’autorité traditionnelle...
Pour conclure, mon impression est que ce qu’une bonne partie de l’opinion réactionnaire désire en France, ce n’est pas l’ordre conservateur. C’est, bien au contraire, l’anarchie libertaire, le défoulement, le déchaînement pulsionnel, mais dans sa face opposée à celle de l’Anarchie, la vraie, celle des hippies gauchistes : pas celle qui permet de faire l’amour sous le ciel bleu au milieu des champs de fleurs, celle qui permet de baffer ces mioches qui nous font chier, de se débarasser de ces Maliens qui font de la cuisine qui sent bizarre jusqu’ici, de tabasser les pédés dégoutants qui s’embrassent en public... Ou mieux, bien mieux : de le faire faire par d’autres, par les autorités, par les professeurs, par la police, et de se contenter de regarder, à l’écart, les mains propres, la conscience tranquille, l’impression du devoir accompli, un petit sourire de jouissance au coin des lèvres.
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