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Accueil du site > Tribune Libre > La réforme de la carte judiciaire

La réforme de la carte judiciaire

La justice va mal nous dit-on. Pour autant il n’est pas interdit de réfléchir sur ce sujet. M. Sarkozy voulait départementaliser la justice, Mme Dati supprime des tribunaux mais sans modifier les principes de l’organisation judiciaire.

La carte judiciaire doit être réformée, nous dit Mme Dati, au seul motif qu’elle daterait de 1958. Cela n’apparaît pas très sérieux, les départements datent de la Révolution française et il n’est pas pour l’instant question de les réformer. Il est de toute façon inexact de prétendre qu’il n’y pas eu de modifications, peut-être pas de réforme d’ensemble mais au moins des ajustements, notamment pour les tribunaux de commerce.

Avant d’aller plus loin il est nécessaire d’expliquer aux lecteurs qui ne sont peut-être pas des familiers de la justice ce qu’est cette fameuse carte judiciaire que Mme Dati veut réformer de toute urgence, provoquant la colère des avocats, des magistrats et des élus.

Le système judiciaire français comprend deux ordres de juridictions : les juridictions judiciaires et les juridictions administratives ; nous laisserons volontairement de côté les secondes qui ne sont pas concernées par la réforme envisagée.

L’ordre judiciaire comprend diverses juridictions, au total 1200, réparties sur 800 sites différents, à savoir pour les principales :

- les tribunaux de grande instance (181 avant la réforme) jugent les affaires civiles les plus importantes et tout le contentieux familial ;

- les tribunaux d’instance jugent les affaires civiles de moindre importance, les loyers et le crédit à la consommation ;

- le juge de proximité, de création récente, règle les « petits dossiers » d’instance ;

- les tribunaux de commerce s’occupent des litiges entre commerçants et procédures collectives ;

- les conseils de prud’hommes gèrent les litiges salariés / employeurs.

Le système apparaît donc complexe et éparpillé sur le territoire national, on peut comprendre qu’une réforme soit nécessaire en procédant à certains regroupements.

M. Sarkozy voulait départementaliser la justice, mais en définitive Mme Dati a choisi une autre voie : elle supprime au gré de ses voyages certains tribunaux et en laisse subsister d’autres. Dans certains départements, la méthode laisse perplexe : c’est ainsi que Mme Dati propose de ne laisser qu’un seul TGI dans la Somme qui compte 550 000 habitants, alors que le département voisin de l’Aisne qui n’est peuplé que par 530 000 habitants garde ses trois TGI.

Il est vrai que l’Aisne comme l’Oise, qui conserve également ses trois TGI, a un ministre en exercice, ce qui n’est pas le cas du département de la Somme.

Les avocats ne sont pas hostiles à une réforme de la carte judiciaire mais il faut réformer dans l’intérêt des justiciables et que je sache, je n’ai jamais entendu personne se plaindre que le tribunal était trop près de son domicile !

La seule réforme intelligente est de concentrer les différentes juridictions, éparpillées sur 800 sites différents, sur les 181 tribunaux de grande instance existants, ce qui veut dire que le justiciable en poussant la porte d’un tribunal aura accès à l’ensemble des services de la justice concentrés sous le même toit.

La justice devient ainsi lisible pour le citoyen et l’Etat peut faire des économies en récupérant certains locaux.

Au lieu de cela Mme Dati supprime des tribunaux d’instance, des tribunaux de commerce et quelques TGI : il y aura un peu moins de juridictions mais ce ne sera pas plus clair et plus lisible pour le justiciable. Les quelques économies de locaux seront absorbés par les agrandissements nécessaires à d’autres endroits.

La justice est une affaire sérieuse et une réforme ne peut être menée dans la précipitation et sans concertation.


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9 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 13 novembre 2007 14:21

    Voila une vrai réforme qui s’oppose au conservatisme de notables qui n’ont jamais accepté le changement

    Cette réforme correspondant à un principe d’équité , de dialogue et de modernité de l’outil judiciaire français

    « La réforme est nécessaire. La dispersion de la justice nuit à la qualité de la justice », a répondu Mme Dati

    Les français sont du même avis,le temps du conservatisme est terminé


    • Rébus Rébus 13 novembre 2007 14:39

      Quand même un paradoxe, c’est de voir un parti soi disant anti centralisation, agir de la sorte et centraliser la justice dans les métropoles régionales.

      Du reste, à l’heure où les tribunaux sont engorgés, supprimer l’existant revient à encombrer encore plus les autres.

      Sans parler de la méthode Dati...


      • noplay 13 novembre 2007 17:37

        Ce qui est incroyable c’est que cette réforme va faire du tord aux élus UMP pour les municipales. On parle d’ouverture mais le gouvernement n’écoute même pas ses propre troupes.


        • La Taverne des Poètes 13 novembre 2007 19:01

          Rappelons que la séparation des juridictions judiciaires et des juridictions administratives est une spécialité française non remise en cause. Regrouper les moyens pour faire des économies d’échelle, d’accord. Mais rejeter la discussion ou la réduire à sa simple expression, pas d’accord. En Bretagne, Rachida Dati est allée -unilatéralement- au-delà des préconisations faites par les magistrats désignés pour faire des propositions. Il y a une sorte de surenchère à la « Sarkozy » qui inquiète parce que peu fondée et illégitime.


          • Yannick Harrel Yannick Harrel 13 novembre 2007 21:27

            Bonjour,

            C’est étonnant cette perversion des mots : on nous parle de « réforme de la carte judiciaire » alors que l’on aurait aussi bien pu nous dire franchement « suppression de tribunaux ». Ca aurait été plus clair et moins hypocrite. Ca évidemment ni magistrats ni avocats n’ont été dupes de l’entourloupe grossière de Mme Dati.

            Un billet assez gouailleur de Maître Eolas à ce sujet : http://www.maitre-eolas.fr/2007/11/05/769-la-reforme-de-la-carte-judiciaire-rapport-d-etape

            Je vous encourage à vous pencher dessus : d’une part la note est très didactique et d’autre part la lecture n’est pas perclue de termes juridiques incompréhensibles pour le profane smiley

            Cordialement


            • mylena mylena 15 novembre 2007 13:56

              Toujours de bonnes raisons de ne rien faire. C’est fatigant de voir tous ces gens intelligents (avocats, magistrats,élus) se liguer pour que rien ne change jamais ! C’est toujours une autre réforme qu’il faudrait faire, mais sans qu’on sache jamais laquelle.

              Mme Dati a du courage de vouloir bouger tous ces boulets ! Avec eux, concertation = enterrement. C’est les rois de l’entourloupe : tu discutes avec eux, à la fin tu sais même plus ce que tu voulais faire ! Et, en plus ils t’ont vendu un aspirateur.

              Une cité judiciaire par département, ce serait bien suffisant et, en plus on ferait des économies. On y va quand même pas à cheval au tribunal ! C’est les mêmes qui partent en vacances au bout du monde pour un week-end qui veulent nous faire croire qu’un tribunal à 50 kms, c’est du délire de technocrates.


              • Le péripate Le péripate 15 novembre 2007 18:16

                Et bien le voilè le courage de R. Dati.

                Elle vient de faire l’annonce d’une « franchise » pour l’aide juridictionnelle !!!

                Sachez le donc, il vous sera demain plus facile de causer du tort à un pauvre, il aura une « franchise ».

                Envie de gerber...........


                • Blaise Blaise 17 novembre 2007 22:23

                  la réforme peut paraître brutale et faite avec un manque de concertation mais elle était au programme de Nicolas Sarkosy et de Ségolène Royal d’ailleurs. Elle est dans l’air du temps de regrouper les services publics hôpitaux, poste etc..

                  voir une modeste contribution sur le sujet

                  http://lafleur.blog.20minutes.fr

                  bon courage à Abbeville !!


                  • michel moine 18 novembre 2007 14:42

                    La décision de Rachida Dati de fermer le tribunal d’instance d’Aubusson a été prise sans la moindre concertation avec les élus et au mépris des intérêts légitimes des creusois dépendant du ressort de cette juridiction.

                    Un par un, poste par poste, nous assistons dans les territoires ruraux au désengagement de l’Etat et à la rupture de l’égalité entre les citoyens, au fur et à mesure de la destruction des services publics.

                    Le mouvement s’amplifie, et la réforme de la carte judiciaire telle qu’elle nous est annoncée procède d’une centralisation à son paroxysme, de la justice républicaine. L’échelon de proximité que représente les tribunaux d’instance disparaît, et avec lui un accès simple à la justice pour les personnes les plus vulnérables et les plus modestes de notre société.

                    Désormais, les justiciables du sud-est creusois n’auront d’autre solution que de parcourir les 45 à 80 kms qui les séparent de Guéret, la ville préfecture.

                    D’autres choix de réorganisation sont pourtant possibles : pourquoi ne pas envisager de fusionner Aubusson et Bourganeuf, autre juridiction supprimée, en conservant des audiences foraines à Bourganeuf ? L’activité cumulée de ces deux tribunaux d’instance est largement supérieure à celle d’un tribunal de Commerce dont la Garde des Sceaux nous annonce l’ouverture à Guéret, ce qui n’apporte aucun progrès puisque le TGI statuait déjà en matière commerciale.

                    J’ai, pour me faire entendre, pris une décision en mon âme et conscience, dont j’ai mesuré les risques et les conséquences. J’ai entamé jeudi matin une grève de la faim, dont la presse régionale et nationale s’est largement fait l’écho. Le soir même, j’étais contacté par le cabinet de Rachida Dati. J’ai reçu l’engagement, confirmé par écrit, que la situation d’Aubusson serait réexaminée par les services de la Chancellerie, au regard de ma proposition. Rendez-vous a été fixé lundi à 15 heures place Vendôme à Paris pour en discuter. Dans ces conditions, j’ai décidé de suspendre mon initiative, en signe de bonne volonté réciproque.

                    Je déplore que la grève de la faim soit l’ultime moyen de se faire entendre d’un pouvoir qui choisit délibérément d’ignorer le point de vue des représentants élus du monde rural. Je rappelle que l’assemblée générale de l’association des maires et adjoints de la Creuse a adopté samedi une motion demandant que les tribunaux d’Aubusson et Bourganeuf ne soient pas fermés, comme l’avait fait également l’assemblée plénière départementale.

                    Il va de soi que ce premier pas de madame la ministre doit en appeler d’autres pour que les creusois et leurs élus puissent accepter les conséquences locales de la réforme de la carte judiciaire.

                    Michel Moine, maire d’Aubusson

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