La République nous appelle !
« La République nous appelle
Sachons vaincre ou sachons périr
Un Français doit vivre pour elle
Pour elle un Français doit mourir. »
Le Chant du départ
On ne s’est jamais autant référé à la République que ces derniers temps. Surtout depuis que la famille Le Pen s’est lancée dans le jeu politique. Il y a désormais, le camp du Bien, celui de LA République – une République mythifiée dont on ne précise guère les contours – et celui du Mal, contre lequel il conviendrait de mobiliser un « front républicain ».
Selon le Larousse, la république est une « forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social. (En ce sens “république“ s’oppose à “ monarchie“, mais ne se confond pas avec “démocratie“ dans l’hypothèse, par exemple, d’une restriction du suffrage.) : République aristocratique, populaire ». En l’absence de critères précis, il n’est pas aisé de juger si tel ou tel régime, tel ou tel parti ou politicien est réellement « républicain ».
Quand cessera-t-on de vilipender ses adversaires politiques en vertu de leur supposé degré de républicanisme ? En quoi, un militant des « Républicains » est-il plus « républicain » qu’un militant de « la République en marche » ou même d’un militant du « Rassemblement national [1] », voire des « Patriotes » ou de « Reconquête », ou bien encore de « La France insoumise » que les macronistes veulent mettre dans le même sac ? On peut contester leurs idées mais il faudrait expliquer en quoi elles ne sont pas « républicaines ». Aucun de ces partis n’a jusqu’alors remis en cause la forme républicaine de notre état, ni les « principes républicains » précisés dans notre constitution[2] et réclamé le retour à la monarchie ou au césarisme. Les plus virulents adversaires des « nationalistes » ou « patriotes » ne sont d’ailleurs pas les plus « républicains » qui menacent régulièrement de contester l’expression des citoyens dans les urnes par le recours à « la rue » … La République peut être autoritaire et même le fascisme peut se dire « républicain »[3] !
Plutôt que de vouloir juger du « républicanisme » des uns et des autres, il vaudrait mieux s’intéresser à leur degré de « démocratisme », si j’ose ce néologisme. Car la République que fétichisent les donneurs de leçon républicaine n’a pas toujours été très démocratique[4]. Et encore moins souvent pacifique. Pour être un bon républicain, faut-il couper des têtes comme Robespierre, fusiller des révoltés, comme le Versaillais Galifet en 1871, après l’échec de la Commune, ou des manifestants ouvriers comme le commandant Chapus, le 1er mai 1891 à Fourmies ?
L’électorat populaire ne s’y trompe pas. S’il vota naguère « républicain », il vota ensuite « communiste » et vote aujourd’hui pour Marine Le Pen – quand, écœuré par les palinodies des professionnels de la politique, il ne se réfugie pas dans l’abstention[5]. A-t-il cessé d’être « républicain » ?
On peut reprocher bien des choses aux « nationalistes », à ceux qu’on traite de « populistes »[6] et qu’il vaudrait mieux qualifier de « démagogues »[7]. On peut dénoncer leur xénophobie supposée[8] mais il faudrait aussi sérieusement s’interroger sur ce qui l’a rendue possible.
Dénoncer par principe ne sert à rien et les récents succès électoraux du « Rassemblement national » le prouvent éloquemment. D’ailleurs, il ne semble pas que les villes de Béziers ou de Perpignan, dirigées par des maire dits « d’extrême-droite », soient plus mal ou moins démocratiquement gérées que d’autres et devenues « antirépublicaines » ! L’ostracisme est moins payant que la contradiction argumentée. Il faudrait d’ailleurs reconnaître, dans le débat politique, que les adversaires – ou les concurrents – n’ont pas systématiquement tort. Ce n’est pas parce que Marine Le Pen dit que l’eau mouille qu’il faut prétendre le contraire ! Personnellement, je n’ai jamais voté pour elle mais je n’ai, cette fois, pas voté pour Macron par défaut. J’ai voté blanc et je ne me suis pas senti pour autant « antirépublicain » !
Alors que les politiciens fassent de la bonne politique et, en l’absence d’ennemis de la République assumés, qu’ils cessent de délivrer bons et mauvais points en fonction de qui est « républicain » et qui ne l’est pas !
JM
PS/ L’écriture inclusive est-elle « républicaine » ?
[1] / Qui n‘est plus le « Front national » de Jean-Marie, même si l’on peut encore y dénicher quelques vestiges contestables…
[2] / La 5ème, depuis qu’on les compte. Les précédentes étaient-elles plus ou moins « républicaines » ?
[3] / La « République populaire de Chine », peu démocratique ; est-elle vraiment républicaine ? Pétain – qui n’a pas rétablit la royauté –a cependant remplacé la « République française »par « l’État français ». Les dictatures se veulent rarement républicaines. Le chef tient lieu de roi et le peuple n’a d’autre droit que de l’approuver …
[4] / Il a fallu attendre 1945, par exemple, pour que les femmes aient le droit de vote !
[5] / L’écœurement n’est d’ailleurs pas la seule raison qui éloigne les électeurs des urnes. Bien des abstentionnistes reconnaissent qu’ils ne comprennent rien à la politique et qu’ils ne sont conscients ni des enjeux, ni des valeurs véhiculées par les divers candidats. L’instruction civique est la parente pauvre de notre système éducatif et l’on ne trouve plus de structures sociales permettant de s’initier à la chose publique. Notre République est devenue une république de consommateurs.
[6] / Comme si la référence au peuple était une tare !
[7] / ceux qui flatte les bas instincts du peuple sans se soucier de ce qu’il est possible de faire.
[8] Pierre Serna, par exemple, (historien spécialiste de la Révolution française) écrit dans l’Humanité : « Dans sa détestation du cosmopolitisme et de l’universalisme, l’extrême droite semble oublier que le droit du sol est une vieille coutume française issue de la monarchie. Des édits du roi proclament “ qui pose son pied sur le sol de France est libre“. Cela va produire tout une législation au XVIIIe siècle pour contrôler les propriétaires des plantations des Antilles, qui se déplacent sur le territoire avec des esclaves. Bien entendu, ce principe n’est pas un principe républicain mais un principe français. » Ceux qui contestent le droit du sol ont peut-être tort mais ne sont donc pas « antirépublicain » !
Dans une brochure du ministère de l’éducation nationale de juin 2021, prétendant recenser les principes républicains, on lit ceci :« Héritage précieux de la philosophie des Lumières, l’universalisme républicain s’oppose aux privilèges et aux discriminations. Il fait participer les membres du corps social aux affaires communes en tant que personnes et non en tant que membres de groupes définis par des particularités natives telles que le sexe ou l’origine. Il permet de bâtir un “Nous national“en brassant et non en segmentant, en valorisant tout un chacun comme citoyen et non comme membre d’une communauté en refusant les ségrégations que connaissent les sociétés organisées sur une base ethnico-religieuse. » C’est à peu près ce que défendent les nationalistes dits d’ « extrême-droite » !
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