La réussite
La réussite. Le succès. Chaque jour, ces mots s’évaporent dans mon esprit. Tel un humidificateur d’air, les vapeurs de la réussite se disséminent pour parfumer ma pensée dans ses moindres recoins. La brume s’amplifie au contact des autres. L’essence de l’humidificateur croît au rythme des paroles rendant l’odeur écœurante et répugnante. Et quand l’air est trop humide et parfumé, les organismes pathogènes se développent à une vitesse exponentielle : la moisissure s’incruste doucement pour, à terme, détruire. Réussite sociale, réussite professionnelle et réussite amoureuse sont fondamentales. De façon plus synthétique, il s’agit d’être aimé, d’être riche et accouplé. Ces trois préceptes sont au cœur de nos agitations quotidiennes et participent activement aux exaltions de la vie quotidienne. Pour la doxa mondiale, la réussite est un déterminant essentiel à la vie. Et comme un coton-tige s’embourbant jusqu’au tympan de l’oreille à un rythme soutenu et frénétique, les termes de « vie réussite » et « vie ratée » nuisent dangereusement à mon ouïe.
Dans le monde actuel, les termes normes et procédures sont des prérequis à la vie du 21ème siècle. En aucun cas, mon objectif est de cogner brutalement sur un système basé sur l’organisation et la rigueur car il nous a permis de vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions. C’est factuel, un système organisé et normé contribue à l’amélioration du niveau de vie. Il s’agit d’abolir la réussite ou l’échec des consciences.
Attardons nous sur la réussite professionnelle : aujourd’hui les métiers de la gestion, de la finance, du management sont mis à l’honneur. Ce sont des travaux qui suscitent admiration. Plus une entreprise est grande et globalisée, plus elle sera reconnue et enviée. Elle développera des partenariats avec les écoles, mettra en place de nouvelles procédures visant à améliorer la productivité et l’épanouissement personnel des employés, instaurera des programmes pour devenir manager et augmenter hiérarchiquement dans la corporation. De belles idées, de beaux projets qui, selon les plus grands, enrichissent le monde, participent à cette dynamique exceptionnelle et façonnent le capitalisme. La conscience populaire est divisé sur ce point : certains diront que c’est merveilleux, d’autres rejetteront l’idée de capitalisme et le combattront jusqu’à ses entrailles. Le véritable danger du capitalisme est sa perspective cannibale, vorace et insatiable. Et ce risque est décuplé du fait de la vision egocentrique de l’homme. Et c’est à ce point très précis que l’idée de réussite m’est insupportable. A l’heure d’aujourd’hui, il apparait inconcevable de jouir sur le malheur des autres. Ce sentiment de compassion est ancré en chacun de nous et la littérature française témoigne de la capacité humaine à éprouver de l’attendrissement. Dans beaucoup de domaine, l’idée de réussite repose sur l’exploitation des autres. En consommant à outrance et sans réflexion préalable, on participe activement à la destruction de l’humanité. Et sans plonger dans les extrêmes ou le totalitarisme communisme, la maitrise de la consommation semble la solution miracle à la débâcle actuelle. Il est usuel d’écouter de grands insurgés anticapitalistes engloutir des litres de Coca Cola et ne consommer que des produits émanant de l’étrangers. Il est chronique d’entendre de grandes prêtresses de la mode, des vêtements, de la fourrure, du cuir, être végétarienne et même végétalienne. Les notions de réussite, de vie réussite, de vie ratée sont aujourd’hui totalement contrefaites. Le défi d’aujourd’hui ne se cantonne pas à modifier le système, mais à se modifier soi-même et à redéfinir les expressions qui régissent nos vies. Le défi consiste à corriger notre perception de la réussite en y incorporant le respect du travail et des autres. Jamais l’indicateur de consommation n’a été aussi révélateur. La réussite n’est pas un acquis mais une philosophie et son effet est immédiat. La réussite, synonyme de labeur et de succès n’est qu’un écran de fumée face à l’authentique réussite. Acter pour une modification de la consommation a une valeur, qu’elle soit factuelle ou psychologique, beaucoup plus importante que toutes démarches. Les urnes, les manifestations, les syndicats n’y changeront rien : tant que la consommation est orientée sur le low cost, sur l’anti qualité, sur la rapidité, sur l’éphémère, personne ne viendra en aide à ce système décimé. Tant que l’on consommera aveuglement en ne prenant en compte que le prix, la réussite ne sera réduite qu’à un mot charognard et meurtri.
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