La Saga Le Pen et l’impasse du FN
Certains dans la presse exploitent à fond le conflit entre un père et une fille. Ce conflit des égos quasi-œdipien au sein même de la PME familiale qu'est le FN et qui concerne, non seulement la politique, mais aussi les biens et les revenus publics et privés qu'elle rapporte aux membres du clan a de quoi passionner les amateurs de romans, des tragédies antiques aux drames et récits modernes développés dans les livres de gare et revues populaires spécialisées dans ce genre de littérature grand public. Chacun peut faire l'expérience des affaires de famille et d'héritage et facilement s'identifier à l 'un ou l'autre des protagonistes
La politique ramenée à une affaire de conflit familial a de quoi rassurer quiconque n'est pas particulièrement sensible aux antagonismes et aux enjeux réels de la vie politique. On peut comprendre que cela fasse le buzz dans les médias. Mais que d'autres journalistes plus sérieux spéculent sur l'accroissement des chances de la stratégie de dédiabolisation du FN impulsée par Marine Le Pen et son entourage afin de parvenir au pouvoir ne semblent pas s'apercevoir que ce conflit signe aussi l'impasse dans lequel se trouve le FN, fille inclue, est pour le moins étonnant de leur part.
Au-delà de ce combat d'égos, quelles sont en effets les divergences et les points communs entre la ligne politique du père et celle de la fille ? En quoi ces divergences et ces points communs eux-mêmes révèlent-ils l'incapacité du FN -laquelle pourrait générer son implosion en plein vol- à devenir un parti politique républicain de gouvernement ?
Les points communs idéologiques :
Ils sont quatre :
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La préférence nationale sur un fond plus ou moins xénophobe, manifestant un nationalisme ethnique, marqué, en particulier, par le refus de l'immigration extra-européenne provenant du sud méditerranéen, du proche et du moyen orient et/ou des marges de l'UE (Balkans)
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Le refus des traités européenne incluant celui de la libre circulation (Schengen) et celui concernant la cour européenne des droits de l'homme auxquels la France a adhéré et donc le refus de la constitution française elle-mêmes qui a intégrée en son sein ces traités.
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Le protectionnisme économique et le rétablissement des frontières et des droits de douane nationaux
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La sortie de l'Euro et le retour, au moins en interne, au franc
Les divergences stratégiques et tactiques :
Elles sont trois :
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L'abandon par sa fille des thèmes de propagande ouvertement racistes, antisémistes et pétainistes du père.
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Le ralliement de la fille aux revendications « gauchistes » et anti-libérales sur le plan économique de l'accroissement du rôle de protection sociale et souverain de l'état, ainsi qu'aux revendications du monde ouvrier et de certaines couches défavorisées, en en excluant évidemment les immigrés et/ou les non-français(SMIC, retraites etc)
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Le désir de la fille et de son clan de se rallier une grande parie de l'électorat de l'UMP et populaire afin de participer en position de force à un gouvernement de la droite dure sous sa direction.
Mais ces divergences de la fille par rapport à son père (pour faire vite) que résume le terme de dédiabolisation du FN entre en contradictions avec les points communs qu'elle partage avec son père. Quelles sont ces contradictions ?
Elles sont de trois sortes :
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L'idéologie dominante de la base militante du FN est celle du père et refuser la ligne du père c'est mettre en cause le FN dans son entier comme parti xénophobe d'extrême droite.
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L'idéologie dominante de base électorale du parti dans le Sud le la France n'est pas celle du parti dans le Nord ou l'Est. La première est héritière d'un racisme anti-arabe et post-colonial, la seconde est avant tout soucieuse de protection sociale contre le chômage et n'est que très marginalement xénophobe. Ce dernier électorat provient de la gauche communisante et reprend l'essentiel de ses thèmes traditionnels.
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S'il s'agit pour la fille de rallier en position de force une grande partie l'électorat de l'UMP, c'est pour détruire ce parti et non pour s'allier avec lui. Or cela est impossible, car l'UMP et les centristes, dans et hors de ce parti, sont pro-européens et pro-Euro, du seul fait que leurs soutiens sociaux, les entreprises et les détenteurs du pouvoir économique, le sont et que la ligne de Martine Le Pen leur apparaît, à tort ou à raison, gauchiste, voire anti-capitaliste ! Ceux-ci ne laisseront pas détruire ce parti sauf à se détruire eux-mêmes sur le plan politique et ils ont les moyens infiniment supérieurs à ceux de Marine Le Pen de maintenir ce parti, sous quelque nom que ce soit, et de bloquer toute possibilité de sortir de l'UE et de l'Euro.
C'est dire que le père a raison contre sa fille : Le FN ne peut pas devenir un parti de gouvernement, sans se détruire lui-même, car le refus de toute alliance du père comme de la fille avec l'UMP et sa base sociale le lui interdit. Il doit rester un parti de protestation nationaliste qui seul lui permet de préserver son électorat et donc les revenus familiaux du clan Le Pen. Les nouveaux arrivants dans le FN, tels Philippot et consorts, ne font pas partie du clan et n'ont donc aucune chance de changer sa ligne entrepreunauriale. Ils sont les dindons d'une farce dont ils ne peuvent rien espérer, sinon tirer quelques ficelles totalement pourries qui leur cassera dans les mains. Quand ils commenceront à s'en apercevoir, ils n'auront plus qu'à tirer la révérence à une formation qui est plus clanique que politique d'autant plus que le nerf de la guerre appartient pour l'essentiel au père et/ou appartiendra, semble-t-il, à la petite fille et non à la fille...
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