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Accueil du site > Tribune Libre > La sélection à l’entrée de l’Université ne doit plus être (...)

La sélection à l’entrée de l’Université ne doit plus être taboue !

      Alors que certains syndicats refusent d’entendre parler de sélection, il faut admettre que son interdiction entraîne un certain nombre de coûts supplémentaires pour l’Université.

S’il est faux de dire qu’il n’existe pas de sélection à l’Université, puisqu’au cours de l’ensemble de la licence, elle se fait par l’échec (environ 19 % des bacheliers entrés dans le supérieur en sortent sans diplôme, soit environ 69 000 jeunes par an), il est en revanche vrai qu’il n’y a pas de restriction légale à l’entrée en L1. Le problème de la sélection est repoussé au M2, et les Universités ne s’en privent pas.

 

L'ABSENCE DE SÉLECTION JUSQU’EN MASTER 2

En effet, la sélection ne peut, en théorie, s’opérer qu’en deuxième année de Master[1]. Par ailleurs, l'accès en M1 pour les titulaires de la licence, dans le même domaine, est de droit[2]. Il est donc clairement établi que la sélection ne peut se faire qu’en M2.

Cependant, depuis l’adoption du système européen d’enseignement supérieur (avec le processus de Bologne), la réforme LMD a supprimé de jure toute sélection, y compris en M2 ! En effet, l’article L621-1 du code de l’éducation organise l’enseignement universitaire en cycles. Ainsi, le juge administratif a récemment décidé que la sélection ne pouvait s’organiser qu’à l’entrée d’un cycle (donc en M1 pour le cycle Master), conformément au droit européen (TA Bordeaux, 5 déc. 2013, dans lequel une étudiante, refusé en M2 de droit privé, a obtenu gain de cause). Si on applique les différentes dispositions et interprétations données, il n’y a de jure plus aucune sélection à l’Université !

Mais une sélection de fait s’organise : par le tirage au sort (le plus souvent faute de places disponibles, même si ce motif n’est pas valable aux yeux du juge administratif), par les doubles licences… Au total 27 institutions universitaires pratiqueraient une sélection silencieuse[3].

Le mot sélection recouvre plusieurs sens. Mais souvent le débat se focalise sur son acception la plus extrême symbolisée par les classes préparatoires et les grandes écoles. Or, comme nous le verrons plus loin, la sélection peut aussi signifier « trouver à chacun une formation adaptée » par le biais d’une orientation très active et une désincitation à l’inscription dans des filières dont les prérequis exigés ne correspondent pas aux compétences de l’étudiant.

 

LE COÛT DE L’ABSENCE DE SÉLECTION

 L’absence de sélection a donc un coût. Même si elle s’opère par l’échec, les étudiants mal orientés et inscrits en L1 sont une charge pour les universités et la collectivité.

Chiffrer ce coût est bien entendu difficile faute de données très précises. On peut néanmoins en donner une fourchette ou une estimation à partir du coût effectif moyen d’un étudiant (qui correspond au coût d’une inscription pour l’établissement, et en prenant en compte les aides sociales et fiscales reçues par l’étudiant et se famille…) et du taux d’échec.

Le coût effectif moyen d’un étudiant à l’université est de 13 893 € en 2011 (12 960 au titre des dépenses moyennes par étudiant y compris mesures sociales et fiscales auxquelles s’ajoutent 933 € de bourses[4]).

Nous reprenons par la suite les diverses études de suivi réalisées par le ministère de l’éducation concernant les étudiants ayant obtenu leur bac en 2005[5] et 2008[6][7][8] et inscrits dès l’année suivante en L1 à l’Université (cf Tableau 1).

Tableau 1 : Effectifs, taux d’échec et de redoublement des bacheliers 2005 et 2008 inscrits en Licence

bach3

On constate très vite, pour la cohorte 2005, que la grande majorité des bacheliers professionnels et technologiques n’a pas obtenu la licence 5 ans après, soit par abandon ou par réorientation. Et presque la moitié concernant les bacs généraux. Pour la cohorte 2008, 46% des bacheliers professionnels et 48% des bacheliers technologiques avaient abandonné ou s’étaient réorientés dans un autre cursus hors licence en 2009. Parmi les bacheliers généraux, le taux d’abandon ou de réorientation est plus important chez ceux qui ont eu leur bac sans mention.

A partir de ces données, on peut dresser plusieurs hypothèses pour estimer le coût de l’absence de sélection (Tableau 2).

La première repose sur l’échec 5 ans après des étudiants bacheliers en 2005 et inscrits la même année en L1. Ici, on prendra seulement en compte le coût de l’inscription en L1.

La deuxième est une hypothèse restreinte sur la cohorte 2008 qui ne prend pas en compte le redoublement en fin de première année (il est impossible de savoir parmi ces redoublants en 2009 lesquels ont réussi à obtenir leur licence ou non), mais prend en compte le taux d’abandon et de réorientation et le changement de licence en L1 en 2009, et l’inscription en L1/L2 en 2010 et 2011 (soit 2 et 3 ans plus tard).

La troisième est une hypothèse large qui prend en compte le redoublement en plus du reste de l’hypothèse 2.

Tableau 2 : Les différentes hypothèses du coût

bach1

En prenant une hypothèse moyenne, on peut estimer le coût de l’absence de sélection en L1 à 1,4 milliard d’euros. Pour donner une idée, ceci représente environ 80% de l’aide de l’Etat pour la bourse sur critères sociaux (Tableau 3).

Tableau 3 : Estimation du coût de l’absence de sélection (en milliards d’€)

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Cette estimation n’est évidemment pas scientifique, mais donne une idée du coût pour la collectivité de l’absence de sélection, en plus d’autres coûts (conditions de vie universitaire, détournement des meilleurs étudiants vers des institutions privées ou prépas, et pour l’étudiant concerné par l'échec, perte d’une année, voire abandon des études alors qu’il aurait pu trouver sa place ailleurs (IUT, STS…).

De fait, et bien que l’Université soit « gratuite » pour les étudiants boursiers, la France se trouve mal classée concernant les aides publiques à l’enseignement supérieur (environ 8% de la dépense publique d’éducation supérieure, contre 21% en Italie ou 13% en Allemagne).

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ASSURER UNE FORMATION ADAPTÉE A CHACUN

La sélection ou l’orientation très active deviennent donc une nécessite si on veut assurer les cours à l’Université dans les meilleures conditions et revaloriser le diplôme de Licence. En effet, l’immense majorité des étudiants qui réussissent en L1 obtiennent par la suite leur licence.

Il ne s’agit pas d’interdire aux bacheliers technologiques son accès, mais d’organiser leur réussite. Ainsi, la sélection peut tout aussi bien prendre la forme d’exigences de prérequis, et si ces derniers font défaut, permettre une remise à niveau au moyen d’une année de propédeutique, ou encore de cours de soutien obligatoires.

Marcel Gauchet rappelait dans un entretien au Monde en 2009 que la « sélection veut dire, dans ce qu’il y a de juste dans l’idée, choix des étudiants par les universités en fonction des compétences réclamées par le cursus qu’ils ont pu suivre. Mais en même temps, il faut que tout le monde trouve une place. Si l’idée de sélection passe si mal en France, c’est qu’elle est comprise comme une idée malthusienne. Il y a des gens qui n’auront pas accès à des études universitaires. C’est de cela qu’il faut sortir. La bonne politique, c’est de trouver à chacun une formation adaptée à ses possibilités, au niveau universitaire, dans la diversité des formations que cela réclame.".

La dualité de l’enseignement supérieur français entre grandes écoles ultra-sélectives et IUT/STS qui pratiquent la sélection d’un côté et l’Université qui ne la pratique pas de l’autre, conduit les premières formations à capter les meilleurs élèves. Ceci aboutit à ce que les IUT soient « trustés » par les bacheliers généraux alors mêmes que ces filières étaient d’abord destinées aux bacheliers technologiques.

La sélection, sous sa forme atténuée, permettrait d’augmenter le taux d’encadrement des étudiants, d’accroître le nombre d’heures de TD, de soutien etc… Il ne s’agit donc pas d’organiser une sélection sur dossiers, et de mettre en concurrence les universités.

Cette réforme pourrait très bien se réaliser à coût constant, pourvu que la réussite des néo-bacheliers s’améliore.

Il ne doit plus s’agir d’un tabou, et le débat doit être ouvert.


 

[1] articles L 621-1 et L 621-6 du Code de l’éducation

[2] article 11 de l’arrêté du 25 avril 2002

[3] http://focuscampus.blog.lemonde.fr/2013/10/25/la-selection-a-luniversite-encore-un-mythe-qui-secr/

[4] http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/etat_du_sup_en_2013/41/6/EESR_2013_Complet_116_web+index_250416.pdf

[5] http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/etat_du_sup_en_2013/41/6/EESR_2013_Complet_116_web+index_250416.pdf page 49.

[6] Les bacheliers 2008 entrés dans l'enseignement supérieur après leur bac : situation à la rentrée 2011

[7] Les bacheliers 2008 entrés dans l'enseignement supérieur après leur bac : devenir deux ans plus tard

[8] Bacheliers 2008 entrés en L1 après leur baccalauréat : situation à la rentrée 2009

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15 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 29 septembre 2014 10:20

    il faut réserver les études aux riches ?
    le BAC sert à rien et il faut une licence pour faire le ménage


    • foufouille foufouille 29 septembre 2014 11:11

      "Donc, premiers sanctionnée et doublement : les catégories intermédiaires et plutôt dans les couches basses de la même catégorie. "
      les bourses ne sont pas super grosses, non plus.
      et dans certains départements, y a pas de fac à moins de 150 km.
      c’est vrai que le plafond des aides est vraiment très bas. mais il vaut mieux avoir des parents avec un peu d’argent rien que pour la caution.
      pour le reste, il faut toujours voir la lumière au bout du tunnel.



    • foufouille foufouille 29 septembre 2014 11:25

      « La lumière est certainement pas au bout du tunnel dans ce pays. »
      mais si et c’est pareil ailleurs


    • foufouille foufouille 29 septembre 2014 16:27

      c’est pas ce que j’ai lu. ailleurs, c’est l’austérité en plus.


    • foufouille foufouille 29 septembre 2014 11:14

      c’est aussi rare que chez les autres.


    • foufouille foufouille 29 septembre 2014 11:27

      tu en connaît beaucoup ?
      j’en connaît beaucoup qui font semblant quand on fouille un peu dans leurs tête.


    • foufouille foufouille 29 septembre 2014 16:49

      "Il y en a beaucoup sur agoravox qui étalent cursus étincelants, pour ne produire que des citations (faciles à trouver n’importe où sur le net), sans la moindre analyse sur la fameuse citation ou avis personnel sur les questions."
      tout à fait d’accord avec toi. c’est pourquoi bien connaître les gens est indispensable


    • Passante Passante 29 septembre 2014 16:09

      le projet initial de l’université à sa naissance était bien de créer un espace 

      séparé de la société, pour « penser » - full stop ; et penser, entre autres, la société.
      théologie, philo, sciences, techniques etc... et, très loin, le marché.
      aujourd’hui c’est l’inverse : marché, techno, sciences, etc.

      l’université, en esprit, est donc morte y’a longtemps ;
      restent, oui, quelques filiales, où vraiment un savoir, un réel apprentissage.
      pour le gros soyons impitoyables : 
      le scolaire est truffé de pathos qui dégoûte les gosses de toute lecture, à jamais, 
      leurs choix sont bidons, leurs méthodes sont chiantes, 
      et cette association lire-école-examens est une des grandes nuisances 
      ravageuses de l’humanité, 
      génocide culturel, plus que des librairies pour enfants déjà,
      et plus personne pour se souvenir d’avant surtout, c’est weaky-bouclé.

      je n’ai commencé à gagner des choses dans la vie que lorsqu’il y eut pour moi ce miracle 
      que la lecture et l’école n’avaient rien à voir, & presque s’opposaient.

      la fac, parlons-en tiens... troisième cycle et tralala, néant ! 
      que de thésards et de théseux qui savent pas un rond. 
      la fac m’a même pas donné 1% de ce que j’ai appris en lectures, c’est clair, 
      c’est un abrutissoir, on va vous expliquer que vous savez, alors que vous connaissez rien, 
      des ignares complets se voient décorés de titres, & cette comédie est lassante, 
      mais utile... faut bien que les gens s’imaginent que leur système moribond fonctionne encore, 
      que les études tu comprends, tout ça, 
      fouthèses...

      mon diplôme ornementé ne m’a jamais servi à rien ! nada.
      tous les jobs que j’ai exercés c’est du pur auto-didacte, et en solutions de remplacement,
      et ça marche tellement mieux : au résultat !..
      « 12 métiers, 13 misères... », dit le dicton ?
      oui, au début, 
      puis une fois roulée la bosse, c’est le boss qu’on peut rouler...
      jusqu’à devenir bosse -
      mais ça, à la fac, t’apprendras jamais.

      j’t’explique - mathématiquement :
      donc la fac on a dit ?
      une dizaine de cours en un an ?
      donc 50 en cinq ans ?
      100 pages manuscrites par cours ?
      total 5.000 pages ?
      tu vas passer cinq ans fichus ronds sur ça... que tu peux lire en deux mois ?
      faut vraiment être con.

      • Passante Passante 29 septembre 2014 18:18

        lorsque lire c’est « à côté », ou « en plus »,

        on est déjà hors-jeu, con et pétant.

        nb : j’ai dit facs, mais ça vaut aussi pour « graaandes écoles », 
        c’est tout l’édifice quoi, et c’est pas question de fric à l’entrée,
        si je suis pas la fac, tout le reste est fac off.

      • Passante Passante 29 septembre 2014 18:55

        légèrement plus darkvador que bisounours là quand même ..

        faut la vouer -
        question édifier le comment taire, l’important c’est l’adresse,
        et quelque soit le pluriel, parler morale à un collectif en vous, 
        c’est s’assurer le sans réponse ?
        aucune idée.

      • Passante Passante 29 septembre 2014 19:54

        mais au plaisir, et nulle rouille lisible, il vous va à mère veille ..


      • foufouille foufouille 30 septembre 2014 16:23

        il prend en compte le salaire des profs ..........


      • foufouille foufouille 30 septembre 2014 20:23

        à ton époque le bac ne servait pas à rien.
        on est en 2014


      • Pere Plexe Pere Plexe 29 septembre 2014 18:55

        Au moins l’avantage de ces officines Frontistes c’est qu’elles dévoilent le vrai visage du FN, et ses vrais intentions.


        • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque (Courouve) 29 septembre 2014 22:05

          Les tableaux ne sont pas fiables, Cambadélis fausse toutes les statistiques.

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