La soutane et la croix gammée : Mgr Jozef Tiso, un prêtre au service du IIIe Reich
Jozef Tiso, né en 1887 en Slovaquie, incarne une énigme historique. Prêtre catholique, nationaliste et président d'un État collaborant avec les nazis, il révèle la complexité des choix individuels en temps de crise.
L’ascension vers le pouvoir
Jozef Tiso grandit dans un environnement catholique et nationaliste. Après avoir été ordonné prêtre en 1910, il s'engage dans la vie politique, devenant membre du Parti populaire slovaque (Slovenská ľudová strana) fondé par Mgr Andrej Hlinka, camérier du pape Pie XI. Ce parti prône l'autonomie slovaque au sein de la Tchécoslovaquie, alors dominée par les Tchèques. Il se distingue rapidement par son charisme et son habileté politique, devenant un leader influent au sein du mouvement national slovaque.
Avec le démembrement de la Tchécoslovaquie en mars 1939, à la suite des accords de Munich et de la pression allemande, Jozef Tiso joue un rôle clé dans la proclamation de l'indépendance de la République slovaque le 14 mars 1939. Il est nommé président du nouveau gouvernement. Le 14 octobre, il devient président de la République slovaque. Sous sa direction, la Slovaquie adopte une politique pro-nazie, cherchant à gagner et à conserver le soutien de Berlin tout en consolidant son pouvoir interne.
Collaboration étroite avec le Troisième Reich
Jozef Tiso, en tant que président de la République, met en œuvre des politiques qui reflètent les idéaux nationalistes slovaques et les exigences du régime nazi. Son gouvernement adopte des lois antisémites, entraînant la persécution des juifs slovaques, qui sont progressivement exclus de la vie publique et économique. En mai 1942, il autorise la déportation de milliers de juifs vers les camps d’extermination nazis, une décision qui reste l'un des aspects les plus sombres de sa brève carrière de chef d’État. Près de 70 000 juifs slovaques périront dans les camps de la mort, principalement celui d'Auschwitz-Birkenau.
Néanmoins, les déportations sont brutalement interrompues en octobre, lorsque la réalité des camps d'extermination éclate au grand jour. La loi autorisant ces déportations est abrogée face à l'indignation croissante de l'opinion publique, qui a pris conscience de l'ampleur de la tragédie. Paradoxalement, cette prise de conscience tardive fait de la Slovaquie un refuge temporaire pour de nombreux juifs, notamment hongrois, à partir de mars 1944.
La collaboration étroite et contre nature de Mgr Jozef Tiso avec le régime nazi est motivée par un mélange de pragmatisme politique et de convictions idéologiques. Il espère que le soutien de l'Allemagne lui permettra de renforcer l'autonomie slovaque et de réaliser les aspirations nationalistes de son peuple. Toutefois, cette alliance le place également dans une position très délicate, car il doit naviguer entre les exigences de Berlin et les aspirations légitimes de son propre peuple.
Au fur et à mesure que la guerre progresse, la situation en Slovaquie devient de plus en plus instable. Les tensions internes s’intensifient, avec des mouvements de résistance qui émergent contre le régime de Tiso. En août 1944, le soulèvement national slovaque éclate, visant à renverser le gouvernement pro-nazi. Confronté directement à cette révolte, il appelle à la répression et sollicite l'aide des forces allemandes pour écraser le soulèvement populaire dans le sang. Les nazis déportent à nouveau les juifs jusqu'au mois d'octobre.
La défaite de l'Allemagne nazie en 1945 marque également la fin du régime de Jozef Tiso. Alors que les troupes soviétiques avancent en Slovaquie, il fuit vers l'Autriche, espérant ainsi échapper à la capture. Il est finalement arrêté par les autorités militaires alliées et extradé vers la Tchécoslovaquie.
Mgr Tiso face à la justice
En 1947, l’ancien président de la République slovaque est jugé pour trahison, collaboration avec l'ennemi et crimes de guerre. Son procès est marqué par des tensions politiques, alors que le pays cherche à se reconstruire après les horreurs de la guerre et à faire face à son passé. Jozef Tiso plaide sa défense en affirmant qu'il a agi dans l'intérêt de la Slovaquie et qu'il n'était qu'un instrument aux mains des puissantes forces de l’Axe.
Cependant, le tribunal pro-soviétique ne lui accorde aucune clémence, bien qu’il ait accordé plus de 2 000 grâces présidentielles aux juifs baptisés, entre autres, et mis un terme à la déportation des juifs, quelques mois après l'avoir légalisée. Le 18 avril 1947, Mgr Jozef Tiso est pendu à Bratislava, à l'age de 59 ans, mettant ainsi un terme tragique à sa vie. Au-delà des enjeux politiques, cette exécution représente la fin d'un homme, d'un prêtre et d'un ancien chef d'État.
Sa mort marque un tournant pour la Slovaquie, qui bascule dans une nouvelle ère dominée par l'idéologie communiste. Les circonstances de son procès et de son exécution continuent de faire l'objet de débats, témoignant de la complexité de cette figure historique. Il jouit encore d'une solide popularité en Slovaquie, dont il fut le premier président de la République.
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