La stratégie turque de création de crise
Beaucoup peuvent constater que la Turquie a fait beaucoup de progrès et de succès au cours des deux dernières décennies, en particulier sur le plan économique. Mais ces dernières années ont été marquées par un flux constant de pertes et de coups. Ces coups ont sapé bon nombre de ces succès et réalisations. La Turquie est passée d’un modèle et d’un « rêve, » du moins au niveau du drame et de l’irréalité, à un exemple et à un modèle, mais dans la direction opposée, c’est-à-dire dans l’autodestruction et le passage du succès à l’échec et aux divisions.
L’une des raisons ou l’un des secrets de cette transformation négative et de la grave détérioration de la situation turque réside dans la transformation politique en cours dans le pays.
Le pays a réalisé beaucoup de choses grâce à la politique du « zéro problème » menée par l’ancien ministre des Affaires étrangères Davutoglu, l’architecte de la politique étrangère du pays dans l’une de ses phases historiques les plus importantes. C’est une politique contre laquelle le président Erdogan s’est retourné lorsqu’il a mobilisé toutes les sources de pouvoir, d’influence et d’autorité et les a mises entre ses mains par le biais d’un amendement constitutionnel qui a changé la forme constitutionnelle et politique de l’État turc, juste pour rester en fonction pendant de plus longues années.
Après le tournant de la page Oglu, la Turquie ottomane d’Erdogan est passée de zéro problème à « mère de tous les problèmes, » car elle est devenue un facteur de crise et une source de désagréments et de tensions régionales.
Elle a été le théâtre de conflits, de catastrophes et de désaccords-dévastateurs pour l’économie turque-avec les grandes puissances internationales telles que les États-Unis et l’Union européenne. Elle a mené une intervention militaire illégale en Syrie et se prépare à intervenir en Libye sous prétexte de soutenir le gouvernement d’entente nationale dirigé par Fayez al-Sarraj contre l’armée nationale libyenne dirigée par le général Khalifa Haftar.
Le Président s’efforce de diviser les rangs arabes et d’approfondir les différences arabo-arabes et de profiter de toute circonstance ou d’une brèche dans le mur des relations arabes pour retrouver la gloire de ses ancêtres.
Dans ce contexte, le Président Erdogan a récemment effectué une visite de reconnaissance en Tunisie, accompagné d’une délégation des ministres turcs des Affaires étrangères et de la Défense et de responsables des services de renseignement. L’intervention militaire de la Turquie était fermement inscrite à l’ordre du jour des entretiens avec le nouveau président tunisien, Qais Saïd. Saïd n’a pas offert un soutien clair à la tentative turque vers la Libye.
Mais Erdogan a profité de sa présence près de la frontière libyenne pour annoncer qu’il répondrait à la demande du gouvernement de Tripoli d’envoyer des troupes turques dans le cadre d’une intervention militaire turque officielle approuvée par le parlement turc. Bien que la visite d’Erdogan en Tunisie n’ait pas atteint les résultats dont il rêvait, elle a créé une atmosphère peu agréable pour la nouvelle présidence tunisienne.
La nouvelle présidence tunisienne est encore dans une phase de formulation de sa stratégie internationale. La visite de certains a semblé être un alignement tunisien aux côtés de l’axe turc connu pour son hostilité envers les pays arabes et ses interventions ouvertement provocatrices en Syrie. La présidence tunisienne a donc pris l’initiative de se distancier de toute interprétation inexacte de cette visite. La présidence tunisienne a déclaré que le pays n’entrera pas dans la politique des axes.
Erdogan joue un jeu très dangereux sur le plan régional. Ses actions téméraires menacent d’enflammer un conflit régional dont les effets et les implications ne sont pas connus.
En particulier, certains rapports indiquent que la Turquie a transféré des milliers de terroristes d’Idlib à Tripoli pour se débarrasser du risque de les avoir près de la frontière turque, en prétendant soutenir le gouvernement d’entente nationale.
Erdogan risque de disperser le pouvoir de son pays et de détruire son économie parce qu’il est pleinement conscient du danger de son intervention militaire directe en Libye, et qu’il devra faire face au rejet des Russes, des Américains et des Européens.
De même, l’Égypte et les pays arabes rejettent cette ingérence flagrante. Cette intervention reflète le mépris d’Erdogan pour la volonté internationale et régionale et sape les exigences arabes en matière de sécurité nationale.
La décision d’Erdogan d’intervenir en Libye sera le dernier clou dans le cercueil de ses ambitions autoritaires et de ses aventures régionales, qui ont conduit l’AKP à une fin malheureuse, que ce soit à cause des scissions des hauts dirigeants du parti qui s’opposent à la politique et à la dictature de Erdoğan ou à cause des pertes de l’économie turque ces dernières années et de la dépréciation sans précédent de la monnaie causée par les conflits quichottesques que Erdoğan enflamme.
Le président Erdogan risque les intérêts de la Turquie pour réaliser son programme personnel et son désir de soutenir l’organisation terroriste des Frères musulmans qui compose le gouvernement de Sarraj, et pour affronter l’Égypte et créer des problèmes dans son voisinage régional.
Il parle d’étranges allégations telles que la protection des citoyens libyens d’origine turque en Libye, dans une position qui fait fi de tous les principes, normes et conventions internationaux.
Une intervention militaire turque en Libye serait une entreprise irréfléchie par toutes les mesures et tous les calculs stratégiques. Ses effets désastreux ne toucheront pas seulement le régime turc, mais toucheront également la Libye dans le présent et dans l’avenir. Les flammes pourraient même se déplacer vers d’autres régions et pays.
La communauté internationale a une grande responsabilité pour freiner l’ambition du sultan turc et arrêter son plan d’intervention destructeur en Libye.
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