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Accueil du site > Tribune Libre > La suspendue de la République - Sihem Souid

La suspendue de la République - Sihem Souid

« C'est en faisant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui. »
Rémi Gaillard

Le nouveau livre signé Sihem Souid est une sorte d’agenda linéairement fastidieux relatant les tracas administratifs, et tentatives médiatiques et politiques, qui ont ponctué le laps de temps écoulé entre ses deux publications aux éditions du Cherche-Midi.

La construction est donc chronologique, et dans les faits, on n’apprend pas grand-chose de plus qui n’ait déjà été relaté et monté en épingle dans une presse fidèlement attentive au buzz Sihem Souid.

Même la promesse faite en quatrième de couverture de révéler tout des négociations secrètes, rendez-vous discrets avec l'institution et autres intrigues de coulisses, n’est pas tenue.
Au mieux y trouve-t-on comme amusante révélation un rendez-vous cordial avec Nicolas Comte, secrétaire général du syndicat majoritaire des gardiens de la paix, dans un café de la place de la Bastille (plus hype et plus discret qu’au siège du SGP Unité Police ?) Des dires de Sihem Souid, leur conversation les met si bien en phase, qu’il lui demande de faire partie de la liste de ses soutiens publics, lequel soutien est en effet réaffirmé dans les colonnes du JDD dix jours plus tard. Homme d’engagement versatile et petites peaux de bananes entre amis, il la privera néanmoins de son appui et de celui de son syndicat, suite à un tract moqueur d’Alliance le syndicat adverse, qui en aurait été récompensé sous-entend Sihem Souid.
L’auteur semble pourtant lui pardonner cette faiblesse, loue l’action syndicale de Nicolas Comte, et conclue son chapitre par l’attente d’un mea-culpa de celui-ci.
Et aussi, pour amuser les vrais flics sanctionnés pour bien moins, le récit de la rencontre avec le commissaire divisionnaire Jacquème, directeur adjoint de l’IGS, affable et souriant, qui après son audition portant sur le non respect du devoir de réserve, blague, la félicite sur la qualité de ses interventions médiatiques - « Nous avons vainement visionné vos rushes pour chercher la faille » (on croit rêver NDR) - insiste pour obtenir une dédicace auprès d’une Sihem Souid qui se fait prier, et ne cachant pas son enthousiasme, la remercie chaleureusement.

Bref, rien de réellement palpitant ou instructif dans ce livre mal écrit et vite lu.
Énormément d’autosatisfaction, et autant d’approximations et d’imprécisions qui tombent à pic. Ce qui est toutefois intéressant d’y observer est la recette de cette soupe fade, parce qu’il fallait tout de même noircir 200 pages.

Une soupe froide cependant. L’électroménager ayant rejoint les rangs des ennemis de la République, Sihem Souid dénonce page 130 une sorte de feu de casserole, dont elle suggère lourdement qu’il put être d’origine criminelle.

Les ingrédients de ce futur bad-seller sont donc les suivants :

1/4 de copies d’extraits du press-book de l’auteur, et autres lettres de soutien moult fois déjà diffusées, dont on comprend que si les signataires accordent un soutien de façon quasi pavlovienne, ils adhèrent bien davantage à une cause qu’à celle qui se présente à eux comme le porte-drapeau de celle-ci, et dont ils ne savent finalement pas grand-chose sinon qu’elle peut, à première vue, incarner un concept très vendeur médiatiquement.

1/4 de carnet d’adresses où elle cite consciencieusement les noms de tous les éditocrates qu’elle a pu croiser, et surtout de tous les parlementaires et politiques et qui lui ont été présentés pour la plupart par le très efficace ex-responsable de ce qu’elle nomme pompeusement son comité de soutien. Manière tape-à-l’œil et grossière d’associer nommément des gens à fort potentiel de visibilité, à son destin - et peut-être un jour à son discrédit. Vulgarité des gens ambitieux et sans talent qui parlent toujours trop fort, et comme d’amis véritables, de leurs relations de salons.

1/4 de règlements de compte, de calomnies, où entre autres, l’utile meneur du fan-club, déchu une fois sa mission marketing remplie, tombé de haut pour avoir approché et compris la part d’ombre de Sihem Souid, et ayant tenté une vaine marche arrière à son engagement, s’en prend plein la figure, de façon abjecte, insultante, ignoble, l’auteur n’hésitant pas à se livrer - comme dans son premier livre - à un exercice de description physique humiliante et superflue, et reproduire une série de textos sans aucun intérêt comme le ferait une adolescente revancharde.

1/4 de non dits et c’est bien sûr en creux que nous avons exploré ce livre, aussi elliptique que le premier, si toutefois cette paire d’ouvrages relève bien du témoignage et pas du roman.

Nous avions commencé à suivre le Souid-show comme un mauvais feuilleton surjoué.
Gênés par quelques invraisemblances, nous nous sommes intéressés à cette affaire de plus près, et avons continué à suivre notre icône en carton comme un fil conducteur à travers une presse totalement partisane et menteuse par d’opportunes omissions ou par facilité d’interprétation de ce qui aurait pu être une histoire exemplaire.
Nous avons pris un certain nombre de contacts qui nous permettent de dire que si le combat contre la discrimination et pour l’éthique est juste, il a été accaparé par Sihem Souid pour servir la seule cause de son ambition. Ses alliés de la première heure se sont tous désolidarisés, c’est dire... Il s’agissait pourtant des véritables victimes de discriminations.
Nous sommes également allés jusqu’à l’Assemblée Nationale pour apprendre que la crédibilité de Sihem Souid est très loin de faire l’unanimité, et que si elle se targue d’un certain nombre de soutiens et d’entretiens avec des parlementaires, ceux qui ont refusé de la recevoir sont nombreux, et leurs réticences sont très explicites.

Comme le disent les journalistes encartés, nous avons pu consulter un bon nombre de procédures et d’auditions. Nous avons, nous aussi, nos sources policières.

Sihem Souid affirme depuis un an avoir les preuves de toutes les exactions qu’elle dénonce. Comme par exemple, celles de viols collectifs ayant eu lieu dans un commissariat de police, faits qu’elle a rapportés dans plusieurs médias, et dont nous n’avons plus jamais entendu parler. Dommage, ce deuxième livre aurait été l’occasion de consacrer à ces crimes - dont elle dit que l’administration les a couverts - un chapitre croustillant.
D’autant plus que le viol est un thème vendeur, un viol constitue un préambule accrocheur.
Un viol est tellement tabou qu’aucun journaliste n’ose poser de question, ce serait reçu comme un autre viol.
Parler d’un viol dans le premier chapitre d’un premier livre, rend le lecteur vulnérable, perméable, lui interdit de douter des pages suivantes. Il ne peut pas se permettre de s’interroger sur le moindre détail d’un tel récit sans en disqualifier l’auteur.
Ce chapitre tabou de l’Omerta dans la police, « Le viol », qui s’accommode de toutes les vérités et d’une dramaturgie particulière, d’un dîner chez des amis, d’une rue déserte, et toujours de la pluie qui tombe sur le crime, ces vingt pages supposées démontrer in fine la réalité d’un acharnement policier sur Sihem Souid sont un écran de fumée.
Paradoxalement, dans un témoignage plus que dans un roman, les mots ont un sens. Et surtout, la contrainte de l'exactitude et de la sincérité.
Ainsi ce viol sous une pluie torrentielle à nouveau évoqué dans le second livre n’a jamais existé.

Les journalistes que nous avons contactés le savent comme nous. De même qu’ils savent un grand nombre d’invraisemblances et de manigances, et de quelle façon la déontologie de la presse est à son tour mise à mal.

Mais ils ont préféré la version officielle, l’imposture médiatique, celle de l’icône de la police irréprochable dont l’uniforme d’ADS n’est jamais sorti à l’air libre de la rue, celle qui a des preuves invisibles, illisibles, celle qui pleure dans ses livres et éructe en textos, celle qui gambadait à la suite d’Arnaud Montebourg à la fête de l’Huma (Arnaud Montebourg aurait-il fait un aussi bon score aux primaires socialistes sans Sihem Souid ?), celle d’une Sihem Souid borderline victime d’un complot visant à la faire taire, mais après tout pourquoi ne pas y croire… c’est tellement vrai qu’elle raconte… n’importe quoi.

Pour finir, deux mots de la "préface" de Stéphane Hessel, le pape contemporain de la bobolution. Celui-ci - dont elle dit qu’il a eu l’honneur de préfacer son livre ( !) - indique avoir suivi le parcours [de Sihem Souid] pendant plusieurs années… Il n’y a que deux explications possibles à ça. Soit il l’a fait sauter sur ses genoux quand elle était gamine, soit il s’agit d’une préface type et forfaitaire selon le nombre de signes espaces compris.

Tout cela et le reste nous indigne au plus haut Point.fr.

 

Bénédicte Desforges & Marc Louboutin


Moyenne des avis sur cet article :  3.8/5   (10 votes)




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9 réactions à cet article    


  • Marc Louboutin 26 janvier 2012 08:15

    Pourtant, pourtant, ce livre aurait pu être une véritable bombe littéraire.

    Si si. L’année écoulée depuis la sortie d’Omerta dans la Police, et la dramaturgie entraînée par ce premier ouvrage, était une occasion en or de raconter une putain d’histoire.

    Il aurait juste fallu que Mme Souid raconte la vérité sur cette quinzaine de mois.
    Parce que celle-là, que nous tentons de reconstituer à force de kilos de documents de toutes sources la concernant, elle vaut son pesant d’or éditorial.

    Elle contient toutes les arcanes d’un bon récit, que dis-je d’un best-seller.

    Amours croisées, contrariées ou parallèles, appétit de gloire, mensonges et trahisons, agents double voire triple, correspondances torrides, intoxications politiques, rôles troubles de journalistes, censure d’articles fouillés, d’autres, inexacts ou volontairement incomplets, promus en Une, mensonges médiatiques et éditoriaux, chantages, puissances étrangères intervenantes pour un soupçon d’exotisme ou de frisson, tribunaux utilisés comme moyens de pression, « Négres » d’un projet de Loi, théories fumeuses de complots, tentatives de déstabilisation d‘institutions et même un doigt de religiosité…
    Et peut-être des responsabilités conscientes (ou pas, l’histoire le dira) dans toute cette agitation, de quelques grands noms de la presse et de l’édition, voire de la police et de la politique, pourraient également être envisagées de manière crédible, c’est dire la richesse des ressorts narratifs !

    Au point que les plus fins connaisseurs du dossier se demandent toujours aujourd’hui « Qui manipule qui dans cette affaire ? »
    Mordieu la belle intrigue nous avons raté là !

    J’avoue, j’aurais eu du mal à faire médiocrement la moitié de cela dans un fiction même en y passant des années…

    C’est con.
    Ce livre est passé à côté d’un succès énorme. Avec une héroïne qui aurait pu devenir une figure « rock n’ roll » de la déontologie de la presse et de la police, que dis-je : une icône punk du vrai fonctionnement des médias.
    Nous aurions pu avoir, en racontant la vérité sur cette saga moderne, une sorte de Lisbeth Salander à la française écumant les plateaux télévisés, (Les tatouages et piercings en moins. Faut pas déconner quand même…).
    Nous sommes passé à côté d’un succès planétaire, d’une sorte de Dallas moderne et chaud bouillant sculpté à coups de latte dans du Semtex ™, avec finitions polies au souffle d’un heavy métal bien saturé…

    Oui. Cela aurait eu une sacrée gueule.

    Dommage qu’à la place il ne reste juste qu’une finalement triste restée petite fille et son journal intime, racontant un mauvais scénario de série Z brodé comme un brouillon de roman Harlequin.

    La vraie, la bonne histoire finalement, celle qui l’aurait rendu célèbre à coup sûr, c’est celle qu’elle ne raconte pas …Quel gâchis…


    • Fergus Fergus 26 janvier 2012 10:27

      Bonjour, Bénédicte.

      Le moins que l’on puisse dire est qu’entre votre article et le commentaire de Marc Louboutin, Sihem Souid est habillée pour la fin de l’hiver. Mais le fait est que, pour être crédible, un imprécateur doit s’appuyer sur des faits avérés indiscutables, ce qui ne semble pas tout à fait le cas dans le galimatias que vous décrivez.

      Rien à voir : j’ai publié il y a quelques jours sur AgoraVox un article, intitulé « L’indicateur qui manque aux statistiques de la délinquance  », dans lequel je fais référence à vous. J’aurais souhaité connaître votre réaction.

      Cordiales salutations.


      • bénédicte desforges bénédicte desforges 27 janvier 2012 01:09

        Bonjour Fergus,
        J’avais lu votre article quand vous l’avez publié.
        (plus trop envie de laisser des commentaires par ici, tant les échanges sont compliqués avec un pedigree de flic comme le mien, et que les réactions épidermiques ont fini par m’insupporter)
        Pas évident de disserter sur la politique du chiffre en quelques lignes, le débat part sur plusieurs axes.. le comptage, qualitatif, quantitatif, la gestion du « sentiment » d’insécurité, l’opportunité de communiquer sur le chiffre de la délinquance et de quelle façon, les effets sur l’image de la police, sur les relations police/population, etc.
        Sinon, les indicateurs existent, je pense qu’ils sont assez élaborés, mais revient toujours la question des opérations de communication qui sont faites de tout ça. D’après moi, le vrai problème est là. Lequel problème d’ailleurs, devrait être disjoint des modalités de la lutte contre la délinquance.
        Cordialement,
        et merci pour vos remarques et vos articles toujours très agréables à lire ^^


      • Marc Louboutin 26 janvier 2012 11:51

        Bonjour Fergus,
        Sachez que notre « galimatias » comme vous le commentez, s’appuie sur un épais dossier de différentes sources, et que contrairement aux (mauvaises) habitudes des journalistes, s’il nous semble utile de donner notre point de vue, celles de publier les documents venant de sources privées ou judiciaires ne nous semble pas opportunes. Nous aurons sans doute l’occasion de le faire à l’heure à laquelle nous serons confrontés(en audience publique) à la manie de Mme Souid d’utiliser les tribunaux de manière dilatoire (ou pour prouver ses dires, dès lors qu’elle dépose plainte, elle estime que cela justifie ses propos, politique qu’elle utilise à foison)
        Je regarde votre lien ce week-end.
        Bien à vous


        • Fergus Fergus 26 janvier 2012 12:44

          Bonjour, Marc.

          Je me suis sans doute mal exprimé : le mot « galimatias » visait Sihem Souid et sa dernière production.

          Sur mon article, il va de soi que votre avis, tout comme celui de Bénédicte Desforges, m’intéresse.

          Cordialement.



        • INCROYABLE MAIS VRAI.

          la république est gangrènée de puis 19 ans....la police est aux ordres de L’ UMP LA PIEUVRE MAFIEUSE PARISIENNE...

          heureusement que le canard...mediapart...et agoravox remplissent eux....leurs missions...ce qui n’est pas le CAS DE LA DCRI


        • bénédicte desforges bénédicte desforges 8 avril 2012 11:14

          Vous êtes ridicule quoique vous disiez, et chacun de vos commentaire a l’air d’être écrit à 5 grammes.

          Parlant de gangrène, les gens comme vous sont celle des sites collaboratifs.


        • Annie 26 janvier 2012 19:16

          Je trouve tout à fait dommage, mais finalement prévisible qu’il n’y ait pas plus de réactions. Cela renforce dans un certain sens l’argument que les médias ou le public sont moins intéressés par la vérité que par une affaire, simplifiée à l’extrême, qui ne remet pas en cause les stéréotypes, qui les conforte surtout dans leurs préjugés et qui pour les médias est rentable. Je n’aurai pas autant de sympathie si cela ne s’était pas vérifié à maintes reprises pour d’autres affaires qui n’ont rien à voir avec la police. Que des fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires en arrivent à écrire sur l’internet pour faire connaître leur version d’une affaire me paraît tragique pour la liberté d’information en France.

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