La tentation de l’eugénisme : Michel Drac et ses auteurs
Dans tout ce qui nous est présenté là par Michel Drac, et contrairement à ce qui est affirmé, il n'y a pas une seule information que l'on pourrait qualifier de "scientifique". Certes, il y a de l'histoire, de l'économie, de la sociologie, de la culture, de la statistique, de la psychologie, de l’ethnologie sans doute aussi mais pas de science ; et sûrement pas de génétique ni de biologie.
Rien de surprenant à cela puisque le livre qui fait l’objet de la note de lecture de Michel Drac, - « Dysgénisme, la détérioration génétique dans les populations modernes » - a pour auteur Richard Lynn qui n’est qu’un psychologue, c’est- à dire : vous et moi qui le sommes tout autant que lui… psychologues car pas plus bêtes que la moyenne de ceux que l’on dit plutôt intelligents, observateurs et perspicaces.
Nous dire que les enfants des profs réussissent mieux que les enfants de parents de Moulinex...
Affirmer que, contrairement aux pauvres, les riches transmettent non seulement un patrimoine matériel mais aussi un patrimoine sous la forme d’un environnement plus propice au développement intellectuel et autres de leurs descendants…
Puis conclure par ceci : le QI des riches est statistiquement plus élevé que celui des pauvres…
C’est sûr, nous n'avons pas besoin du soutien d'aucune science digne de ce nom pour en arriver à une telle conclusion.
Rappelons au passage, car on ne le dira jamais assez manifestement, que le talent, l'intelligence, le génie ne sont pas héréditaires ni la bêtise : tous les enfants d'Igor Stravinski, de Bach, de Picasso, de Pissarro, de Marx, de Pasteur et de Einstein (fratrie de 3 et 9 enfants) nous l'ont salutairement prouvé. Ce qui nous a permis de passer à autre chose en musique, en peinture, en économie politique, en médecine et en physique même si l’on doit reconnaître en toute bonne foi que les marmots de tous les esprits supérieurs précédemment cités savaient très certainement se tenir à table, et ce bien mieux que ceux des pauvres.
A la décharge de tous leurs descendants plutôt discrets donc, gardons à l’esprit les évidences suivantes : plus l’ascendant occupe le devant de la scène, moins on entend parler de sa descendance et moins celle-ci semble nourrir le désir d’emboiter le plus de leur géniteur ou génitrice plus connus sous les noms de père et mère car plus on parle de soi ou bien, plus l’on fait parler de soi, plus la voix de sa descendance peine à se faire entendre pour peu, et c’est pas certain du tout, que cette descendance ait quelque chose à dire.
N’empêche… continuons de dire les choses : cela n'aura échappé à personne, l'eugénisme est une vieille lune portée par des individus qui, comme un fait exprès, n'ont jamais soutenu - mais… est-ce un hasard ? - les politiques destinées à atténuer les conséquences dévastatrices de la pauvreté sur les êtres humains : conséquences économiques, psychologiques, culturelles et psychiques ; Hugo, Dickens, Zola, Engels dans "la situation de la classe ouvrière en Angleterre » de 1842, n’ont pas cessé de nous en parler pour mieux les dénoncer.
Encore une fois, est-ce une coïncidence ce profil récurrent propre aux souteneurs de thèses eugénistes ?
Plus anti-scientifiques et anti-intellectuelles que les thèses eugénistes (refus de la rigueur et refus de la recherche des causes derrière les effets), vous ne trouverez sans doute pas !
Volontairement oublieuses de la corrélation entre les conditions d’existence et le niveau intellectuel et la bonne santé physique des intéressés – un corps robuste dans une tête bien faite -, toutes les thèses eugénistes ne sont qu’une immense illusion fruit d’un fantasme de toute puissance et de pureté auto-centrée car on l’aura aisément remarqué : il est souvent question de « mon ethnie, ma race, ma culture… » contre celles de tous les autres : en effet, on n’a jamais vu un eugéniste blanc saluer la supériorité « génétique » d’un Noir ou d’un Asiatique - et vice versa : un Asiatique ( Japonais de surcroît) celle d’un Européen.
Toutefois, auprès de tous les eugénistes ulcérés à l’idée d’une détérioration génétique du patrimoine de l’humanité dont on doit pouvoir tenir responsables tous les damnés de la terre – nommément les exploités à la santé plus que précaire -, phénomène qui répond du nom de dysgénisme, risquons la prédiction suivante : il n'est pas certain du tout que le monde de demain ait besoin de 8 milliards et plus d'individus au QI élevé ; la révolution numérique, la robotique, l’informatique devraient aisément faire l’économie d’un nombre croissant de travailleurs non-qualifiés et qualifiés, diplômés du supérieur ; d'autant plus que les pauvres - c'est à dire : les imbéciles... selon les auteurs que Drac nous présentent -, permettent aussi et surtout aux riches - il suffit de se reporter aux théories issues de tous les mouvements de lutte contre le fatalisme d’un déterminisme têtu, de… disons…. Jésus Christ :-) à Karl Marx - de mener une vie tranquille qui les protège des affres de la misère, de la pauvreté ou de la précarité, de la mal-bouffe et de l’abrutissement télévisuel.
Pour cette raison, il nous faudra très certainement attendre longtemps avant que les riches ne choisissent de se débarrasser des pauvres « responsable de la détérioration du patrimoine génétique de l’humanité » selon les analyses et les conclusions des auteurs que Michel Drac, thuriféraire, accompagne à l’office.
Dans les faits, une transmission de patrimoine d’ordre génétique spécifique à chaque classe - pire ou mieux encore, à chaque ethnie reconnue comme telle ( les Blancs, les Noirs, les Asiatiques, les Hispaniques - et les Inuits ?) - n’est admise par aucun membre de la communauté scientifique.
A propos de l’alcoolisme, par exemple, et même si cette croyance a longtemps perduré jusque dans les années 30 avec Bernanos ( « Journal d’un curé de campagne » et « Sous le soleil de Satan ») il n’y avait que Zola au 19è siècle ( dans Nana entre autres romans) et ses contemporains, même les plus éclairés et les plus compassionnels, pour penser que cet alcoolisme ravageur était une maladie héréditaire ; affirmation qui ressemble fort autant à un lapsus qu’à un préjugé de bourgeois inexpiable. Comme quoi : on a beau être de bonne foi et de bonne volonté, on finit toujours par revenir à la case départ. Chassez le naturel, c’est le mépris qui revient au galop ! Mépris et préjugés de classe.
En revanche, on peut sans prendre le risque de se tromper affirmer que ce sont bel et bien les conditions d’existence propices à l’alcoolisme qui pouvaient sous Zola, être considérées comme un déterminisme de classe ; et aujourd’hui encore, avec l’ajout des drogues dures, dans certains métiers physiquement et psychiquement pénibles : la bourse et le bâtiment – golden boys et immigrés de chez Bouygues et Eiffage côte à côte et fraternels, unis dans une même souffrance ; finiront-ils par partager la même litière et les mêmes commodités : les bungalows modulaires et les sanitaires de chez Algéco ?
Rien n’est moins improbable au nom d’un « Salariés souffreteux de toutes les classes, unissez-vous ! »
Après réflexion, toutes ces thèses eugénistes pourraient finalement tout aussi bien servir un projet progressiste (projet qui nous rapprocherait de la justice des conditions d’existence) ; non pas : « supprimons physiquement les pauvres responsables de la dégénérescence de l’espèce humaine », en priorité ceux qui appartiennent à des ethnies reconnues comme inférieures par ces derniers et leurs statisticiens ad hoc qui ne renoncent jamais ! mais bien plutôt « Supprimons la pauvreté ! » afin que chacun puisse transmettre un environnement familiale et sociale propice au développement physique et intellectuel de sa descendance.
Là encore, à propos du point de vue eugéniste, force est de constater ceci : ce que l’on pense ne nous aiderait-il pas aussi à nous consoler de tout ce qu’on n’est pas et ne sera jamais, à regret ? Car, compensation, tout n’est que compensation ! Tenez ! Prenez Nietzsche ! Nietzsche qui tenait à peine debout, d’une santé précaire à la fois physique et mentale, glorifiait le corps ; ce corps athlète et guerrier ; ce corps conquérant et triomphant. Michel Drac, quand à lui, semble se tirer une balle dans le pied en soutenant à mots à peine couverts tous ces théoriciens eugénistes car enfin : ces auteurs, ceux qu’ils citent, s’ils avaient aujourd’hui la main, au moment de décider de qui il convient de débarrasser la planète, selon des critères non pas intellectuels mais d’aptitudes physiques cette fois-ci… car les eugénistes accordent tout autant d’importance à l’intellect qu’aux muscles, s’accorderaient-ils, tous ces eugénistes, pour gracier un Michel Drac qui, faute d’être épargné, accepterait alors de se « retirer », contraint et forcé ou bien, altruiste et héroïque, saut dans le vide, et ce pour mieux contribuer à la fin de la dégénérescence physique de l’espèce humaine qui semble lui aussi le tenir tant à cœur jusqu’à la crise cardiaque ?
Sans vouloir être désobligeant ou exagérément pessimiste pour Michel Drac comme pour Nietzsche, on peut légitimement douter du fait que ces eugénistes fassent preuve de mansuétude à leur égard.
Mais alors, glorifier ce qu’on ne sera jamais, est-ce rechercher inconsciemment une punition suprême et ultime auprès de ceux chez lesquels cette punition tarde à venir ? Est-ce aussi se jeter dans la gueule du loup eugéniste ? Un châtiment cette punition tant désirée, pour ce que l’on ne supporte plus de ne pas être : brillant dans tous les registres, au point et au poil, au sommet et sans vertige, de tout le potentiel humain ?
Pauvres sont les pauvres, riches sont les riches, jamais ils ne se rencontreront ! C’est Kipling qui nous fait la leçon. Mais alors, que l’on nous prouve qu’il y a bien une transmission génétique propre aux pauvres et une autre propre aux riches ; la transmission d’un patrimoine génétique étanche même après moulte visites chez les professionnels de santé… celle de l’hygiène sexuel ! Car chacun sait que le bourgeois, même branché et bobo, ne rechigne pas à ces visites diurnes et nocturnes.
Parler de patrimoine génétique de l’humanité et tenir pour responsable de sa détérioration - selon les classes et les ethnies, fatalement, parce que tel est le but ultime de ceux qui raisonnent autour de la notion de « patrimoine et de transmission » en lien direct avec une pseudo science qui n’a plus rien à voir avec la génétique et la biologie - la baisse drastique dans les sociétés développées du taux de mortalité infantile qui a favorisé les êtres humains aux existences les plus précaires, là où les taux de mortalité étaient les plus élevés, est une gageure doublée d’une escroquerie intellectuelle et scientifique car il n’y a qu’un seul patrimoine génétique humain identique à 99,99%, transmissible donc autant par des QI de 140 que des QI de 70, des pauvres comme des riches - il sera beaucoup question de ce test psychométrique dans l’exposé de Michel Drac et des auteurs qu’il tient pour références -, à l’exception des principales maladies génétiques héréditaires ou non, cancers inclus : la mucoviscidose, la neurofibromatose de type 1, la trisomie 1, l’hémophilie, les myopathies, la drépanocytose et autres maladies dégénérative : Alzheimer, Creutzfeldt Jakob…
Un patrimoine unique donc « constitué de la totalité des gènes présents sur l'ensemble des chromosomes caractéristiques de l’espèce humaine. » Or, cette totalité est identique chez les Noirs comme chez les Blancs, chez les Pauvres comme chez les Riches, dans les pays développés comme chez ceux qui le sont moins ou pas du tout.
Quant à affirmer que la mortalité infantile qui ferait partie « du processus d’élimination des héritages génétiques défavorables » serait d’ordre naturel… c’est oublier un peu vite que si nous ne sommes pas tous « égaux » devant la maladie, nous le sommes d’autant moins qu’il se trouve ou pas un médecin et des moyens hospitaliers performants ou pas à proximité ou bien à 10 heures de vol pour ceux qui n’auront pas droit au moindre retard car pour eux, c’est maintenant ou jamais !
La nature, cette force cruelle et muette qui jamais ne rend des comptes, a bon dos dans ce cas d’espèce comme dans tant d’autres.
Au cours de cette vidéo, une « sélection pré-natale des embryons » est évoquée sans plus de détails. Mais alors, est-il question d’effectuer un test de QI intra-utérin sur le l’embryon devenu fœtus ? Ou bien, faut-il interdire aux indigents et aux classes populaires de se reproduire, sans oublier les critères ethniques pour un eugénisme pas simplement de classes, mais un eugénisme racialiste ? (vidéo à 1.00.00)
Dans l’attente d’un début de réponse à cette question, mentionnons cette autre donnée scientifique : « Tous les hommes descendent d'une même population d'Afrique noire, qui s'est scindée en sept branches au fur et à mesure du départ de petits groupes dits fondateurs. Leurs descendants se sont retrouvés isolés par des barrières géographiques (montagnes, océans...), favorisant ainsi une légère divergence génétique. » - Howard Cann, de la fondation Jean-Dausset.
A l’exception des maladies héréditaires, les spécificités d’une transmission ne peut être que d’ordre matériel, culturel et familial, fruit d’un environnement propice ou non, c’est selon, au développement intellectuel et social de sa descendance car les conditions d’existence chez l’humain qui vont de l’extrême pauvreté à une richesse irreprésentable matériellement et mentalement tellement celle-ci dépasse l’entendement avec toutes les conséquences sur la transmission non plus d’un patrimoine génétique inégal mais des conditions d’existence et des opportunités de développement humain, ces conditions-là sont quasi- scientifiquement analysables avec l’aide des disciplines suivantes : histoire, sociologie, ethnologie, économie, diététique, médecine notamment préventive…
Le seul cas admis à propos de l’utilisation de l’expression « appauvrissement du patrimoine génétique » est le suivant : lorsqu’il est question de la disparition irrémédiables des centaines de variétés d'animaux domestiques et des milliers de cultivars végétaux.
Conclusion :
La tentation de l’eugénisme, c’est ce qui arrive quand on se refuse à se situer soit vraiment à droite (« … seuls ceux qui savent faire des affaires ont raison ! Et pour cette raison, on doit leur fiche la paix ! »), soit vraiment à gauche (la recherche des causes premières d’ordre sociale, historique et économique est une exigence absolue) ; en d’autres termes, quand on refuse et Marx et Adam Smith (puis Friedman dans la caricature absurde de ce même Smith), la politique ayant le vide en horreur, c’est alors qu’une troisième voie émerge du brouillard - dans les faits, historiques, pas si nouvelle que ça cette voie que l’humanité a mille fois empruntée ! - et c’est alors que l’on vous présente un tableau noir à la craie blanche sur lequel il est dit que les « Noirs abrutis – QI faible - font plus de gosses que les Blancs tout aussi demeurés. Comprenez : à QI égal et pauvreté similaire, les Noirs sont quand même plus cons que les Blancs – vidéo à 00.50.00.
Exhaustivité oblige, sans doute : un second et dernier tableau se fera un devoir de confirmer l’assertion précédente : côté QI, les Noirs seraient en queue de liste - vidéo à 00.56.40
Après cinquante minutes d’exposé, faut dire qu’on le sentait venir quand même. Et là, qui peut bien faire l’économie de penser que l’on ne se dirige pas une fois encore, une fois de plus, vers une impasse en forme de cul-de-sac ?
Car que tous ces eugénistes aux motivations compensatrices ne se fassent aucune illusion : tous finiront par passer à la trappe et le fait que certains d’entre eux aient la naïveté de penser qu’ils y passeront en dernier n’y change rien : les machettes et les fours ne connaîtront aucun répit quand le moment sera venu de « sauver le patrimoine génétique des plus forts en QI, en muscles et en gueule ». Car cette révolution -là dévorera aussi sûrement ses enfants que les précédentes.
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