La trahison des élites médiatiques ?
Dans quelques semaines, quand s’estomperont dans les chaleurs de l’été finissant les innombrables analyses plus ou moins pertinentes, les arguments qui virent trop souvent à l’argutie, les proclamations de foi républicaine, tout ce fatras bien connu dont les chroniqueurs institutionnels se font les rapporteurs diligents, ceux-là mêmes qui ont développé un incontestable talent de magister non pour éveiller les intelligences mais pour dissimuler les réalités qui interrogent le citoyen ( ou plutôt devraient les interroger tous ) sous des tonnes de considérations vaines ( où le plus souvent, si l’on fait l’effort d’y réfléchir, la nullité le dispute à la sottise masquée sous les plus beaux atours du bien dire )
L’affaire Benalla pour reprendre la terminologie à la mode a apparemment suspendu tous les autre problèmes leur donnant un coup de froid au fond bienvenu pour un Exécutif qui peinait à la tâche et à qui les dernières statistiques tout comme le moral des Français ne pouvaient apporter des encouragements.
Dieu merci ! Les médias se sont emparés d’une affaire médiocre pour donner à l’attention du public des motifs de conversation moins dangereux pour la survie d’un système qui continue de semer des vessies à l’usage de ceux qui voudraient peut-être disposer de lanternes pour éclairer leur quotidien...
Et l’on pourra se demander quelle peut bien être la santé d’un état que certains feignaient de voir vaciller sous les coups d’un nervi de basse extraction mais de grande ambition, un Rastignac du pauvre, un hère pas unique en son genre mais dont malheureusement notre époque se résigne à dessiner trop souvent les lamentables contours.
Comme chaque été, l’été 2018 a donc engendré son psychodrame qui a agité tout le landerneau politicien, je ne dirais pas de manière déraisonnable car c’était au contraire bien raisonné pour démobiliser les gens de leurs problèmes essentiels, pour les attirer dans le piège du faux problème.
Un événement tout au plus anecdotique à peine digne de figurer dans la chronique d’antan des chiens écrasés a pris une ampleur confinant au délire et suscité un nombre incalculable d’éditoriaux marqués au sceau de la légèreté la plus crasse, d’émissions politiques centrées sur ce thème récurrent de la barbouzerie en politique, thème dont les plus belles définitions sont tout entières contenues dans les dialogues d’Audiard qui ont une finesse que n’atteindront jamais les malhabiles qui nous ont bassiné les oreilles sous la canicule, une calamité n’arrivant jamais seule.
Il suffisait de sortir quelques répliques du brillant dialoguiste pour faire le tour d’un problème dont la vacuité aurait dû sauter aux yeux de toute personne normalement constituée.
Bref nos grands faiseurs d’opinion découvraient après tout le monde et après s’être complaisamment fait l’écho du contraire que le président Macron n’avait qu’une chose qui le différenciait de ses prédécesseurs son jeune âge et que son comportement - tel qu’il s’est manifesté et pas seulement à cette occasion - n’annonçait pas un nouveau régime mais en anticipait au contraire la fin.
Pour le reste comme Sarkozy, il a pris d’assaut la citadelle républicaine et comme Sarkozy il sera balayé par le reflux, l’enthousiasme – limité à un petit quart des électeurs – qui lui a valu de triompher sans gloire d’une candidate ectoplasmique est par essence passager.
Il y a deux ans, c’était le burkini qui était censé déchaîner les foules mises en condition sans que l’on sût jamais si le nombre de ses adeptes avait dépassé quelques dizaines.
Toutes les grandes voix de la libération de la femme - d’Elizabeth Badinter à Caroline Fourest - y sont allées de leur couplet relayé par les plus éminents croisés autoproclamés qui ne pouvaient supporter que nos plages fussent profanées par autre chose qu’un étalement – le plus souvent peu ragoûtant - de chairs nues.
A ce torrent d’invectives plus sottes les unes que les autres s’ajoutaient les imprécations des spécialistes qui, s’arrogeant le savoir en ne connaissant rien à rien, y allaient de leurs condamnations définitives et de leurs prédictions apocalyptiques sur le devenir de la France.
Comme certains sont manifestement trop intelligents pour croire aux sornettes dont ils se faisaient l’écho, il faut y voir avec le recul la malignité d’une volonté de manipuler l’opinion : en bons démagogues ils spéculaient ( et ils continuent ) sur le fait qu’une contre-vérité répétée devient une vérité de même que le mensonge.
Bref ou le burkini a disparu des plages ou les autorités s’en accommodent.
N’en n’ayant personnellement jamais vu ( mais il vrai que je fréquente peu les espaces balnéaires ) je ne puis avoir d’avis sur la manière dont le public réagirait dans une telle occurrence si tant est qu’il eût l’idée de réagir sur un lieu de vacances où chacun recherche avant tout le calme et la tranquillité que je vois mal troublés par cet accoutrement ni par quelque autre accoutrement que ce soit d’ailleurs.
Ce que pose donc l’affaire Benalla, ce n’est pas tant la stupéfaction de voir un garde du corps apparemment promu à une grande carrière de « commis de l’état » en n’ayant pas fait les grandes écoles ou perdu son temps à ingurgiter à Strasbourg les stéréotypes énarchiques qui sont le fondement du fonctionnement « harmonieux » de l’état français, ce qui interpelle, c’est comment un épiphénomène sans grande portée porte en lui-même tous les dysfonctionnements du système médiatique.
Il est la synthèse démesurément grossie non de toutes les failles de la Ve république, ces dernières sont connues depuis son avènement et sont inhérentes à sa philosophie constitutive, mais de la perte de sens civique de ceux qui ont le devoir de représenter un contre-pouvoir réel et qui choisissent le plus souvent de se comporter en vulgaires agitateurs de bulles.
Quand l’unanimité des censeurs ( au sens noble du terme ) se fait sur des détails sordides, c’est sans doute que plus rien de concret ne parvient encore à intéresser le public ou que l’on ne veut plus éveiller sa conscience.
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