La trahison maghrébine de Bouteflika
Dans un nouveau cycle de crise énergétique, l’Algérie a confirmé son engagement majoritaire dans la réalisation de deux gazoducs destinés à approvisionner l’Europe : MEDGAZ via l’Espagne et GALSI via l’Italie.
Ces deux méga-projets ont trois points communs :
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Sonatrach investira la plus grosse part (36 %) dans chaque gazoduc ;
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les volumes de gaz livrés seront de 8 à 9 milliards de m3/an et par gazoduc ;
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les deux tracés traversent la Méditerranée en évitant les territoires marocain et tunisien.
L’anesthésie générale imposée par le pouvoir algérien à la presse, aux élites et à l’opposition politique empêche toute critique locale sur ces projets. Ils relèvent pourtant de graves dérives stratégiques et historiques.
Pourquoi pousse-t-on Sonatrach à investir la plus grosse part dans ces gazoducs et à s’engager dans les marchés européens du gaz ? N’a-t-elle pas mieux à faire sur ses débouchés naturels maghrébin et africain. Quels sont les intérêts de l’Algérie dans cette course effrénée de dilapidation de ses ressources gazières au détriment de son potentiel industriel et des générations futures ? Pourquoi se précipiter à réaliser ces gazoducs, avant de définir un nouveau prix du gaz, enfermé dans un dogme d’indexation sur le prix du pétrole, selon des formules alambiquées imposées depuis plus de 40 ans ?
Cependant, la plus grave dérive est ce « détournement » des tracés naturels des gazoducs que l’Algérie « révolutionnaire » faisait passer auparavant par ses voisins maghrébins. Ce fut le cas avec le TSGP, qui passe par la Tunisie et le fameux GEM (Gazoduc Maghreb Europe) qui passe par le Maroc. Le lancement triomphal à l’époque de ces deux gazoducs étaient censés inaugurer une prometteuse politique d’intégration maghrébine inscrite dans la durée. Or cette « nouvelle route du gaz » par la mer est en soi une triple punition pour l’Union du Maghreb arabe.
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Ces nouveaux gazoducs, qui rallongent le parcours marin plus coûteux, privent les voisins maghrébins de la disponibilité d’une nouvelle ressource gazière de proximité pour leur développement économique, comme si le principe de « sécurité énergétique stratégique » destiné aux Européens ne s’appliquait pas aux Maghrebins.
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En évitant les territoires marocains et tunisiens, on les prive de « royalties » payées par le consommateur européen, donc d’un revenu légitime sur les ressources du Sahara.
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Le passage des gazoducs par le Maroc et la Tunisie auraient imposé un « troisième » compteur des débits de gaz réellement livrés, donc une relative garantie de transparence du commerce gazier.
En faisant du pétrole une arme stratégique, l’Algérie avait propulsé son développement économique et industriel. L’arme du gaz devrait aussi aider à propulser l’intégration maghrébine. Les nouveaux investissements gaziers ne doivent pas être engagés selon les seuls besoins européen, mais aussi selon les besoins maghrébins.
Un historien-géographe avait décrit l’Algérie comme « un pays ayant un gros ventre et une petite tête ». Le gros ventre est l’immense poche saharienne qui s’étend dans le continent africain. La petite tête est la bande côtière (1 200 km de long sur 100 km de large), qui donne sur la Méditerranée. A la manière d’une panse bien pleine, le Sahara regorge de réserves d’hydrocarbures, minerais, nappes phréatiques, ressources touristiques et de richesses insoupçonnées. La pointe du bas-ventre descend vers l’Afrique, mais ses richesses restent inaccessibles aux populations du Sahel. A seulement 30 km d’In Guezzam, le poste frontalier nigérien d’Assamaka n’a pas d’électricité. La route transsaharienne, engagée dans la décennie 70, a été délaissée. Rien ne sort par le Maroc et la Mauritanie à l’Ouest pour déboucher sur l’Atlantique. Et rien ne sort par la Tunisie et la Libye à l’Est. Le gros ventre saharien est congestionné et n’aide en rien au développement des pays voisins. Le seul débouché commercial après 45 ans d’indépendance et d’efforts de développement reste encore la Méditerranée où les ports commerciaux, datant de l’époque coloniale, sont saturés sans connaître de vrais programmes d’investissement à l’intérieur et autour des enceintes portuaires.
Le chef de l’Etat Bouteflika, né à Oujda au Maroc, fait partie de l’armée des frontières qui a pris le pouvoir en 1962 après avoir été créée, formée, soutenue et protégée chez les frères marocains et tunisiens engagés avec les Algériens comme un seul peuple dans la guerre de libération.
Aujourd’hui, il trahit l’idéal maghrébin en évitant le passage des deux gazoducs par la Tunisie et le Maroc, et en perpétuant... une tradition coloniale de spoliation des richesses.
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